Démantèlement des installations nucléaires : une faisabilité technique pas tout à fait acquise Barbara Romagnan, députée (2012-2017) Le choix de procéder au démantèlement des installations nucléaires après leur arrêt devrait permettre de réutiliser les espaces libérés. Cependant, la faisabilité technique des opérations de déconstruction et décontamination n’a pas encore été démontrée sur la diversité du parc français. En savoir plus Rapport sur le démantèlement des installations nucléaires de base, Conseil supérieur de la sureté 7 et de l’information nucléaires (CSSIN), 16 mai 2007. Faisabilitétechniqueetfinancière du démantèlement des infrastructures nucléaires, rapport de la Mission d’information parlementaire (M. Julien Aubert, président, Mme Barbara Romagnan, rapporteure), 1er février 2017, www.assembleenationale.fr/14/rap-info/i4428.asp 14 Reflets de la Physique n°60 En matière de démantèlement nucléaire, la France se trouve actuellement dans une situation intermédiaire qui appelle à la plus grande vigilance compte tenu de l’ampleur des travaux qui restent à réaliser. Un démantèlement consiste en la déconstruction d’un réacteur nucléaire, la décontamination des bâtiments d’exploitation et l’assainissement des sols qui auraient pu être contaminés. En théorie et dans les cas les plus favorables, le démantèlement doit permettre la réutilisation sans contrainte des espaces libérés et entièrement décontaminés. On parle alors de « retour à l’herbe » ou de « champ vert », l’image évoquant un retour à l’état de nature. Mais la réalité est plus complexe : la décontamination totale étant particulièrement onéreuse, l’Autorité de Sureté Nucléaire (ASN) peut accepter, dans certains cas et à la demande de l’exploitant que le démantèlement n’inclue pas cette contrainte. Aux États-Unis il est même admis que certains vestiges radioactifs puissent être laissés sur place recouverts d’un sarcophage ; dans d’autres cas, les combustibles usagés peuvent être stockés sur des sites de réacteurs démantelés dans des silos étanches. Les Américains parlent alors d’une manière imagée de « champ marron », adapté à une utilisation industrielle. La France a opté pour le principe du démantèlement immédiat des installations après leur arrêt. Mais toutes les questions ne sont pas réglées concernant l’avancée des techniques de démantèlement et du retour d’expérience. À cet égard, il convient de faire observer deux points principaux : d’une part, les retours d’expérience sont inégaux selon les parcs ; d’autre part, la gestion des déchets issus des démantèlements pose encore question. Des retours d’expériences inégaux selon les parcs La spécificité du parc nucléaire français réside notamment dans l’existence d’un double parc : un premier parc ancien, à l’arrêt, constitué des réacteurs de première génération, dits « uranium naturel graphite gaz » (UNGG), et un second parc, plus récent, encore en activité, formé par les réacteurs à eau pressurisée (REP). EDF affirme connaitre des difficultés concernant le premier parc UNGG qui devait initialement être démantelé « sous eau », et ces complications techniques ont amené EDF à reconsidérer sa stratégie. Alors que l’eau devait servir à limiter la libération de la radioactivité lors du retrait des couches de graphite, les principaux réacteurs voient leurs délais de démantèlement très largement repoussés. Ainsi, le réacteur de Bugey dont le démantèlement a débuté en 1994 devrait n’être démoli qu’en 2037, et celui de Chinon en 2041. L’ASN a cependant appris courant 2016 la décision d’EDF de procéder à un démantèlement sous air, sans que les justifications apportées par l’opérateur lui aient semblé satisfaisantes. En conséquence, EDF souhaite expérimenter sa nouvelle technique sur un réacteur test d’ici à 2060, et démanteler les réacteurs suivants d’ici à 2100. Concernant le parc REP, il apparait que la faisabilité technique est davantage assurée. Pour autant, dans les faits, aucun REP n’a été démantelé à ce jour dans le monde ; les surprises – mauvaises – en ce domaine étant jusque-là la règle, il convient d’être prudents. EDF compte 58 réacteurs à eau pressurisée actuellement en fonctionnement et neuf réacteurs à l’arrêt : Brennilis, réacteur à eau lourde, |