» > de différents états atomiques en présence d’un champ magnétique amène à la conclusion que le rapport gyromagnétique de l’électron est légèrement supérieur à la valeur attendue. On parle d’anomalie a e du moment magnétique de l’électron, définie par γ = (1 + a e) (-e/m e). La théorie de l’électron de Dirac est incomplète car, comme l’atome, le champ électromagnétique doit être traité quantiquement. Même isolé, un atome interagit avec les fluctuations du champ électromagnétique, ce qui a pour effet de déplacer ses niveaux d’énergie. L’électrodynamique quantique permet de calculer ces corrections radiatives par un calcul perturbatif en puissances de a, en particulier le déplacement de Lambet l’anomalie du rapport gyromagnétique de l’électron. Dès les années 1950, les résultats obtenus sont en accord avec les expériences. Soixante ans après, la confrontation théorie-expériences continue et s’accompagne de progrès spectaculaires tant au niveau théorique qu’expérimental. Notre équipe de métrologie au Laboratoire Kastler Brossel est impliquée à la fois dans la mesure de la constante de structure fine et dans la spectroscopie de l’atome d’hydrogène. Dans les deux cas, nos résultats permettent de tester les prédictions de l’électrodynamique quantique à un très haut niveau de précision, soit sur le moment magnétique de l’électron libre, soit sur les niveaux d’énergie de l’atome d’hydrogène. Le rayon du proton et son « mystère » 6 Reflets de la Physique n°59 La spectroscopie de l’atome d’hydrogène Les corrections d’électrodynamique quantique affectent tous les niveaux d’énergie de l’atome d’hydrogène, mais leur effet est le plus important dans les niveaux S, de moment cinétique orbital nul (l = 0). En outre, le déplacement de Lambassocié varie à peu près comme 1/n 3, ce qui fait que le niveau fondamental 1S de l’hydrogène a une énergie accrue d’environ 8 GHz par rapport aux prévisions de l’équation de Dirac. Si la première mesure du Lambshift a été réalisée sur l’écart 2S 1/2 – 2P 1/2, c’est que cette transition se situe dans le domaine des radiofréquences, facile à atteindre avec les techniques d’après-guerre. Actuellement, ce sont les méthodes optiques qui sont les plus précises grâce aux lasers et aux peignes de fréquences réalisés avec des lasers femto secondes [2]. L’étude de transitions à deux photons, dans lesquelles les atomes sont excités par deux faisceaux lasers contra-propageants (de vecteurs d’onde opposés), permet d’éliminer l’effet Doppler du premier ordre en faisant absorber aux atomes un photon de chaque onde. Pour déterminer à la fois la constante de Rydberg R ∞ et le déplacement de LambL 1S de l’état 1S, on compare simplement deux fréquences de transition optiques, dont l’une au moins concerne le niveau fondamental 1S. Deux données expérimentales sont suffisantes pour déterminer les deux constantes, car les autres déplacements de Lambqui interviennent aussi dans les fréquences de transition sont beaucoup plus petits et suffisamment connus. La transition la plus précisément mesurée est la transition 1S-2S à 243 nm, dont la largeur naturelle est de l’ordre du hertz, grâce à la très longue durée de vie du niveau 2S. L’incertitude relative atteinte sur la mesure de sa fréquence, réalisée dans l’équipe de T.W. Hänsch à Garching (Allemagne) est de 4,2 x 10 -15 [3]. Les fréquences de transition 2S-nS et 2S-nD (n = 8 et n = 12), qui ont été mesurées par notre équipe, jouent un rôle prépondérant pour la détermination de R ∞ et L 1S par comparaison avec la fréquence de la transition 1S-2S. La constante de Rydberg en est actuellement déduite avec une incertitude meilleure que 6 x 10 -12 en valeur relative. Quant à la précision sur le déplacement L 1S, elle serait suffisante pour tester les calculs d’électrodynamique quantique jusqu’à l’ordre 4 en a, si le rayon du proton r p était parfaitement connu (encadré 2). Le fait que la distribution de charge du proton n’est pas ponctuelle rehausse en effet les niveaux d’énergie de l’atome d’hydrogène et particulièrement les niveaux S pour lesquels la probabilité de présence de l’électron près du proton est grande. Cet effet varie en 1/n 3 comme les corrections d’électrodynamique quantique, et contribue donc au déplacement de encadré 2 Le proton n’est pas une particule élémentaire, contrairement à l’électron. Il est constitué de trois quarks. En conséquence, sa répartition de charge possède un certain volume qu’on caractérise par la quantité r p = (∫ 0 ∞ r 2 ρ(r) d 3 r/∫ 0 ∞ ρ(r) d 3 r) 1/2, appelée rayon de charge du proton. Ce rayon est compris entre 0,8 et 0,9 fm (1 fm = 10 -15 m). Les déterminations de r p sont obtenues soit par diffusion d’électrons sur des protons, soit par spectroscopie. Pour améliorer la précision sur r p et pouvoir ainsi tester l’électrodynamique quantique sur les énergies des niveaux de l’atome d’hydrogène (e-p), la collaboration internationale CREMA (Charge Radius Experiment with Muonic Atoms), dont nous faisons partie, s’est mise en place autour du Paul Scherrer Institute (PSI) en Suisse. Son premier but était de mesurer le déplacement de Lambdans l’hydrogène muonique (m-p), un atome d’hydrogène dans lequel l’électron est remplacé par un muon de charge électrique négative. D’après le modèle standard de la physique des particules, ce muon a des propriétés identiques à celles de l’électron, exceptée sa masse qui se trouve être 207 fois plus grande. La mesure de deux des transitions 2S-2P de l’hydrogène muonique à 6 mm a été réalisée en 2009. Nous avons pu en déduire le rayon de charge du proton en utilisant la valeur de la constante de Rydberg et les calculs de l’électrodynamique quantique. La valeur obtenue est r p = 0,84087(39) fm ; elle est plus précise par un ordre de grandeur que celle déduite des mesures précédentes, mais plus petite de 7s (7 écarts-types) [5]. Ce désaccord est à l’origine de ce qu’on appelle aujourd’hui le « mystère du proton ». Ces dernières années, une intense activité théorique a cherché à résoudre ce « mystère ». Parmi toutes les hypothèses envisagées, aucune ne s’est révélée concluante dans le cadre du modèle standard. |