Tomber plus vite que la gravité Tomber plus vite que la gravité semble contre-intuitif au premier abord. Pourtant, cette situation peut être mise en évidence grâce au slinky, un ressort métallique très mou proposé en 1943 par l’ingénieur en mécanique Richard T. James (fig. E1). Pour observer une chute « libre » plus rapide que la gravité, tenons le jouet par une extrémité et laissons-le pendre sous son propre poids. La raideur du ressort étant faible, il s’allonge considérablement et l’écartement de deux spires successives diminue de haut en bas. Cela n’a rien d’étonnant car, à l’équilibre, chaque segment du ressort soutient le poids de la masse qui se trouve au-dessous de lui. Comme cette force diminue de haut en bas, l’écartement de deux spires hautes (qui est approximativement proportionnel à la force appliquée) est plus important que celui de deux spires basses. Lâchons maintenant le slinky et observons sa chute. Même si tout va assez vite, l’œil nu perçoit que l’extrémité inférieure ne bouge pas et reste immobile tant qu’elle n’est pas rattrapée par la partie supérieure ! Le visionnage au ralenti d’une vidéo de cette chute [8] ou de photos successives prises à la manière de la chronophotographie de Marey (fig. E1) révèle plus de détails. Le ressort en chute libre présente deux parties : une zone inférieure immobile, qui conserve l’état de déformation qu’elle avait lorsque le ressort était tenu, et une zone supérieure qui tombe, où les spires sont jointives et le ressort totalement replié. Pourquoi cela ? Au moment où le slinky est lâché, son segment supérieur subit, outre son propre poids, une force dirigée vers le bas due à la tension du ressort. Il s’ensuit que l’accélération de ce segment sera supérieure à l’accélération de la pesanteur, car la force totale qu’il subit dépasse son poids. Autrement dit, ce segment tombe plus vite que s’il était en chute libre ! En revanche, une spire du bas reste immobile car encore à l’équilibre entre la tension du ressort et son poids. Après le lâcher, l’écartement des spires du haut se réduit, le ressort se raccourcit et sa tension interne au niveau de son segment supérieur diminue. La tension subie par l’extrémité haute du segment suivant diminue donc aussi, alors que la tension subie par son extrémité basse ne varie pas. Ce deuxième segment amorce alors sa chute, et ainsi de suite pour les segments suivants. Références 1 N. Hulin, L’enseignement secondaire scientifique en France d'un siècle à l'autre, 1802-1980, INRP (2007). 2 É. Guyon (dir.), L’École normale de l’an III. Leçons de physique, chimie et d’histoire naturelle, Éditions Rue d’Ulm (2006). 3 F. Héritier-Augé (dir.), Les musées de l’Éducation nationale : Mission d’étude et de réflexion, La Documentation française (1991). 40 Reflets de la Physique n°59 4 Les grands travaux prévus alors pour le Palais de la découverte ne pourront se faire par suite de problèmes structuraux du Grand Palais, qui avaient été identifiés dès cette période. 5 «At my juvenile Christmas lectures, I have never found a child too young to understand intelligently what I told him ; they came tome afterwards with questions who proved their capability», M. Faraday. r l'I J I J Pi"Jh":" I) """-M E1. Roland Lehoucq montre que lorsqu’on lâche le haut du slinky, son extrémité inférieure ne descend pas tant que le ressort n’est pas totalement comprimé. Les images successives sont séparées de 40 ms. L’information « le slinky est lâché » n’est donc ressentie en un point du ressort que quand celui-ci est atteint par l’onde de compression des spires, qui se propage de proche en proche selon le mécanisme décrit plus haut. Comme le slinky est un ressort très mou, la vitesse de cette onde de compression est inférieure à la vitesse de chute acquise en une fraction de seconde par les spires. La chute s’amorce donc par les spires du haut qui se resserrent avant de tomber en bloc, entraînant dans leur chute les spires de la partie inférieure restées immobiles. Le centre de gravité du ressort considéré comme un tout a une accélération égale à celle de la pesanteur, heureusement ! Cependant, comme sa partie inférieure est immobile, sa partie supérieure accélère plus vite que l’accélération de la pesanteur. Quand le ressort retrouve sa longueur au repos, il tombe d’un bloc, avec l’accélération de la pesanteur, heureusement encore. Ce phénomène est a priori présent dans tous les objets en chute libre. Mais, en général beaucoup plus rigides que le slinky, ils sont très peu déformés par leur propre poids, et les tensions internes se relâchent en une durée bien plus courte que la durée caractéristique de chute : quand un objet rigide est lâché, son bas et son haut tombent donc en bloc. iuvirea r encadré 3 6 Les expériences proposées par Louis Boyer dans Feu et flammes, Belin (2006), sont un prolongement d’un tel programme. 7 www.rigb.org/christmas-lectures/Watch 8 video «How does a slinky fall ? » de la chaine Youtube Veritasium www.youtube.com/watch ? v=mAA613hqqZ0 |