À la fin des années 1940, l’étude des niveaux d’énergie de l’atome d’hydrogène et celle de l’anomalie du rapport gyromagnétique de l’électron ont été à l’origine de l’électrodynamique quantique. Aujourd’hui encore, les mesures réalisées dans les systèmes atomiques simples, telles que celles que nous menons au laboratoire Kastler Brossel, permettent de tester les prédictions de cette théorie à un niveau de précision extrême qui, à ce jour, n’a pas réussi à la mettre en défaut. 4 Reflets de la Physique n°59 Les mesures atomiques de haute précision Un outil privilégié pour tester l’électrodynamique quantique Pierre Cladé (pierre.clade@lkb.upmc.fr) et Lucile Julien (lucile.julien@lkb.upmc.fr) Laboratoire Kastler Brossel (Sorbonne Université, CNRS, ENS-Université PSL, Collège de France), 4 place Jussieu, 75005 Paris Des systèmes simples pour tester les prédictions de l’électrodynamique quantique L’électrodynamique quantique, née dans les années 1950, est la théorie qui décrit de façon quantique l’interaction des particules chargées avec le champ électromagnétique. Elle permet de calculer avec une précision extrême les niveaux d’énergie des systèmes atomiques simples et leurs propriétés lorsqu’ils interagissent avec un champ. Constitué d’un proton et d’un électron, l’hydrogène est le plus simple des atomes. L’équation de Schrödinger permet de calculer sa fonction d’onde électronique et ses niveaux d’énergie. Pour un électron sans spin, cette énergie ne dépend que du nombre quantique principal n et s’écrit E = –Rhc/n 2, où h et c sont respectivement la constante de Planck et la vitesse de la lumière dans le vide, et R la constante de Rydberg. Dans le cas limite où la masse du proton est supposée infinie comparée à celle de l’électron, cette constante a pour expression : R ∞ = (1/2h) me c a 2 (1). Dans cette formule, me est la masse de l’électron et a la constante de structure fine, constante sans dimension qui décrit l’intensité du couplage électromagnétique. Cette constante vaut environ 1/137, et s’écrit simplement a = e 2/2e 0 hc, où e est la charge élémentaire et e 0 la permittivité du vide. En 1928, Paul Dirac écrit une équation qui décrit l’électron dans un cadre à la fois quantique et relativiste. Appliquée à l’atome d’hydrogène, sa solution fait apparaître naturellement le spin de l’électron s comme un degré de liberté supplémentaire de sa fonction d’onde, qui n’est donc plus purement spatiale. L’énergie des niveaux dépend de n et de j, nombre quantique associé à son moment cinétique total, somme de son moment cinétique orbital (décrit par le nombre quantique l) et de son moment cinétique de spin (décrit par s). La structure double de la raie Ha à 656 nm, appelée aussi Balmer a, qui relie les niveaux n = 2 et n = 3 de l’atome d’hydrogène, se trouve expliquée et l’écart calculé en bon accord avec l’expérience. En outre, l’équation de Dirac prédit une valeur de –e/m e pour le rapport gyromagnétique g de l’électron libre (voir encadré 1), valeur qui, à l’époque, semble conforme à l’observation et qui était inexpliquée jusqu’alors. Dès les années 1930, les mesures spectroscopiques font progressivement soupçonner une structure plus complexe des niveaux n = 2 de l’atome d’hydrogène. Alors que l’équation de Dirac prévoit la même énergie pour les niveaux 2S 1/2 (n = 2, l = 0, j = 1/2) et 2P 1/2 (n = 2, l =1, j = 1/2), ceci semble contredit par l’expérience. En 1947, Lambet Retherford mesurent les fréquences de transitions radiofréquences entre niveaux 2S et 2P de l’atome d’hydrogène en présence d’un champ magnétique [1]. Ils en déduisent qu’il y a, en champ nul, un écart d’environ 1 GHz entre les niveaux 2S 1/2 et 2P 1/2 : c’est le déplacement de Lamb(ou Lambshift). Au même moment, l’étude » > |