» > Une goutte en forme d’œuf au plat Observons la goutte plus attentivement. La couleur de son centre est plus prononcée que dans les régions périphériques (fig. 2a). Ceci traduit le fait que la goutte est plus épaisse au centre et amincie au bord. Des mesures quantitatives du profil d’épaisseur des gouttes peuvent aussi être réalisées par interférométrie, en utilisant les couleurs qu’on peut parfois observer sur les taches d’huile étalées sur une route mouillée (fig. 2b). Au centre de la goutte, l’épaisseur de mélange est de l’ordre d’une fraction de millimètre. À la périphérie, le film mesure parfois moins d’un micromètre ! Un gradient de concentration À taux d’évaporation égal, l’effet de l’évaporation est plus sensible dans les régions minces en périphérie de la goutte qui s’appauvrissent plus rapidement en alcool. Cette inhomogénéité de concentration se traduit aussi par l’apparition d’un gradient de tension interfaciale dirigé selon le rayon de la goutte. Ce gradient induit des contraintes mécaniques qui se développent le long de la surface, et drainent le liquide du centre de la goutte vers la périphérie (fig. 3). Cet écoulement, facilité par la présence du bain d’huile, s’oppose ainsi au retrait du bord de la goutte. Du liquide tend donc à s’accumuler en bord de goutte, formant ainsi une surépaisseur. C’est ce bourrelet qui se déstabilise et se fragmente, éjectant jusqu’à un milliard de microgouttes en quelques secondes ! Ce tore liquide, à l’instar de tout filament liquide, est en effet instable du point de vue de la tension superficielle : comme le filet d’eau qui s’écoule de votre robinet, il se fragmente en une multitude de gouttes, dont la surface totale est inférieure à celle du cylindre de même volume. Vous aurez sans doute remarqué qu’un jet de petit diamètre se fragmente en petites gouttes : la taille caractéristique des gouttes est proportionnelle au diamètre du jet. Dans l’expérience qui nous intéresse ici, la taille des gouttelettes reflète l’épaisseur du mince bourrelet qui se forme à la périphérie de la goutte. 34 Reflets de la Physique n°59 a D. -.F.e ; : :- -r...%'. 4"...k'P."' !'.':. u'nee.t iiii ri-Ure. ; 40*.liel..e.e...'.'1.\\:eie.A.. ? : es., po..>e..- -nee.reif 4'...}, Références.. : a. e ** e4.11. W. ; : 4 ". d Tyr. es itV j:"à es del:1%*"2. Profil d’épaisseur de la goutte. (a) Une goutte de liquide chargée d’un peu de colorant apparaît foncée au centre, où elle est plus épaisse. En périphérie, la couleur moins dense traduit la faible épaisseur du film. Cette méthode est adaptée pour des films de mélange suffisamment épais (10 à 1000 mm typiquement), c’est-à-dire pour un mélange dont la concentration en alcool est légèrement au-dessus du seuil d’observation du phénomène. (b) Pour des gouttes suffisamment minces (100 nm à quelques mm), c’est-à-dire pour les mélanges les plus riches en alcool, des mesures quantitatives de l’épaisseur peuvent être réalisées par interférométrie. Tension interfaciale faible Eau + alcool Huile Flux induit Évaporation de l’alcool Tension interfaciale forte 3. L’étalement de Marangoni. Sous l’effet de l’évaporation, la périphérie amincie de la goutte s’appauvrit en alcool. L’inhomogénéité de composition se traduit par un déséquilibre de tension interfaciale qui draine le mélange du centre vers la périphérie de la goutte où le liquide s’accumule dans un bourrelet. Les écoulements dans l’huile sous la goutte (flèche orange) accompagnent cet étalement de Marangoni. 1L. Keiser et al., Phys. Rev. Lett., 118 (2017) 074504. 2 www.xaviermartinez.eu 3 www.youtube.com/watch ? v=7-HpbBnfIK4 4 J. B. Fournier et A.-M. Cazabat, Europhys. Lett., 20 (1992) 517. 5 M. Roché et al., Phys. Rev. Lett. 112 (2014) 208302. 6 F. Wodleiet al., Nature Comm., 9 (2018) 820. 7 G. Durey, projet Lutétium, www.youtube.com/watch ? v=h3iUy4Wg8lg&t=61s b |