En orbite autour de la Terre depuis juin 2008, l’observatoire gamma spatial Fermi balaye le ciel pour capter les rayons g émis par les plus formidables accélérateurs de particules que la nature ait conçus, qu’il s’agisse d’étoiles à neutrons, de trous noirs, ou d’explosions stellaires. Il nous révèle aussi le destin de ces particules de haute énergie qui sillonnent les galaxies et influencent leur évolution. Les observations de Fermi offrent de nouvelles perspectives sur ces phénomènes extrêmes qui défient souvent notre compréhension. 4 Reflets de la Physique n°58 Fermi et l’Univers en rayons gamma Jean Ballet (jean.ballet@cea.fr) et Isabelle Grenier AIM (Astrophysique, Interprétation, Modélisation), Bât. 709, Orme des Merisiers, CEA/Saclay, 91191 Gif-sur-Yvette Cedex Le satellite Fermi de la NASA (fig. 1) a été lancé en juin 2008 pour observer le ciel en rayons g (gamma) depuis l’espace, car ils sont absorbés par l’atmosphère. L’instrument principal, le Large Area Telescope ou LAT, est exploité par une collaboration de laboratoires américains, italiens, japonais, suédois et français. Le LAT détecte les rayons g sur une grande gamme d’énergie entre 0,03 et 1000 GeV (1 GeV = 10 9 eV). Il fonctionne sur le principe suivant : les photons g sont tout d’abord convertis en paires e + -e - dans du tungstène ; puis on reconstruit les trajectoires des paires dans un trajectographe et on mesure leur énergie dans un calorimètre afin de déduire la direction et l’énergie du photon g incident. Les instruments de Fermi ont tiré parti des avancées technologiques du CERN en matière de trajectographe à pistes de silicium et de calorimètre en barres de CsI. Le détecteur est également entouré d’un scintillateur qui signale le passage de particules chargées qui, sur l’orbite de Fermi, sont cent-mille fois plus nombreuses que les photons g. La surface efficace de 1 m² du LAT est modeste (la source la plus brillante du ciel n’envoyant que 0,1 g/m 2/s au-delà de 0,1 GeV), mais elle est compensée par le très grand champ de vue (20% du ciel) et la longue durée de vie de l’instrument. La résolution angulaire va de 5° (10 fois la pleine Lune) à 0,1 GeV, à 0,1° au-delà de 10 GeV. L’instrument balaie tout le ciel toutes les trois heures et capte environ un million de photons par mois. Fermi comporte aussi un détecteur de sursauts g (Gamma-ray Burst Monitor ou GBM), qui recherche les sources transitoires brillantes sur tout le ciel entre 10 keV et 25 MeV. NASA/Kim Shiflett 1. Le satellite Fermi avant le lancement. Le LAT est le gros parallélépipède gris au sommet. On voit les modules du GBM (disques blancs) sur le côté gauche du module de services. Rayons cosmiques et milieu interstellaire La Voie lactée domine la carte du ciel en rayons g (fig. 2), à cause de particules de haute énergie (10 9 à 10 12 eV) appelées rayons cosmiques, qui parcourent notre galaxie et dont les mécanismes de rayonnement sont résumés dans l’encadré page 5. En effet, les noyaux et les électrons des rayons cosmiques émettent des photons g en interagissant respectivement avec le gaz interstellaire qu’ils traversent, et avec la lumière des étoiles et des poussières interstellaires. L’émission g de la Voie lactée nous informe donc sur deux composantes clefs de notre galaxie : ses réserves de gaz et sa production de rayons cosmiques, ces derniers influant sur l’état du gaz et sur sa capacité à former des étoiles. |