Prévision d’ensemble et prise en compte des non-linéarités Le présent encadré illustre la sensibilité aux conditions initiales et la mise en place d’une prévision d’ensemble dans un cadre simplifié. Plu et Arbogast (2005), en utilisant un modèle idéalisé, ont montré comment les incertitudes sur la position et l’amplitude de précurseurs à la cyclogenèse se situant en altitude et à la surface pouvaient conduire à une relative diversité des scénarios de cyclogénèse. Ainsi, la prise en compte de ces incertitudes a permis de définir un ensemble de 30 états initiaux différents, dont l’évolution s’avère échantillonner correctement la densité de probabilité obtenue à partir d’un ensemble de prévisions de Monte-Carlo contenant 2000 réalisations différentes du même modèle. On voit que la densité de probabilité pour cet ensemble de Monte-Carlo (fig. E2e) prend localement un aspect bimodal après 96 heures d’intégration du modèle. Deux scénarios émergent avec un premier scénario « anticyclonique » (la vorticité négative dans le carré de la figure E2b) et un second scénario « cyclonique » (uniquement de la vorticité positive dans le carré de la figure E2d). La différence entre ces deux scenarios est très peu visible après 12 h d’intégration (figures E2a et E2c), ce qui montre bien la croissance dans le temps des erreurs liées aux incertitudes sur les conditions initiales. L’aspect bimodal de la distribution de Monte-Carlo est bien reproduit par la prévision d’ensemble effectuée avec les 30 états initiaux reposant sur les incertitudes des précurseurs de la cyclogenèse (fig. E2f) (voir le texte principal pour plus de détails). a c e 14% 12% 10% 8% 6% 4% 2% ° 8 Reflets de la Physique n°57 +12h +12h Encadré 2 0 -6 -4 -2 0 2 4 6 -6 -4 -2 0 2 4 6 Vorticité relative (10 -5 s -1) Vorticité relative (10 -5 s -1) E2. Deux scénarios de développement, et densité de probabilité (pdf) de l’ensemble. Les vignettes (a) à (d) représentent des coupes horizontales de vorticité relative au niveau du sol sur un domaine s’étendant jusqu’à 16 000 km en longitude et 8000 km en latitude, respectivement. Les valeurs positives de la vorticité relative sont en rose, tandis que les valeurs négatives sont en bleu. Chaque scénario est pris à deux instants. Le scénario « anticyclonique » dans la boite verte est présenté en (a) et (b), et le scénario « cyclonique » en (c) et (d). La pdf de la vorticité relative sur la zone à l’intérieur du carré obtenue par l’expérience de Monte-Carlo est en (e). La pdf de l’ensemble des 30 simulations obtenues à partir de perturbations des précurseurs de la cyclogenèse est en (f). +96h +96h b d f » > probabilité ou même quelques moments de cette dernière est complexe, le résoudre numériquement inenvisageable. Il est possible de contourner cette difficulté en discrétisant les fonctions de densité de probabilité en lançant de multiples simulations du modèle de prévision avec des états initiaux légèrement différents (prévision dite d’ensemble). La méthode de Monte Carlo consiste à construire les états initiaux différents à partir de perturbations aléatoires. Cependant, son coût numérique devient rapidement prohibitif lorsque le nombre de degrés de liberté dépasse la centaine. La prévision d’ensemble telle qu’elle est implémentée dans les centres de prévisions permet d’atteindre le but recherché pour un coût numérique maîtrisé, grâce à un guidage astucieux des perturbations des conditions initiales réduisant la taille de l’échantillonnage. Diverses stratégies de perturbations des conditions initiales ont alors été mises en place dans le but d’échantillonner la distribution de probabilité de manière satisfaisante à partir de quelques dizaines de perturbations seulement. Une des approches consiste à projeter les perturbations initiales sur un ensemble de structures maximisant la croissance des erreurs sur un intervalle de temps fini, sous l’hypothèse souvent trop simplificatrice d’évolution linéaire des erreurs. D’autres types de perturbations ont été développés, prenant mieux en compte les non-linéarités ou encore les incertitudes inhérentes au processus d’assimilation des observations. L’encadré 2 montre, dans le contexte du développement d’une tempête idéalisée, comment la prévision d’ensemble peut être mise en œuvre. Aujourd’hui, les centres de prévision numérique du temps météorologique dans le monde développent, et font tourner, des ensembles de quelques dizaines de simulations chaque jour, qui intègrent à la fois les incertitudes initiales et celles liées aux équations du modèle. Dans le but d’enrichir la dimension probabiliste de ses prévisions, Météo-France s’est doté d’un système global de 35 simulations, s’étalant chacune sur 102 heures. Ce système se révèle particulièrement utile pour prévoir le risque de survenue d’un phénomène dangereux, tel qu’une tempête ou des précipitations intenses. |