La microalgue verte Chlamydomonas reinhardtii (Chlamy) est capable de se déplacer au sein de son environnement liquide à l’aide de ses deux flagelles. Chlamy possède un « stigma » – l’œil le plus simple du monde biologique – qui lui permet d’être phototactique, c’est-à-dire de pouvoir se diriger vers une source lumineuse. Nous décrirons ici le phénomène de photofocalisation par lequel, grâce à un écoulement et de la lumière, les microalgues sont amenées à se concentrer spontanément au centre d'un canal. En outre, nous montrerons comment les propriétés de ce micronageur peuvent être généralisées à d’autres systèmes et ainsi contribuer à une compréhension plus globale des écoulements de matière active. 24 Reflets de la Physique n°57 La lumière au bout du tunnel, ou comment concentrer et séparer des microalgues en combinant lumière et écoulement Salima Rafaï (salima.rafai@univ-grenoble-alpes.fr) et Philippe Peyla Laboratoire Interdisciplinaire de Physique (UMR5588 CNRS-Université Grenoble Alpes), Domaine Universitaire, BP 87, 38402 St Martin d’Hères Cedex La nage de Chlamy Chlamy (photo p.26), ce micro-organisme unicellulaire, utilise ses deux flagelles pour produire un mouvement qui ressemble à une brasse ultrarapide (plusieurs dizaines de battements par seconde). Son diamètre de dix micromètres en fait ce qu’on appelle un micronageur. Des observations au microscope, couplées à de l’analyse d’images et du suivi des particules, permettent de montrer que Chlamy adopte une marche aléatoire avec persistance (voir l’article d’introduction), avec une vitesse de l’ordre d’une centaine de microns (soit dix fois sa taille) par seconde [1, 2]. Environ toutes les cinq secondes (temps de persistance) et en l’absence de lumière, Chlamy change de direction aléatoirement. Il est intéressant de noter que ce mode de nage est commun à de nombreux micronageurs comme par exemple les bactéries, les globules blancs, les spermatozoïdes ou même les nageurs artificiels fabriqués à partir de colloïdes actifs ; ceci fait de Chlamy un système représentatif de toute une classe de micronageurs. À l’instar de la bactérie Escherichia coli (E. coli), Chlamy est un système très bien caractérisé par les biologistes et présente des particularités intéressantes par rapport à son homologue procaryote. Chlamy possède une forme sphérique simple à modéliser, sa taille dix fois plus importante la rend insensible aux fluctuations thermiques et, enfin, les systèmes de propulsion de ces deux micronageurs sont opposés. Alors que Chlamy tire le fluide devant elle pour avancer, E. coli le pousse à l’arrière (voir introduction). Ainsi, ces deux systèmes aux particularités complémentaires représentent deux micronageurs du monde vivant servant de modèles aux différentes communautés de scientifiques qui s’attachent à étudier la matière active. Le phototactisme Chlamydomonas reinhardtii possède un « stigma » sur le côté de la cellule. Il s’agit d’un photorécepteur qui représente « l’œil » le plus simple du monde biologique. Une fois un signal lumineux capté par le stigma, une cascade biochimique s’ensuit au sein de la cellule et induit une modification des battements de flagelles qui mène finalement à une réorientation de la microalgue vers la source lumineuse. Ce « capteur photosensible » permet ainsi à Chlamy d’orienter sa nage vers une source lumineuse. Cette propriété, appelée phototactisme (positif), permet à la cellule de se déplacer vers des zones optimales pour la photosynthèse en journée. Au contraire, durant la phase nocturne de son cycle circadien, le phototactisme négatif permet à la cellule de s’éloigner des éventuelles sources lumineuses. Ainsi, la nage qui était aléatoire en l’absence de lumière devient directionnelle – on dit encore « balistique » – en présence d’une source lumineuse. Autrement dit, le temps de persistance de la nage de Chlamy |