» > que m r se stabilise plus lentement : m r augmente lors de la mise en rotation jusqu’à atteindre la valeur mesurée à fort taux de cisaillement (tirets bleus sur la figure 1c), puis diminue et ne devient constante qu’après une dizaine de secondes à une valeur nettement inférieure à 1 : la viscosité effective est donc inférieure à celle du fluide sans bactéries. Le temps de relaxation reflète, quant à lui, la dynamique de l’organisation des bactéries sous écoulement. De même, lors de l’arrêt de la rotation, la viscosité effective (et donc la contrainte tangentielle mesurée) devient négative, puis relaxe vers zéro avec un temps caractéristique similaire à celui de la dynamique d’apparition. Les rhéogrammes de la suspension (variation de m r avec ġ M en régime stationnaire) donnent une vue détaillée de ces régimes pour différentes fractions volumiques f en bactéries (fig. 2). On y retrouve, aux forts taux de cisaillement (ġ M ≥ 3 s -1) , une viscosité relative presque indépendante de ġ M (« plateau supérieur ») et n’augmentant que légèrement avec f en suivant la loi d’Einstein : on a le même comportement que celui d’une suspension de particules passives. Les bactéries sont toutes alignées avec l’écoulement. Par symétrie, la contribution hydrodynamique du contre-écoulement due à la nage s’annule. μ r 1 0,11% 0,21% 0,44% 0,5 0,67% 0 0,01 0,1 1 10 100 γ M (s -1) 2. Variation de la viscosité relative avec le taux de cisaillement de suspensions de bactéries E. coli. Rhéogrammes (m r sans unité vs ġ M en s -1) mesurés à différentes fractions volumiques : 0,11% ≤ f ≤ 0,67% (soit entre 1 et 6,7 milliards de bactéries dans l’entrefer du rhéomètre). La ligne verticale en tirets correspond au taux de cisaillement ġ M = 0,04s -1 repris sur la figure 3. 22 Reflets de la Physique n°57 En revanche, aux faibles taux de cisaillement (ġ M ≤ 0,1 s -1) pour lesquels la vitesse du fluide près du cylindre mobile est du même ordre que la vitesse de nage des bactéries ( 20 mm/s) ou inférieure, on atteint un « plateau actif » où la viscosité relative m r est indépendante de ġ M ; cette valeur « plateau » décroît fortement quand la concentration f augmente. La réduction de m r est cohérente avec les résultats de Sokolov-Aranson et de Hatwalne sur les « pousseuses » ; mais nos expériences montrent, en plus, que la réduction de viscosité ne se produit qu’aux faibles valeurs de ġM, alors qu’aux valeurs élevées, au contraire, le comportement est celui de particules inertes. Enfin, la variation de m r avec ġ M dépend fortement de la concentration en bactéries, suggérant l’apparition d’effets collectifs augmentant avec les interactions entre particules. Cherchons maintenant jusqu’où peut aller cette réduction de viscosité relative... Toujours plus fort : la viscosité peut s’annuler La variation de m r en fonction de f sur le « plateau actif » est tracée sur la figure 3 pour des fractions volumiques allant jusqu’à f 2% ( 20 milliards de bactéries dans l’entrefer). Pour les expériences du μ r 1 type de celles de la figure 2, réalisées dans une suspension de bactéries dépourvue d’oxygène (symboles ◦ dans la figure 3), m r décroit d’abord linéairement avec f puis atteint une limite de l’ordre de 0,2, constante sur une large gamme de concentrations. E. coli est une bactérie qui a la faculté de vivre avec ou sans oxygène. Lorsqu’elle est privée d’oxygène cependant, sa vitesse de nage est réduite. Les résultats dans le rhéomètre sont encore plus spectaculaires lorsque les bactéries n’ont pas encore consommé l’oxygène de la solution et que leur vitesse de nage est restée très rapide. Après une décroissance initiale linéaire avec f plus rapide que sans oxygène, m r devient en effet nulle à l’erreur de mesure près et paraît même négative pour certains points (symboles dans la figure 3). Plus aucune contrainte n’est alors détectée par le fil de torsion, comme si le fluide avait disparu. En fait, la contrainte sur le cylindre intérieur due aux écoulements induits par la nage des bactéries annule la composante visqueuse résultant du mouvement relatif des cylindres : en termes de bilan énergétique, l’apport de la nage des bactéries compense la dissipation visqueuse dans le fluide porteur et la dissipation apparente totale est nulle. o sans O 2 avec O 2 0,5 0 0 0,5 1 1,5 2 2,5 φ (%) 3. Variation de la viscosité relative m r en fonction de la fraction volumique f des bactéries pour un taux de cisaillement ġ M = 0,04 s -1. ◦ : expériences sans oxygène ; : expériences avec oxygène. La viscosité m o sans bactéries est de 1,35 ± 0.05 mPa.s. |