Glossaire Blob : représentation schématique d’un segment de polymère sous forme de bille, dont le diamètre est égal à la longueur de corrélation des fluctuations de concentration des monomères. À l’intérieur d’un blob, les monomères interagissent (par répulsion stérique essentiellement), tandis que les monomères de deux blobs différents n’ont pas d’interaction : les polymères se comportent donc comme des marches aléatoires de blobs. Dans une brosse, les chaînes tendent à s'aligner, comme les poils d’un tapis dru, et ne s'enchevêtrent pas. Centromère : les deux copies d’un chromosome obtenues après réplication du matériel génétique commencent par rester accrochées au niveau d’une région du génome, appelée centromère (les deux copies, appelées chromatides sœurs, forment alors un X). Épigénétique : se dit d’une modification chimique qui affecte une base de l’ADN (pour l’essentiel méthylation, c’est-à-dire ajout d’un groupement méthyle) ou les histones (méthylation, acétylation, etc.), mais qui ne change pas la séquence génomique. Expression génétique : un gène est exprimé quand sa séquence d’ADN est transcrite en ARN messager (en réponse à un message biochimique). Il est réprimé si des modifications épigénétiques empêchent sa transcription. Histones : protéines portant une forte charge positive ; chaque nucléosome est un assemblage de huit histones, stabilisé par la charge négative de la double hélice d’ADN. kb : kilobase, c'est-à-dire 1000 paires de bases. Nucléotides : un nucléotide est une molécule composée d’un sucre (pentose), d’un groupement phosphate et d’une base particulière. On repère chaque nucléotide d’une séquence d’ADN par l’initiale de la base qu’il porte : A (Adénine), T (Thymine), G (Guanine), C (Cytosine). Site génomique : séquence d’ADN située à un endroit unique et invariable du génome. Sa longueur dépend du contexte biologique et/ou expérimental, allant de quelques paires de base pour un site de liaison d'une protéine jusqu'à plusieurs kb lorsque la résolution expérimentale ne permet pas de déterminer plus finement la localisation. 14 Reflets de la Physique n°57 » > cellule à l’autre suggère que le chromosome est un objet dynamique présentant de larges fluctuations. L’origine physique de ces fluctuations n’est cependant pas claire : s’agit-il simplement de fluctuations thermiques autour de l’équilibre ? Ou bien des processus actifs sont-ils en cause ? Pour répondre à ces questions, des mesures dynamiques sont nécessaires, comme discuté ci-dessous. La levure de bière : une brosse de polymères Un organisme de choix pour observer la dynamique des chromosomes est la levure de bière. Cet organisme unicellulaire a un génome presque mille fois plus petit que le génome humain (seulement 13 Mb au total) et très peu de marques épigénétiques. Cette simplification laisse espérer que la physique des polymères puisse être un guide pertinent dans ce cas. La disposition particulière des seize chromosomes de la levure de bière, accrochés en permanence à la membrane nucléaire chacun par son centromère* (fig. 3a), suggère que leur organisation dans l’espace pourrait être celle d’une brosse de polymères à l’équilibre thermodynamique (fig. 3b). Une collaboration avec trois a b D D équipes toulousaines qui ont suivi par microscopie de fluorescence la dynamique de plusieurs sites génomiques de chromosomes de levure dans des cellules vivantes, nous a permis de confirmer cette hypothèse [3]. Pour modéliser cette dynamique, nous avons (i) analysé les mesures au cours du temps du déplacement carré moyen de divers sites génomiques marqués et (ii) simulé un ensemble de chaînes billeressort (modèle de Rouse, fig. 4a) de longueur équivalente à celles des chromosomes, accrochées par leur milieu à la membrane nucléaire et confinées dans un volume sphérique. Aussi bien dans l’expérience que dans la simulation, la dynamique observée (fig. 4b) présente un comportement sous-diffusif : le déplacement carré moyen varie avec le temps t commet 1/2 (fig. 4c) au lieu det pour un comportement diffusif. Ce comportement sous-diffusif, appelé « dynamique de Rouse », est classique en physique des polymères : il vient du fait que la diffusion d’une bille est contrainte par ses voisines immédiates, auxquelles elle est reliée par des ressorts. Et on reste constamment dans ce régime de Rouse, car la structure en brosse empêche les chromosomes de s’enchevêtrer. 3. Brosse de polymères. (a) Représentation schématique d’un noyau de levure de bière. Les chromosomes sont représentés par des chaînes de billes (en bleu). Chaque chromosome est attaché à la membrane nucléaire par son centromère* (en rouge). Tous les centromères sont attachés ensemble. (b) Schéma (coupe) d’une brosse de polymères. Tous les polymères (chaînes en bleu) sont greffés sur une surface à intervalles réguliers (la distance D entre polymères adjacents est aussi le diamètre des blobs*). Les blobs sont figurés par les billes bleues transparentes. La trajectoire d’une chaîne en particulier, dont les blobs sont surlignés en rose, montre qu’elle ne revient pas en arrière vers la surface de greffage (« polymère dirigé ») , mais qu’elle effectue une marche aléatoire dans les directions transverses. D |