a 100 km c 1000 km 600 km b d très grandes longueurs d’ondes. Deux structures de vitesses sismiques lentes, certainement chaudes, mais peut-être aussi de composition différente, sont à peu près centrées sur l’équateur, sous le Pacifique et sous l’Afrique. On les appelle parfois les « super-panaches ». Elles sont entourées de bandes de vitesses plus rapides, qui correspondraient au « cimetière de plaques » : endroits où les plaques recyclées dans le manteau se sont accumulées à la base de celui-ci au cours des temps géologiques. La nature et le rôle de ces structures à grande échelle font encore actuellement l’objet de débats et de recherches très actives. Sismogrammes numériques de la Terre Jusqu’à présent, l’essentiel de la tomographie était basée sur des hypothèses théoriques très simples sur la propagation des ondes dans une Terre « à trois dimensions », comme la « théorie des rais (c) » (équivalent des lois de Fresnel en optique) et la théorie des modes propres de la Terre (un sismogramme complet est décrit comme la somme de modes propres). Ces approximations supposent que les structures ne s’écartent que faiblement de la symétrie sphérique et ne permettent pas de prendre en compte des variations latérales rapides de structure. Nous nous sommes maintenant 8 Reflets de la Physique n°56 5 0 -5 2 0 -2 dlnVs (%) dlnVs (%) 2800 km 4. Cartes de vitesse des ondes sismiques de cisaillement dans le manteau aux profondeurs de 100, 600, 1000 et 2800 km. L’échelle de couleur donne les variations relatives de vitesse par rapport à la moyenne à la profondeur donnée, interprétées en termes de température. En rouge, vitesse plus lente et température plus élevée ; en bleu, vitesse plus élevée et température plus basse. (D’après A.M. Dziewonski et al., Earth Planet. Sci. Lett. 299 (2010) 69-79). » > affranchis de ce problème par le calcul très précis du champ des ondes (c’est-à-dire des déplacements de matière) par la méthode des éléments spectraux, une méthode numérique d’éléments finis avec des polynômes d’ordre élevé, qui s’adapte bien à la géométrie de la sphère et aux calculs parallèles. Ceci est rendu possible par le développement rapide de la puissance des ordinateurs. On peut donc exploiter plus à fond et de manière plus précise l’information contenue dans les sismogrammes. Nous avons ainsi gagné en précision, en particulier pour détecter les zones de vitesses sismiques lentes de faible étendue. En effet, lorsque les ondes émises par un séisme se propagent dans une zone contenant une telle « structure lente », les ondes qui arrivent en premier à la station de détection sont celles qui ont contourné cette structure. La structure lente est alors « cachée » par ce phénomène qu’on appelle «wavefront healing». Pour décrire de façon précise les zones lentes, il faut faire appel à une très large bande de fréquences et analyser des sismogrammes complets. Les deux exemples suivants montrent des applications de ces techniques, actuellement en plein développement. Le premier exemple est l’observation des trajets entre un séisme de l’ouest du Pacifique et le réseau très dense nordaméricain de stations sismiques (fig. 5a). 2 1 0 -1 -2 2 0 -2 dlnVs (%) dlnVs (%) On étudie les ondes diffractées à la limite noyau-manteau sur ces trajets, et notamment sur la frontière nord du « super-panache pacifique » observé en rouge sur la figure 4d. Dans un modèle tomographique lisse (continu), on ne trouve pas de variation de la forme de l’onde de cisaillement diffractée le long de la limite sismique entre le noyau et le manteau en fonction de la position de la station (fig. 5b droite), sauf une augmentation progressive du temps d’arrivée pour les trajets qui passent dans le super-panache. Les formes d’onde observées (fig. 5b gauche) montrent toutefois un champ d’onde beaucoup plus complexe, avec des variations d’amplitude considérables : l’amplitude des ondes diffractées diminue fortement à la traversée de la frontière des super-panaches, et on voit apparaitre des ondes secondaires qui ont interagi avec une structure « anormale » localisée près de la limite noyau-manteau (fig. 5c). Ceci nous a amenés à proposer la présence d’une zone très particulière à la base du manteau : elle peut se modéliser au premier ordre par un cylindre d’une hauteur de 25 km et d’un diamètre d’environ 800 km (fig. 5d). La réduction de vitesse des ondes de cisaillement y serait de 20%, ce qui est considérable puisque les variations latérales de vitesse obtenues par tomographie sismique à cette profondeur (fig. 4) ne dépassent pas 3 à 4% en général. Le deuxième exemple concerne des résultats récents dans le manteau supérieur, les premiers obtenus par l’application des techniques numériques à la tomographie. Un phénomène très intéressant mis en évidence par les méthodes numériques est l’existence de « zones lentes », à 250 km de profondeur, dont la structure est particulière (S. French et al., Science 342 (2013) 227-230). Aussi bien dans l’océan Pacifique que dans l’Antarctique, l’océan Atlantique et l’océan Indien, ces zones où la vitesse de propagation des ondes S est ralentie s’alignent dans la direction du mouvement des plaques (e.g. fig. 6a). Sur les coupes verticales à travers le Pacifique (fig. 6b) apparaissent des structures très singulières organisées de manière quasi périodique, avec une longueur d’onde de l’ordre de 2000 kmentre les zones plus lentes, qui persistent jusqu’à des profondeurs de 250 à 300 km, et des zones intermédiaires plus rapides. Serait-ce la première mise en évidence dans le manteau terrestre des cellules de convection de Richter évoquées plus haut ? |