Albert le rencontre au moment où il envisage d’entrer à l’ETH de Zurich en 1895 et où Michele en sort. Les deux amis se fréquentent à Aarau et à Zurich entre 1896 et 1899, puis à Milan jusqu’à 1901. Après le décès de son père fin 1901, Michele s’établit à Trieste mais continue d’échanger avec Albert. Il le rejoint au bureau des brevets de Berne début 1904. Michele Besso et son épouse Anna Winteler avant 1898. Bernisches Historisches Museum. Michele Besso (1873-1955) Mileva Marić (1875-1948) » > ouvrage récent [2] pour des précisions sur l’environnement électrotechnique de sa famille en Italie, sur son environnement scientifique et son lien avec la famille Besso, et sur les nombreux sujets de physique qui le préoccupent avant 1902 (b). Nous nous limitons dans cet article à son intérêt pour la capillarité et à sa première thèse sur les forces moléculaires, abandonnée en février 1902 au moment où il se tourne vers la thermodynamique statistique. Rappelons que Michele Besso s’est tenu au côté d’Einstein pendant les années qui vont marquer sa consécration et que son rôle concernant la relativité est salué dans les remerciements de l’article de juin 1905 (c). Si Einstein dira de lui qu’il a été pour ses idées la « meilleure caisse de résonance de toute l’Europe », Michele se définira, à l’époque de la construction de la théorie de la relativité générale, comme un « pygmée » aux côtés d’un « géant », mais un « pygmée voyant » [3]. Il apparait dans la correspondance Einstein-Besso [4] que, jusqu’à la fin de sa vie, Besso invitera Einstein, sans succès, à écrire l’histoire de ses idées. Ainsi dès 1923, s’apercevant 32 Reflets de la Physique n°56 Jeune fille d’origine serbe qu’Albert épouse en 1903, Mileva est sa condisciple à l’ETH depuis 1897. Elle est l’une des rares filles à entreprendre alors des études scientifiques. Ils se séparent en 1915, après l’installation d’Albert à Berlin à l’invitation de Planck. Mileva Marić en 1896. qu’il a égaré « la collection complète » des travaux de son ami qui « redonnait vie à tant de nos discussions », il lui propose de mettre cette « collection rare […] à la portée de tous, en y ajoutant l’essentiel d’un aperçu historique, de la genèse des problèmes […] » en indiquant « dans l’introduction ce qui, au début de tes recherches, était déjà connu des travaux d’autrui : Boltzmann, Lorentz, ensuite Planck … ». Il conclut : « Je ne cacherai pas au lecteur les fausses routes suivies, car elles sont particulièrement instructives. » La thèse abandonnée de 1902, que nous discutons ci-dessous, en est un exemple. Les lettres d’Albert à Mileva Marić donnent de précieux aperçus sur son contexte de travail, ses questionnements scientifiques et leur évolution, et permettent à plus d’un siècle d’intervalle de tenter de répondre aux demandes réitérées de Michele Besso. Publiées dans les Collected papers, puis dans un livre [5], elles sont pour la plupart écrites entre 1899 et 1901 à Milan, où sa famille réside, et correspondent aux périodes de vacances semestrielles de l’ETH. On voit Einstein s’interroger par Fonds privé. exemple sur la conduction électrique et thermique des métaux ou la nature de la lumière et de l’électricité, ou encore discuter dans une même soirée d’avril 1901 avec Michele à Milan « de la séparation essentielle de l’éther lumineux et de la matière, de la définition du repos absolu, des forces moléculaires, des phénomènes de surface, de la dissociation ». Son travail se nourrit d’incessantes lectures, qui suscitent enthousiasme, doutes, idées nouvelles souvent vite remises en question. L’étude des lettres, couplée à une recherche de terrain [2], a permis de préciser ces lectures et le lieu où Albert travaillait. L’intérêt pour les phénomènes de capillarité, 1895-1900 En octobre 1900, Einstein souhaite entreprendre une thèse, bien qu’il n’ait pas obtenu de poste d’assistant. Son premier article, rédigé en décembre 1900 et publié en mars 1901 dans les Annalen der Physik [6], porte sur les forces moléculaires déduites des phénomènes de capillarité (voir l’encadré p.33). On sait que son intérêt pour la capillarité vient en partie des cours qu’il a reçus d’HermannMinkowski à l’ETH en 1897-1898 et de sa lecture depuis septembre 1899 des travaux de Boltzmann(lettres à Mileva), mais il est aussi en rapport avec la famille Marangoni à Pavie. Le jeune Albert, âgé de seize ans, fait en effet la connaissance à Pavie en 1895 d’Ernestina Marangoni, une jeune femme de dix-neuf ans issue de la bourgeoisie locale, dont l’oncle Carlo Marangoni est spécialiste de ce domaine. Ce dernier formait les enseignants de physique à l’Institut Technique Supérieur de Florence et rendait visite une fois l’an à son frère à la période des vendanges qu’Albert passait avec les Marangoni dans leur villa de Casteggio au sud de Pavie. C’est ainsi, entre 1895 et 1900, que le jeune Einstein a pu se familiariser avec la capillarité en bénéficiant par exemple des explications de Carlo sur les « larmes de vin » ! Celui-ci a en effet laissé son nom en physique à l’effet Gibbs-Marangoni qui caractérise un transport de matière entre deux liquides de tensions superficielles différentes ; il est cité à trois reprises dans l’article encyclopédique que Minkowski consacre en 1907 à la capillarité (d). |