Notre planète est bombardée en permanence par le rayonnement cosmique, un ensemble de particules en provenance de l’espace. Orbitant à 400 km au-dessus de la Terre depuis la station spatiale internationale, l’expérience AMS-02 a déjà détecté plus de 100 milliards de particules depuis son installation, le 19 mai 2011. Ces données, d’une précision inégalée, permettent aujourd’hui des avancées majeures en astrophysique, et apportent de précieux indices dans la recherche de la mystérieuse matière noire. 26 Reflets de la Physique n°56 100 milliards de rayons cosmiques détectés dans l’expérience AMS-02 Sandy Aupetit (1) (sandy.aupetit@gmail.com), David Maurin (1) (dmaurin@lpsc.in2p3.fr) et Vincent Poireau (2) (vincent.poireau@lapp.in2p3.fr) (1) LPSC, Université Grenoble Alpes, CNRS/IN2P3, 53 avenue des Martyrs, 38026 Grenoble (2) LAPP, Université Savoie Mont Blanc, CNRS/IN2P3, 9 chemin de Bellevue, 74941 Annecy Depuis leur découverte il y a plus d’un siècle, les rayons cosmiques [1, 2] n’ont cessé de susciter l’intérêt de la communauté scientifique, et ont été à l’origine de nombreuses avancées en physique des particules et en astrophysique. Ce rayonnement arrivant au sommet de l’atmosphère terrestre, est constitué à la fois de particules chargées et de particules neutres. On trouve dans la composante chargée essentiellement des protons et des noyaux d’hélium (88% et 10% respectivement), puis des noyaux d’atomes plus lourds (1%), des électrons (1%), et une infime portion d’antimatière avec des positons (ou anti-électrons) et des antiprotons. La composante neutre est, quant à elle, constituée de photons de haute énergie et de neutrinos. Une caractéristique étonnante du spectre des rayons cosmiques reçus sur Terre (fig. 1) est qu’il s’étend sur près de douze ordres de grandeur en énergie, et trente ordres de grandeur en flux ! Les énergies en jeu peuvent ainsi être colossales, et beaucoup plus grandes que celles que l’on peut produire en laboratoire sur accélérateur, avec par exemple le LHC. Le flux décroît par ailleurs très rapidement avec l’énergie pour atteindre seulement une particule par km 2 et par siècle à 10 20 eV ! Les rayons cosmiques de très basses énergies, les plus nombreux, proviennent essentiellement du Soleil. Aux énergies intermédiaires, entre typiquement 10 8 et 10 16 eV, ils sont issus de notre Galaxie, en provenance des supernovæ ou des pulsars. Les rayons cosmiques d’ultra-hautes énergies sont vraisemblablement d’origine extragalactique, majoritairement produits et accélérés dans les noyaux actifs de galaxies. Heureusement pour la vie sur Terre, l’atmosphère atténue fortement la radiation reçue au sol. Les interactions avec les atomes de l’air donnent lieu à des cascades de particules moins énergétiques, qui sont mises à profit pour étudier les propriétés du rayonnement cosmique aux plus hautes énergies. C’est le cas par exemple des expériences H.E.S.S. en Namibie [3] et Auger en Argentine [4]. Mais pour étudier les rayons cosmiques provenant directement du cosmos, il est nécessaire de se placer au-dessus de l’atmosphère, afin d’éviter toute interaction. C’est pourquoi, depuis 1950, des détecteurs sont embarqués sur ballon (par exemple CREAM), ou mieux encore, envoyés dans l’espace (AMS, Fermi, PAMELA). L’expérience AMS-02 sur la station spatiale internationale La collaboration internationale AMS (en anglais Alpha Magnetic Spectrometer) est constituée de plusieurs centaines de physiciens et ingénieurs. Elle est dirigée depuis ses débuts par Samuel Ting, prix Nobel de physique en 1976 pour la découverte du méson J/ψ. Le 19 mai 2011, le détecteur AMS-02 a été installé à 400 km d’altitude sur la plus grande structure existant dans l’espace, de la taille d’un terrain de football, la station spatiale internationale (ISS). Le lancement a été effectué grâce à la navette spatiale américaine Endeavour, depuis la base de Cap Canaveral. Depuis son installation sur l’ISS (fig. 2), AMS-02 effectue une orbite autour de la Terre toutes les 90 minutes et accumule des données en continu tous les jours de l’année. |