» > qu’aucune force extérieure ne lui est appliquée (voir l’encadré p.21). En effet, celles-ci apparaissent dans de nombreux systèmes biologiques en croissance et sont aussi présentes dans maints objets du quotidien. Comme elles permettent de rendre les matériaux plus résistants à une force mécanique extérieure, nous nous sommes demandé si de telles contraintes existaient dans les biofilms. Le biofilm : un matériau précontraint Notre dispositif expérimental est présenté sur la figure 2a [1]. La croissance du biofilm a lieu dans un récipient rectangulaire délimité par quatre parois verticales. Une paroi mobile reliée à un capteur de force est maintenue plongée au centre, dans le milieu de culture, pendant la croissance du biofilm. Le capteur mesure la composante normale à la surface de la paroi et une valeur nulle de la force sur le capteur correspond à une situation où toutes les forces qui agissent sur cette paroi sont nulles ou bien se compensent. Après environ deux jours d’incubation, le biofilm forme une pellicule plane qui recouvre toute la surface du liquide et adhère à toutes les parois verticales. Dans cet état initial, le biofilmentoure la paroi mobile. Pour mettre en évidence la contrainte interne, nous avons réalisé une série de découpes à l’aide d’un scalpel, comme illustré par les lignes et les flèches colorées de la figure 2b. Les valeurs correspondantes de la force à chaque étape Paroi Paroi mobile Paroi mobile mobile Capteur Capteur de Capteur force de force de force 22 Reflets de la Physique n°56 Caméra Caméra Caméra sont tracées en figure 2c. À l’étape 1 (en bleu), le biofilm est intact et aucune force n’est détectée. À l’étape 2 (lignes fléchées de découpe en noir), nous avons enlevé la partie du biofilm qui se trouve derrière la paroi mobile. Il apparaît alors une force négative sur le capteur ; cette force, illustrée par une flèche en figure 2a, pousse sur le capteur ce qui montre l’existence d’une force compressive dans le biofilm. À l’étape 3 (en vert), nous avons découpé le biofilm en suivant les deux lignes fléchées vertes, ce qui laisse une bande de biofilm de largeur égale à celle de la paroi mobile. La force résultante est alors un peu moins élevée en valeur absolue, mais toujours négative. Nous avons enregistré cette valeur de force compressive dans toutes nos expériences. Enfin, nous avons détaché la pellicule du bord opposé en suivant la ligne fléchée violette, et écarté la paroi mobile du bord opposé pour que la pellicule puisse avoir plus d’espace pour relaxer. La force redevient alors nulle (étape 4, en violet). Toutes les mesures indiquent ainsi qu’il existe une force de compression dans le biofilm et qu’elle est due au confinement du biofilm dans la boîte. À noter que cette force est bien présente dans le biofilm intact de l’étape 1 mais elle est contrebalancée par une force opposée qui s’exerce sur l’autre face de la paroi mobile ; la résultante des deux, mesurée en figure 2c, devient alors nulle. Nous avons mesuré la force compressive à l’étape 3 sur différents échantillons ayant des durées d’incubation différentes (de quelques heures à plusieurs jours). Nous Bord opposé Bord opposé Bord opposé o Initial Initial Initial Ç r=a7/0 Paroi Paroi mobile Paroi mobile mobile 1 observons que la force mesurée est nulle avant la formation d’une pellicule, augmente puis devient constante dès qu’un biofilm apparaît. Cette valeur reste constante quel que soit l’âge du biofilm, ce qui montre que les bactéries construisent un biofilm en maintenant la précontrainte constante. Lorsque la force mesurée est divisée par la surface de la section de biofilm sollicitée (épaisseur du biofilm de l’ordre de 300 micromètres multipliée par la largeur de la paroi mobile), nous obtenons une valeur de la contrainte interne de l’ordre de - 80 Pa. Cette faible valeur reste constante et est indépendante des dimensions macroscopiques du système (distance entre paroi mobile et bord opposé d’une part, et largeur de la paroi mobile d’autre part). Nous pouvons supposer que le même type de contrainte apparaîtra dans un biofilm poussant sur une surface plane solide ou dans un biofilm présentant des hétérogénéités ou des taux de croissance différents à l’intérieur de celui-ci. Le biofilm étant précontraint, nous avons voulu vérifier si cette précontrainte permettait au biofilm de mieux résister à des dommages éventuels. Lorsque nous essayons de détériorer avec une pointe de pipette une pellicule compressée, la contrainte interne tend à refermer la pellicule dans son état initial ; la cohésion et l’intégrité du biofilm sont ainsi maintenues (voir la vidéo [2]). Ce n’est pas le cas si la contrainte interne est nulle et que la pellicule est complètement relaxée (voir la vidéo [3]). Bord opposé Bord opposé Bord opposé 0,5 0,5 0,5 Final Final Final Initial Initial Initial 0 0 0 -1,5 -1,5 F < 0F < 0F < 0 a b -2 c Force (mN) Force (mN) -0,5 -1 1 Force (mN) -0,5 -1 -2 o 1 -0,5 -1 -1,5 -2 Final Final Final 2. Mise en évidence de contraintes internes dans un biofilm. (a) Vue schématique en perspective du dispositif. La vue illustre l’état de la pellicule à l’étape de découpe numérotée 2 en (b), une fois que la partie de biofilm située à gauche de la paroi mobile sur la figure a été retirée de l’échantillon. Une force négative F, schématisée par une flèche, correspond au cas où la plaque s’éloigne du bord opposé. (b) Vues de dessus du biofilm au cours des étapes de découpe. La plaque mobile est schématisée par un rectangle hachuré et les lignes fléchées colorées montrent les découpes successives. Barres d’échelle = 5 mm. (c) La force agissant sur la plaque mobile est mesurée à chaque étape de découpe (bleu : étape 1, noir : 2, vert : 3, violet : 4). [1]. |