» > Effets de la pesanteur Instabilité de Rayleigh-Taylor Différents gels de polyacrylamide sont maintenant formés dans des récipients cylindriques dont le diamètre vaut 19 cm et la profondeur h varie entre 2,1 et 2,8 cm. Ces récipients sont ensuite retournés, de telle sorte que la surface libre est orientée vers le bas. On constate que les surfaces inversées des gels les plus rigides et en couches les plus fines restent parfaitement planes (fig. 4a), tandis que des déformations apparaissent pour des gels plus souples ou d’épaisseur plus grande. Elles sont d’autant plus marquées que le module de Young est faible (figures 4b à 4f) et que la profondeur est grande. Il est bien connu que l’interface séparant deux fluides pesants est instable lorsque le fluide le plus lourd se trouve au-dessus du plus léger. Le mécanisme responsable de cette instabilité, qui porte le nom d’instabilité de Rayleigh-Taylor [5], se comprend en comparant les énergies de pesanteur des fluides lorsque l’interface est plane (orientée vers le bas) et lorsqu’elle est perturbée : les fluides étant incompressibles, cette perturbation revient nécessairement à déplacer une certaine partie du fluide le plus dense vers la zone initialement occupée par le fluide le moins dense (c’est-à-dire vers le bas), et à déplacer une partie du fluide le moins dense vers la zone initialement occupée par le fluide le plus dense (c’està-dire vers le haut). Ainsi, le centre de gravité de l’ensemble est abaissé et l’énergie potentielle de pesanteur du système est réduite, d’où la tendance du système à s’écarter de la configuration où l’interface est plane et horizontale. Dans le cas d’un solide, l’élasticité s’oppose à l’action déstabilisante de la pesanteur. L’énergie élastique caractéristique par unité de surface horizontale est E elas ∼ hE, alors que l’énergie de pesanteur caractéristique par unité de surface est E pesa ∼ ρgh2, où ρ est la masse volumique du gel. Le rapport E pesa/E elas conduit au nombre sans dimension ρgh/E. Le calcul du champ de déformations minimisant l’énergie totale démontre que l’instabilité de Rayleigh- Taylor se manifeste, à l’interface solide-air, lorsque ce nombre sans dimension est supérieur à une valeur seuil égale à 2,074 [6]. Ce résultat est en accord avec les observations expérimentales, qui font apparaître un seuil pour ρgh/E = 2,02 ± 0,07. Notons que ces effets de la pesanteur) 22 Reflets de la Physique n°55 a d 4. Instabilité de la surface d’un gel de polyacrylamide orientée vers le bas. Le diamètre du récipient est de 19 cm, sa profondeur est de 2,8 cm. Les modules de Young sont (a) 234 Pa, (b) 132 Pa, (c) 129,9 Pa, (d) 128,4 Pa, (e) 123 Pa, (f) 120 Pa. Une grille lumineuse carrée est projetée sur les surfaces des gels afin de faciliter la visualisation des reliefs. apparaissent lorsque la longueur caractéristique du système,h, est supérieure à 2,074 E/ρg : contrairement aux effets de la tension de surface (qui sont négligeables ici de par les dimensions du système), ceux résultant des forces volumiques impliquent les grandes longueurs. Les vues (e) et (f) de la figure 4 montrent que les déformations peuvent être grandes, avec la formation de plusieurs cuvettes. Dans ce cas, la physique du système est complexe. Les motifs ne correspondent pas tous à des minima absolus de l’énergie, mais à des minima locaux. On observe alors des états métastables. Nous allons dans la suite présenter des expériences où de grandes déformations sont plus simples à appréhender, dans la mesure où l’état d’énergie minimale est clairement identifié. Flottabilité élastique Une bille d’acier (masse volumique ρ acier 7,8 g/cm 3) de rayon a (variant entre 0,5 et 5 mm) est délicatement déposée à la surface de gels dont le module de Young varie de 30 à 3000 Pa. Cette surface se déforme alors. Les billes de plus petite taille déposées sur les gels les plus durs s’enfoncent légèrement. La profondeur de pénétration δ, définie comme la distance b e c f verticale entre la position de la surface non déformée du gel et le bas de la bille, est d’autant plus grande que le gel est souple et que le rayon est grand. Au-delà d’un seuil, la bille se trouve totalement englobée par le gel : la surface de ce dernier se replie sous l’effet de sa tension de surface, de telle sorte que le puits correspondant au passage de la bille se resserre complètement sur lui-même. La surface apparente du gel est alors à nouveau horizontale tout en étant fortement étirée (fig. 5). Nous nous sommes intéressés surtout à ce régime où la bille est totalement enveloppée. Sa position résulte de l’équilibre entre son poids, les forces élastiques et les forces de pression hydrostatique (assimilables à une poussée d’Archimède). La mesure de la profondeur δ pour différents rayons montre que, dans la limite où δ » a, δ est proportionnelle à a p avec p = 1,48 ± 0,05. L’énergie totale est la somme des énergies de pesanteur de la bille et du gel, et de l’énergie élastique du gel. L’énergie de pesanteur fait intervenir la masse volumique apparente de l’acier, ρ acier - ρ gel. La densité d’énergie élastique est égale au module de Young multiplié par une fonction sans dimension qui dépend des allongements relatifs. Dans la limite δ » a, la seule longueur caractéristique définissant la déformation du gel est δ : en tout point du |