» > bassins océaniques jusqu’à il y a environ 1,5 Ga, mais au-delà cela reste très difficile. Ceci constitue un mur pour la modélisation des climats. Sans connaissance de la distribution des bassins océaniques et des masses continentales, plus de possibilité de calculer la circulation atmosphérique et océanique. Néanmoins les hypothèses émises par J. Kasting, qui corrèlent l’irruption de l’oxygène avec la première glaciation globale, paraissent tout à fait plausibles. En effet, la montée en puissance de l’oxygène ne modifie pas directement le bilan radiatif de l’atmosphère, car l’oxygène n’est pas un gaz à effet de serre ; par contre, il y a des dommages collatéraux et en particulier chimiques, car l’oxygène va bouleverser la donne dans la distribution des gaz à effet de serre de notre planète. D’une part, il va transformer très rapidement le méthane (qui avait une durée de vie longue dans une atmosphère anoxique) en dioxyde de carbone, qui est un gaz à effet de serre bien moins puissant que le méthane. D’autre part, comme l’oxygène constitue un poison puissant pour les bactéries méthanogènes, celles-ci vont se réfugier dans des niches anoxiques. De fait, l’oxygène va couper la source et augmenter le puits de méthane, et donc bouleverser l’équilibre radiatif de la planète... et c’est le premier accident froid. Pour le second accident, qui est beaucoup plus récent, on dispose d’informations bien plus nombreuses. Insolation moyenne annuelle (W.m -2) 500 400 300 200 60° 10 Reflets de la Physique n°55 90° 23,5° Une Terre toute blanche au Néoprotérozoïque Cette période de l’histoire de la Terre, qui s’étend d’il y a 750 jusqu’à 620 millions d’années (Ma), est géologiquement très riche d’énigmes et de controverses. Nous allons décrire ici les quatre principaux paradoxes qui ont émergé à la fin du 20 e siècle sur cette période. D’abord W. Brian Harland (qui était géologue à l’Université de Cambridge) montrait dès les années 1960 qu’il existait, à cette période, des calottes de glace... au niveau de l’équateur. En effet, sur de très vastes zones, des sédiments glaciaires (des tillites (d)) mettaient en évidence l’existence d’énormes calottes de glace qui s’étendaient de l’équateur jusqu’aux tropiques. Pour résoudre ce premier paradoxe, un géophysicien australien, George Williams, avait fait l’hypothèse audacieuse que l’obliquité terrestre (angle que fait l’axe des pôles avec le plan de l’écliptique) aurait pu être bien plus élevée au Néoprotérozoïque. En effet, si cette obliquité avait été de l’ordre de 60°, la distribution en latitude des températures annuelles aurait été inversée. C’est-à-dire que la zone la plus froide, en moyenne annuelle, se serait trouvée à l’équateur tandis que les pôles auraient connu des températures plus élevées (fig. 4). Cette hypothèse était donc très séduisante. Elle expliquait pourquoi à l’époque, avec une forte obliquité terrestre, les calottes 1 i I T I -90 -60 -30 0 30 60 90 Latitude (degrés) 4. Variation de la valeur moyenne de l’insolation terrestre en fonction de la latitude, pour des obliquités terrestres de 23,5° (l’actuelle), de 60° et de 90°. lm s’étaient plutôt développées à l’équateur. Mais elle s’est révélée fausse. D’une part, parce que des astrophysiciens (B. Levrard et J. Laskar [3]) montrèrent qu’on ne disposait d’aucun mécanisme satisfaisant pour faire revenir l’obliquité terrestre à sa valeur actuelle et, d’autre part, parce que Yannick Donnadieu et moi-même démontrâmes qu’avec une telle obliquité les calottes de glace n’auraient pu se développer à cause du très fort cycle saisonnier qui lui aurait été associé. L’interprétation de Harland, qui observait ces calottes à l’équateur, fut tout naturellement d’imaginer que la Terre s’était complètement englacée au Néoprotérozoïque. Malheureusement, il ne fut pas difficile aux modélisateurs de l’époque de montrer que, si tel avait été le cas, l’albédo, c’està-dire le pouvoir réfléchissant de notre planète, serait passé d’une valeur de 0,3 (valeur actuelle de notre planète bleue) à des valeurs bien plus élevées, de 0,6 à 0,8 (celles d’une planète « boule de neige »). Dans les années 1960, on pensait que seule l’augmentation de la luminosité solaire pouvait avoir permis la déglaciation d’une Terre boule de neige. De ce simple fait, il aurait fallu augmenter la puissance solaire d’un facteur proche de 1,5 pour sortir de cette glaciation globale, et comme vous pouvez le constater sur la figure 2, cela aurait pris des milliards d’années. La glaciation du Néoprotérozoïque aurait donc dû se prolonger au moins jusqu’à nos jours. L’hypothèse de la Terre boule de neige, initialement énoncée par Harland, allait donc faire long feu. Elle fut remisée pendant une petite trentaine d’années. Trois paradoxes supplémentaires allaient émerger pour la période du Néoprotérozoïque et conduire à l’exhumation de la théorie de la Terre boule de neige. Le premier paradoxe est la réapparition des formations de fer rubanées (BIF pour Banded Iron Formation). Ces formations, qui se produisent dans un océan sans oxygène, sont très courantes dans l’océan primitif archéen (il y a 3,8 à 2,5 Ga). Elles en constituent même l’archétype. Peu de temps après le GEO, il y a 1,8 milliards d’années, ces formations ont disparu des fonds océaniques. Leur réapparition au Néoprotérozoïque, dans différents bassins océaniques, est donc très surprenante, comme si les fonds marins avaient été de nouveau dépourvus d’oxygène. |