1 C omplexe sportif flottant, centre d’art urbain sur l’eau, boulangerie-pâtisserie embarquée qui combine vente et croisière, déchetterie fluviale pour le BTP, plate-forme de transports sans carbone ; les lauréats de l’initiative Réinventer la Seine, qui associe Paris, Le Havre et Rouen, visent à donner un coup d’accélérateur à la réappropriation du fleuve par la métropole. Un retour aux sources en quelque sorte. « Les fleuves sont la matrice des villes », relève Marc Mimram, architecte qui a construit de nombreux ponts et passerelles dont celle reliant le Louvre au musée d’Orsay. « L’évolution des berges de la Seine est une vitrine de l’évolution de Paris », explique Patricia Pelloux, directrice adjointe de l’Atelier parisien d’urbanisme. La Seine est même devenue la colonne vertébrale du projet de ville durable de demain, à la fois inclusive, offensive et résiliente. Après s’être implantée et développée au bord du fleuve, Paris lui avait ensuite tourné le dos. Mais dans cette reconquête, la ville ne part pas de zéro. Là où Séoul ou Los Angeles ont choisi d’emprisonner leur cours d’eau sous terre par souci d’hygiène ou pour faire de ces anciennes voies de communication des autoroutes urbaines, la Ville lumière a préféré doubler son fleuve de voies rapides pour faciliter l’entrée des automobilistes dans le centre. « Aujourd’hui, il s’agit d’oublier cette vision des années 1960 en redonnant l’accès aux quais aux Parisiens », pointe Célia Blauel, adjointe à la maire de Paris en charge de la transition écologique, du climat, de l’environnement, de l’eau et de l’assainissement. UNE LONGUE HISTOIRE Cette redécouverte du fleuve est un phénomène mondial. À la fin des années 1990, Londres renoue avec la Tamise avec l’aménagement du quartier au sud du fleuve, symbolisé par l’ouverture de la Tate Modern. À Berlin, c’est la chute du Mur qui MARS/AVRIL 104 - PARIS WORLDWIDE MARCH/APRIL 2019 permet à la Spree de retrouver son rôle central. À la même époque, Paris expérimente les premières piétonnisations, le dimanche, d’une partie des berges, avant l’ouverture au début des années 2000 de Paris Plages. « À chaque fois, nous avons profité de ces parenthèses pour tester de nouveaux usages : loisirs en plein air, nouvelles formes de mobilité, parcours sportifs le long du fleuve, poursuit Patricia Pelloux. Redonner vie au Tibre, c’était aussi le projet de Rome quand la ville a organisé sa version de Paris Plages, avec la création d’un festival pendant les mois d’été », raconte Denis Bocquet, professeur à l’école d’architecture de Strasbourg qui a fait des relations entre les villes et leurs fleuves un de ses terrains d’études privilégiés. « La ville envisage aujourd’hui, comme à Paris, de pérenniser cette expérience », assure-t-il. Il y a deux ans, à Paris, une nouvelle étape a été franchie : la circulation est désormais totalement bannie sur les quais. 10 hectares sont ouverts à ▲ GARDEL BERTRAND/HEMIS.FR - PAJOR PAWEL/SHUTTERSTOCK - SABINE LUBENOW/IMAGEBROKER/REX/SHUTTERSTOCK |