Maquette du bateau-atelier, qui prendra la mer en 2020. Model of the seafaring studio that will be operational by 2020. Artiste, vous avez continué à faire le tour du monde, mais en faisant escale partout. Quel constat dressez-vous de ce qui nous lie à travers le monde ? Ce qui nous meut, c’est la survie : se nourrir et se reproduire pour perpétuer notre espèce. Nous avons tous les mêmes préoccupations, alors même que nous sommes une grande diversité d’individus. C’est ça qui est merveilleux. J’ai rencontré des gens brillants. Qu’ils soient écrivains, artistes ou pêcheurs, tous ont des choses à dire, une individualité dans la manière d’écouter ou de voir les choses et des conceptions qui parfois se rejoignent alors même qu’ils appartiennent à des mondes très éloignés les uns des autres. Il faut être à l’écoute de cette mondialité, telle que décrite par Édouard Glissant. Il s’agit d’un lien entre les individus à l’échelle du monde, vécu dans le respect du divers, par opposition à la mondialisation néolibérale qui entraîne toutes sortes de défiances entre les peuples. Quel est le rôle d’un artiste ? Le rôle d’un musicien, d’un peintre ou d’un écrivain, qu’il soit engagé ou non, est d’apporter une autre façon d’écouter, de voir ou de lire le monde. La voix des chercheurs et des artistes n’est pas assez écoutée. Votre voix a servi la cause des femmes. Et pour ce travail, vous avez été, en 2003, nommé artiste de l’Unesco pour la paix. Au départ, je voulais faire des portraits de femmes, peindre leur beauté, quels qu’en soient les canons. J’ai commencé dans la corne de l’Afrique, où sévit beaucoup la pratique des mutilations génitales féminines. C’est pour mieux comprendre ces phénomènes de domination masculine et de violence à l’égard des femmes que j’ai commencé à travailler avec l’ethnologue et anthropologue Françoise Héritier ou le paléontologue Yves Coppens, par exemple. C’est petit à petit que le projet « Femmes JANVIER/FÉVRIER 86 - PARIS WORLDWIDE JANUARY/FEBRUARY 2019 diversity, as opposed to a neoliberal globalization that sows mistrust between peoples. What’s the role of an artist ? The role of musicians, painters, and writers is to initiate another way of listening, seeing, and understanding the world. We should listen more to what artists and scientists have to say. You’ve lent your voice to women’s causes. For this work, you were namedthe 2003 UNESCO Artist for Peace. I initially wanted to make portraits of women and paint their beauty outside the standard criteria of beauty. I started out in the Horn of Africa, where people still practice female genital mutilation. I also worked with researchers like anthropologist Françoise Héritier and paleontologist Yves Coppens to better understand these expressions of male domination and violence against women. This « Women of the World » project gradually became a portrait of the many faces of misogyny and the status of women in the world. That was in 2004, and nothing much has changed since then. After painting humanity in its diversity, you are now interested in the biodiversity of which we are a part. When did the ecological emergency first dawn on you ? My awarenessis fairly recent. I owe it to the works of artists like Sebastião Salgado who, in his Genesis series, photographed the small bits of nature spared by industrial de- JEAN-MARC VRIGNAUD |