Léri a des éléments de réponse. L’historien, ancien directeur du musée Carnavalet et auteur de Paris Mystères (éditions Bayard), estime que l’image de la capitale comme ville des amants s’élabore il n’y a finalement pas si longtemps. « Cela remonte à la fin du XIX e siècle, quand Paris, modifiée et nettoyée par le baron Haussmann, devient la ville élégante de l’Europe, loin des rigueurs religieuses qui règnent dans les autres capitales », explique-t-il. Au même moment, Londres vit en pleine époque victorienne. Et ce n’est sans doute pas un hasard si Albert, le fils aîné de la reine Victoria, aime tant visiter Paris. Dans la capitale de la Belle Époque, c’est le règne des fameuses « p’tites femmes de Paris ». « Elles circulent librement et font la joie du prince de Galles, mais aussi des grands ducs de la Mitteleuropa, des authentiques seigneurs de l’Italie du Sud et des caballeros de Castille ou d’Aragon », rappelle Jean-Marc Léri. CAPITALE DE L’AMOUR C’est ainsi que naît cette image de ville de l’amour, mais surtout qu’elle s’exporte à l’étranger. Plus tard, d’autres se chargeront d’entretenir le mythe. « Hemingway, Francis Scott Fitzgerald vont aussi véhiculer cette image d’un Paris où les femmes sont belles, intelligentes et libres », souligne Émile Perrel, spécialiste de l’urbanisme de la capitale. D’Un Américain à Paris de Vincente Minnelli à Midnight in Paris de Woody Allen, le cinéma se charge de prendre le relais du mythe. D’autres villes romantiques s’appuient aussi sur leur histoire pour faire rêver les amants du monde entier. Venise peut se prévaloir d’avoir été la ville de Casanova ; Vérone, celle de Roméo et Juliette ; Vienne peut s’appuyer sur l’impératrice Sissi, mais aussi sur ses fameux bals. Mais de ses amants célèbres à ses paysages, Paris possède un nombre conséquent de cartes dans son jeu. Et notamment celle Des lieux romantiques aux bistrots typiques, Paris évoque toujours l’amour. From romantic places to typical bistros, Paris evokes love. d’un certain art de vivre à la française. Les clients d’Agathe Benhamou ont les mêmes desiderata : « La beauté de la ville et la gastronomie ». Un « combo » qui rapproche la Ville lumière de ses rivales italiennes, elles aussi réputées pour la tenue de leurs tables. Et tout comme les couples à Rome rêvent d’un tartufo place Navone, de pasta alle vongole à Venise, les amoureux à Paris imaginent poser leur nappe à carreaux au pied de la tour Eiffel avec baguette et fromages. « Bien sûr, à Venise, on en prend plein les yeux à chaque coin de rue, explique Thierry Soufflard, auteur du best-seller Où s’em- JANVIER/FÉVRIER 104 - PARIS WORLDWIDE JANUARY/FEBRUARY 2019 brasser à Paris (Parigramme), mais Paris a un côté moins « musée à ciel ouvert » ». Si Prague ou Bruxelles peuvent mettre en avant leur architecture Art nouveau, New York sa skyline ou Venise ses palais, Paris peut s’appuyer aussi bien sur Montmartre et son vieux village, le Marais et ses hôtels particuliers que sur les Champs-Élysées ou sur le Quartier latin. « Ce sont autant de lieux où chacun peut se sentir bien, se laisser aller et rêver », souligne Émile Perrel. Et puis, bien sûr, il y a la Seine. Si la promenade en calèche autour de Central Park s’impose à New York, tout comme le tour en gondole à Venise, les balades FOTOSTORM - GETTY - ALAMY/HÉMIS.FR |