Pour un photographe, le portrait est l’exercice le plus périlleux. Comment révéler la vérité d’un sujet quand celui-ci s’échine à la masquer ? Philippe Halsman est passé maître en la matière, c’est ce que rappelle la rétrospective du Jeu de Paume. à Paris avant-guerre, puis New York ensuite, le photographe né en Lettonie, sauvé de la déportation par Albert Einstein, a logé dans l’objectif de son Rolleiflex les grands noms du spectacle (Dean Martin et Jerry Lewis), du cinéma (Marilyn Monroe, Rita Hayworth, Hitchcock, etc.), de la politique (Churchill, Nixon, etc.). Un beau palmarès, et même un record : il a réalisé plus de cent fois la couverture du magazine Life. à quoi est-ce dû ? Principalement à la jumpology, un procédé ludique qu’il théorisera par la suite. Halsman l’invente en 1952, à l’issue d’une séance de pose guindée avec la famille d’Henry Ford. Alors qu’on lui offre à boire, il demande sans rendez-vous De l’art ! With art ! Le rebond de Philippe Halsman The return of Philippe Halsman Déjà passée par le musée de l’élysée à Lausanne, l’exposition du Jeu de Paume remet en lumière l’humour et la science d’un maître exilé de la photographie. From the Musée de l’Elysée in Lausanne to Paris’s Jeu de Paume, this comprehensive exhibition highlights the humor and science of an exiled master of photography. 1 2 52 - paris Worldwide novembre/décembre november/december 2015 réfléchir à la digne épouse et à la belle-fille de sauter devant son appareil. L’artifice lui deviendra indispensable. D’après lui, « lorsque vous demandez à une personne de sauter, son attention se cristallise dans l’acte, le masque tombe, de sorte que la personnalité réelle apparaît ». En marge de ses commandes pour Vogue, Time Magazine ou Paris Match, Philippe Halsman compose ainsi plus de 170 portraits, réunis dans le fameux Jump Book. Loin de s’en contenter, il ne cesse de repousser les limites de sa discipline, au contact des artistes. De leur rencontre en 1941 à sa propre mort en 1979, il immortalise notamment Salvador Dalí dans des mises en scène extravagantes, dont l’inoubliable Dalí Atomicus. Halsman y multiplie les jeux de lumière, les cadrages, les collages et déformations bricolés pendant des heures. Forte de 300 images, l’exposition au Jeu de Paume répertorie cet art fantasque de l’expérimentation sur papier glacé. o 2015 PhiliPPe Halsman Archive/MagnUM Photos |