614 « Avec Platini, j'ai eu de graves conflits personnels. Mais jamais sur le terrain, je n'ai fait subir à l'équipe les conséquences de notre discorde. J'ai toujours fait ce qu'il fallait. » 14 Larios et Jean-Michel Largué : le nouveau capitaine et l'ancien. sont pas bonnes à dire. Je commence à le comprendre. ONZE : Qu'Hidalgo n'était pas le seul à décider ?... J.-F. LARIOS : Ce n'est pas mon problème. Ce qui compte, c'est la décision finale. En ce qui me concerne, et très concrètement, je n'ai plus fait partie de l'équipe de France après le premier match. Qu'Hidalgo ait pris sa décision seul ou sous l'influence d'une tierce personne ne me regarde pas. Je juge les faits. Je ne peux m'empêcher de penser que pour d'autres postes, celui de gardien de but par exemple, les conseils de Curkovic ont pesé dans la balance. Je ne mets pas en cause la sélection d'Ettori, qui, sur ce qu'il démontrait à l'entraînement, était, sans contestation possible, le meilleur. Mais Hidalgo avait-il besoin de Curkovic pour s'en rendre compte ? ONZE : Tu t'es trouvé complètement évincé du groupe ? J.-F. LARIOS : Dans une communauté, ce n'est pas la peine d'être un grand psychologue pour savoir si l'on se sent bien, si l'on est accepté, si ta compagnie est recherchée. En Espa, ne, j'ai senti qu'à un moment donne, un groupe, parmi les vingt-deux, s'était dégagé et était prêt, physiquement, à donner le maximum pour l'équipe de France. Ce groupe, je n'en faisais pas partie ; je ne vois pas pour quelle raison je m'y serais immiscé à tout prix. Je n'aurai rien pu apporter, si ce n'est un sentiment de rejet. Je dois ajouter, pour être totalément objectif, qu'Hidalgo a bien senti la situation et qu'il m'a laissé seul prendre mes responsabilités. Je n'ai donc pas été évincé du groupe, mais tout simplement, un commando s'est dégagé, qu'il était préférable de laisser seul et tranquille pour le reste de la compétition. ONZE : Mais ce qui était valable en Espagne ne l'est peut-être plus aujourd'hui ? Pourquoi ne pas revenir sur ta décision ? J.-F. LARIOS : Je t'ai parlé, au tout début. de l'importance que j'accordais à la complémentarité dans une équipe. Je n'ai aucun ressentiment envers le sélectionneur. Il a obtenu de très bons résultats avec les hommes qu'il a choisi ; pourquoi veux-tu que j'aille troubler l'harmonie de ce groupe ? Les performances sont là pour donner raison à Hidalgo. Je ne l'ai jamais contesté. Mais je ne me sens pas bien dans le club France tel qu'il est en ce moment ; j'attendrai d'être mieux intégré pour y revenir. ONZE : Tu as pris une position avec Hidalgo et l'équipe de France, mais tu as eu aussi des explications orageuses avec Roger Rocher ? J.-F. LARIOS : Effectivement, tu mois de février dernier, Roger Rocher m'avait dit qu'il était préférable pour moi que je n'évolue plus à l'A.S. Saint- Etienne. La raison, c'était bien sûr, une fois encore, mes problèmes personnels avec Platini. Le président prétextait que je n'étais pas dans les meilleures conditions psychologiques et que, en outre, je risquais de gêner le comportement de Platini. Bref, il voulait me virer. C'était une incursion de plus de Rocher dans le domaine technique. A l'époque, se situaient les premiers prémices de la crise et je suis certain que Rocher perdait quelque peu les pédales. Herbin ne l'a pas suivi dans son attitude et, quelques semaines plus tard, après le match devant l'Irlande, Rocher a fait volte-face, m'a félicité et n'a plus parlé de cette éviction. Mais le mal était fait ! ONZE : L'ex-capitaine Christian Lopez était l'homme du président. Tu es le nouveau capitaine et tu es l'homme de Robert Herbin. N'est-ce pas la preuve qu'il existait, l'an passé, des clans chez les Verts ? J.-F. LARIOS : Christian Lopez était l'homme du président parce que ce dernier lui avait fait des promesses. Il lui aurait prolongé le contrat de deux ou trois ans. Christian n'était pas très chaud pour quitter Saint-Etienne. Il était normal qu'il prenne fait et cause pour celui qui lui maintenait sa confiance. Parallèlement, Rocher voulait que je m'en aille pendant qu'Herbin désirait que je reste. J'avais davantage d'atomes crochus avec Herbin qu'avec Rocher. Ce n'est pas une rai- JEAMFRAMCOIS LflRIOS son pour considérer Christian Lopez comme un traître. L'attitude des nouveaux dirigeants, qui lui ont fait cadeau de sa dernière année de contrat, prouve qu'ils n'avaient rien contre lui. Mais ce qui est arrivé avec Christian m'arrivera aussi, à moins que je ne parte avant. ONZE : Ton image de marque auprès du public n'est pas très bonne. A quoi attribues-tu cet état de chose ? J.-F. LARIOS : Pour parler sèchement, je dirais que je m'en fous un petit peu. Je suis bien dans ma peau, ce qui me paraît le plus important. Ensuite, j'ai du mal à assumer mon rôle d'homme public, de capitaine des Verts et j'aime bien vivre comme Monsieur Tout le Monde. Or, apparemment, vivre comme Monsieur Tout le Monde, pour un footballeur professionnel, ne semble pas possible, Je réfute en bloc tous les arguments. Je sais également que je n'ai pas que de bons papiers dans les médias. J'en ai tellement lu ! Un jour, je suis indispensable, une autre fois je suis nul, le lendemain en super-forme, une semaine après bon à rien. Bref, je respecte l'opinion des gens et des journalistes. Ils font ce qu'ils ont envie de dire et de faire... moi aussi. ONZE : On te reproche de te disperser quelque peu... J.-F. LARIOS : Après quatre ou cinq ans de footballau plus haut niveau, je vais disparaître et, alors, On va m'oublier très rapidement. La question est de savoir si je dois faire dans cinq ans ce que j'ai envie de faire tout de suite. Je suis peut-être égoïste, impulsif, mais je ne fais pas ma vie en fonction de l'opinion publique. J'ai, en tout cas, envie actuellement de connaître autre chose que les terrains de football, le ballon de football, les discussions de football. Je sais que cela choque beaucoup de gens. Yannick Noah, pour ne pas être un esclave du tennis comme l'est Lendl, est vertement critiqué. Alors, on reproche souvent aux sportifs d'être des abrutis ne sachant s'intéresser à rien. Si tu sors des sentiers battus, on tombe immédiatement sur toi à bras raccourcis. ONZE : On te reproche également tes très nombreuses conquêtes féminines. J.-F. LARIOS : Ce sont des conneries ! (sic). Pour trouver des raisons à des contre-performances, on est prêt à mettre en avant toutes sortes de raisons. Si je ne suis pas Pelé, Cruijff ou Beckenbauer, c'est tout simplement parce que je n'ai pas la qualité de ces joueurs. Ce n'est pas en devenant un ascète que j'arriverai à les égaler. J'ai peut-être du mal a me stabiliser, mais mon idée force reste tout de même le football. ONZE : Tout à l'heure, nous parlions |