certains seraient bien embêtés s'ils devaient donner la différence entre les chiffres qu'ils avancent et la réalité. En ce qui me concerne, les joueurs ont décidé que je devais être inclu dans le partage au même titre que chacun d'eux. ONZE : Même si cela ne fut pas aussi dur qu'en 78, vous avez dû ressortir très éprouvé nerveusement de ce Mundial. HIDALGO : Il y a une chose que je n'accepte plus. C'est une caméra braqué pendant 90 minutes sur mes faits et gestes. C'est dégradant. Je me sentais comme un animal en cage. J'aimerais bien qu'un jour on fixe les caméras sur les dirigeants de la F.I.F.A. dans la tribune, sur leurs baillements, sur leurs ronflements, sur leurs siestes. Et non plus toujours sur nous. ONZE : Sur le plan du jeu, quelle évolution vous semble traduire ce Mundial ? HIDALGO : J'ai entamé un bilan sur tous les aspects du Mundial. Mais il me faudra six mois pour y voir clair. J'ai pu constater cependant que l'on a vu du jeu. Des matches de qualité. Toute la suspicion sur la violence notamment n'a pas été vérifiée. J'en suis heureux, car je n'aime pas que l'on suspecte les sportifs. ONZE : Il y avait eu tout de même beaucoup d'antécédents qui pouvaient faire redouter un Mundial violent... HIDALGO : Il y a eu en 82 un rétablissement de l'équilibre. Moins de brutalité, même s'il y a eu beaucoup de petites fautes. Je crois que désormais il faudra peu de choses pour que tout le monde comprenne et peut-être avons-nous donné un exemple sur ce plan que l'on peut gagner en jouant bien. D'ailleurs, pour moi, la résultante du beau jeu est le plus souvent la victoire. ONZE : Ce Mundial vous a-t-il paru réhabiliter un football plus spectaculaire, plus sympathique ? HIDALGO : Oui. Il y a pas mal d'équipes qui ont produit un spectacle intéressant. On a vu des matches ou la valeur individuelle des joueurs l'emportait. On parle de l'Italie. Son système de jeu n'a pas changé. Mais un Bruno Conti change son visage. Son allure. Par sa fantaisie. Son improvisation. Egalement son efficacité. Ce sont donc les joueurs, et non pas les systèmes comme on l'a cru trop longtemps, qui donnent l'étiquette d'un match. ONZE : L'organisation du Mundial, qu'en pensez-vous ? HIDALGO : Je pense que c'est tout ce qui a été prévu avant, qui est critiquable. Le tirage au sort. L'ordre des matches. Le calendrier. Qui a été très préjudiciable à la j ustice. Certaines équipes avaient six jours pour récupérer, d'autres que trois. Jouer à 17 heures ou à 21 heures, ce n'est pas non plus du tout la même chose. Il faut mettre tout le monde sur pied d'égalité. Hélas, dans ce Mundial, on a plus pensé à l'aspect financier qu'à l'aspect sportif. Et en plus 10 MICHEL HIDALGO l'aspect financier a été un fiasco, puisque les stades étaient à moitié vides. On n'a pas le droit de faire jouer des sportifs devant des banquettes vides. Il n'y a pas de grande concertation interne au football pour l'organisation du Mundial. Les joueurs et entraîneurs ne sont rien. Des objets. Utilitaires. Des marchandises profitables. C'est très grave. Personnellement, je me refuserai désormais à toute collaboration technique avec la F.I.F.A. Je regrette qu'il y ait une soumission trop grande de tous les pays participants. ONZE : Que peut-on imaginer de nouveau sur ce plan ? HIDALGO : Je pense qu'il faut faire des groupes où le meilleur ressortirait véritablement. Et pas sur trois matches. D'abord, pourquoi passer de 16 à 24 ? On aurait d'abord transiter par 20 et voir ce que cela donnait. On aurait pu faire 4 groupes de 5 équipes, avec un seul qualifié par groupe. Et passer ensuite directement aux demi-finales. Sans finale des battus. la coupe du monde 82 a été selon moi trop longue et trop chaude. Cela devient inhumain. Et on tue tout ce qu'il y a de beau dans cette épreuve. Nous, l'aspect économique, on s'en fout ! ONZE : La victoire de l'Italie vous paraîtelle méritée ? vous semble-t-elle dégager l'essentiel de ce Mundial ? HIDALGO : Le parcours italien a été difficile au premier tour. Ensuite, les Italiens ont vraiment tout donné pour la victoire. Ils ont su monter autre chose -que l'image habituelle que l'on se fait de ce football. Grâce à Antognoni, à Conti et dans les derniers matches à Rossi, qui a su apporter ce que toute équipe recherche : un véritable buteur. Même s'il y a eu d'autres aspects moins brillants, dans l'ensemble c'est mérité. ONZE : Et le Brésil ? HIDALGO : Un reproche : pas d'attaque. Quel décalage entre un Zico et un Serginho. Est-ce qu'il paraissent venir du même pays de football ? Cela dit, le Brésil a apporté le côté spectaculaire attendu parle spectateur. ONZE : La Coupe du Monde, tous les quatre ans, sert de point de repère. Croyezvous que le football va désormais évoluer vers le côté spectaculaire brésilien ou plutôt réaliste italien ? HIDALGO : Je crois que chaque sélection continuera à jouer avec ses tendances. Il est dangereux de copier, de suivre la mode. Il faut trouver un équilibre. Prendre ce qu'il y a de bien chez les uns et les autres. Mais cela n'est pas si simple. Il faut des années de travail. Il faudra donc attendre le rejaillissement de ce Mundial sur les tendances à travers le monde. ONZE : Que pensez-vous de l'arbitrage dans cette Coupe du Monde ? HIDALGO : Très médiocre ! ONZE : Notamment pour les matches de l'équipe de France ? HIDAlLGO : Oh non, pas seulement. Depuis des années on reproche la même chose aux arbitres, et ils continuent, avec suffisance, de s'attacher plus à être respectés eux-mêmes qu'à faire respecter le jeu et les joueurs. Et à les protéger. Je crois qu'on ne pourra jamais s'entendre avec eux. Trop d'arbitres se font souvent complices des voyous. ONZE : Croyez-vous qu'ils aient été « conditionnés » pour avoir certaines réactions ? HIDALGO : Il y a eu trop de choses négatives... On m'a rarement entendu avancer avec témérité ainsi, mais il y a eu trop de choses. ONZE : Cela vous semble-t-il traduire des pressions visant à favoriser l'Espagne par exemple ? HIDALGO : Je ne m'avance pas dans ce domaine-là. Je constate. Mais il est certain que peut-être les arbitres veulent plus faire plaisir à certains grands pontes de la F.I.F.A. ou de l'U.E.F.A. qu'aux équipes nationales. ONZE : Abordons maintenant l'avenir de l'équipe de France. Et d'abord, avec ou sans Michel Hidalgo ? HIDALGO : Oh ! ça, c'est... ONZE : C'est... accessoire ? HIDALGO : Accesoire, oui... L'équipe de France doit justement se servir de ce Mundial-là pour deux choses. D'abord pour effacer certains complexes qu'on avait au niveau international, Ensuite pour corriger lacunes et faiblesses qui demeurent. ONZE : L'équipe de France n'a-t-elle pas atteint un sommet ? Ne va-t-il pas être difficile de rester à ce niveau ? HIDALGO : La certitude, c'est que l'on va désormais être exigeant avec elle. ONZE : Oui. Maintenant, on attend une victoire en 84 lors du championnat d'Europe des Nations. HIDALGO : Oui, mais enfin çà c'est autre chose... D'abord, il ne faudra pas demander à chaque fois à cette équipe de renouveler ses matches contre l'Irlande ou l'Allemagne. Ensuite, il y aura certainement des changements de joueurs, mais je ne crois pas que cela puisse modifier la mentalité. Sur le plan technique, on ne pourra peut-être pas demander à d'autres joueurs de jouer de la même manière. Mais s'il y a un fonds et une assise qui reste, l'équipe de France aura toujours un certain niveau de jeu. Un bon niveau ! ONZE : Avec ou sans Hidalgo ? HIDALGO : Pour l'instant, ce n'est pas important du tout. L'essentiel, ce sont les joueurs. Personnellement, je réfléchis. J'ai besoin de recul, car je ne veux pas prendre ma décision seulement en fonction de ce qui vient de se passer. Je m'accorde donc un délai avant de discuter avec la Fédération. Je sais ce que je veux, mais je ne veux rien dire avant d'en parler avec les intéressés. Pour l'instant, on demeure sur |