C’est l’histoire d’une résurrection. Christian Estrosi aura donc réussi à s’extraire des flammes de l’enfer en enfilant le dossard de la pérennité républicaine. Ce matin, en plus de trente ans de carrière, il ne compte toujours qu’une défaite à son compteur dans une élection sous son nom : en décembre 1994, quand un certain Olivier Bettati l’avait éliminé dès le premier tour lors de la cantonale partielle de Nice-8. Au soir du 6 décembre, lorsque Marion Maréchal-Le Pen l’a devancé de quatorze points, ceux qui le côtoient ont vu un homme au trente-sixième dessous. Mais pas longtemps. Il en fallait visiblement davantage pour assommer définitivement ce grand fauve politique. Eric Ciotti raconte, sincèrement admiratif : « A 20 heures, il était sonné. Mais à minuit, il était déjà reparti de plus belle. Il a une capacité à se redresser exceptionnelle. » Merci la gauche ! Dès lundi matin, comme on entre en résistance, remonté tel un boxeur cueilli à froid, Christian Estrosi repartait au combat pour aller arracher avec les dents voix après voix, de quadrillage méticuleux du terrain en message téléphonique conjurant les électeurs de ne pas commettre l’irréparable. Tout Estrosi, du moins une grande partie, son volontarisme survitaminé en particulier, aura été résumé dans cette semaine de folle bascule. Évidemment, le futur président de la Région, qui sera élu dès ce vendredi, doit une fière chandelle à Spécial élections Le sursaut républicain Le candidat des Républicains et du centre a bénéficié d’une mobilisation accrue et d’un bon report des voix de gauche et écologistes pour s’imposer finalement assez confortablement Le billet DE DENIS CARREAUX Directeur des rédactions Le vent du boulet Un épilogue plus qu’une victoire. Christian Estrosi peut évidemment se réjouir d’avoir réussi à remporter de manière très nette cette élection ô combien atypique et à barrer la route au Front national. Mais que de sueurs froides, de tensions, d’incertitudes… Le sursaut républicain espéré par beaucoup a bien eu lieu hier, en Paca comme en France. Il bloque Marine Le Pen et sa nièce sous le fameux « plafond de verre » théorisé par les sondeurs et les analystes. Mais qu’on ne s’y trompe pas. Dans plusieurs régions, la gauche comme la droite ont senti le vent du boulet. Si elles ne sont pas capables de revoir leur logiciel, de retrouver illico crédit et crédibilité, la prochaine fois sera la bonne pour le Front national. Plus question, dès lors, de front ou de barrage républicain. On l’a vu dans notre région, on ne glisse plus uniquement un bulletin FN dans l’urne pour contester ou protester, mais parce qu’on a envie d’idées différentes et de nouveaux visages. En 2017, plus personne ne pourra feindre la surprise. Christophe Castaner. Ou, plus exactement, à Manuel Valls et à Jean-Christophe Cambadélis. Sans les consignes de retrait descendues des hautes sphères socialistes, l’affaire se serait certainement avérée autrement plus corsée. Le barrage républicain aura en tout cas fonctionné, mieux même que le laissaient supposer certains agacements à gauche. Un nombre conséquent d’abstentionnistes est à l’évidence venu prêter main forte au futur ex-maire de Nice, la participation grimpant de 52 à 60%. Une partie suffisante de l’électorat de gauche, sans véritable entrain pour beaucoup mais avec une constance appliquée, s’est également mobilisée en sa faveur. Un front républicain quand même fragile Plus pâlotte après la vague de sondages ayant donné son adversaire vainqueur (mais peut-être est-ce juste une vue de l’esprit), Marion Maréchal-Le Pen semblait avoir anticipé sa défaite, consciente que le fameux front républicain aurait, ce coup-ci encore, raison de ses desseins. À titre personnel, elle aura toutefois assis sa notoriété, améliorant son total de près de 170 000 voix pour réaliser le meilleur score de son parti où elle Résistance Christian Estrosi a finalement gagné relativement aisément hier soir. (Photo Franck Fernandes) Républicains UDI-MODEM sera dorénavant incontournable. Marc-André Domergue, éphémère patron du FN 06 de juillet à septembre, nous le confiait dès lundi dernier : « Le front républicain va encore marcher cette fois. Mais ce sera peut-être la dernière. De la façon dont ils se comportent, les partis dits de gouvernement font le lit de Marine Le Pen pour 2017. » De fait, ce front républicain aujourd’hui salvateur pour Christian Estrosi et d’autres partout en France apparaît relativement fragile. Si l’on considère le verre à moitié vide, pas loin d’un habitant de Paca sur deux aura voté en conscience pour le Front national, sans Participation : 60,31% 81 sièges 42 sièges Les résultats du 1er tour (Taux de participation : 52%) FRONT NATIONAL Marion MARÉCHAL-LE PEN RÉPUBLICAINS-UDI MODEM Christian ESTROSI PARTI SOCIALISTE PRG-MRC Christophe CASTANER 54,78% FRONT DE GAUCHE EELV 123 sièges ALLIANCE ECOLOGISTE DEBOUT LA FRANCE 45,22% LUTTE OUVRIERE êtresensible aux appels moraux à profusion et à répétition. C’est dire si la victoire du député azuréen constitue, malgré tout, un avertissement pour les Hollande,Sarkozy et consorts. Stigmatiser le FN ne suffira pas forcément ad vitam aeternam à le repousser. Pour endiguer véritablement la marée bleu marine, la politique devra aussi se dégager des postures trop faciles (et trop voyantes) pour retrouver un peu de vérité, de hauteur. Reprendre de la hauteur Hier soir, le communiste Jean-Marc Coppola comme la députée des Républicains Valérie Boyer se rejoignaient pour inviter de concert à recentrer le débat sur l’essentiel, les idées et les projets. En Paca, c’est à Christian Estrosi qu’il va revenir d’incarner cette ambition et cet indispensable renouveau. Il aura pour cela un atout dans sa manche. Si la gauche sera totalement absente de l’hémicycle régional, sa promesse de l’associer indirectement aux décisions à travers un conseil consultatif peut engager sa gestion sur un chemin consensuel et apaisé. Au terme de cette année inattendue à laquelle rien ne le prédestinait – en janvier, c’est Eric Ciotti qui était évoqué pour tirer la liste des Républicains –, Christian Estrosi s’est pris d’une passion sincère pour sa Région. L’orage passé, la sérénité revenue, il a désormais toutes les cartes en main pour prouver qu’il est bien, au-delà d’un résistant accompli, l’homme de la situation. THIERRY PRUDHON Front National UNION DES DROITES NOUVELLE DONNE Sophie Jean-Marc Noël Isabelle Jacques Cyril CAMARD GOVERNATORI CHUISANO BONNET BOMPARD JARNY UNION POPULAIRE RÉPUBLICAINE C 40,55% C 26,48% C 16,59% C 6,54% C 4,05% 1,95% 1,48% 1,12% 0,64% 0,61% Daniel ROMANI Infographie François-Philippe LANGLADE |