la santé Addictions:un fléau mais pas une fatalité DOSSIER Ils souffrent d’addiction àl’alcool, de toxicomanie ou de troubles du comportement alimentaire. Dans les unités dédiées, on multiplie les actions pour les aider àsortir de la spirale E nFrance, comme àl’échelle européenne et dans le reste du monde, les addictions posent un problème de santé publique majeur,dont les impacts sont multiples, sanitaires, médicaux et sociaux. Elles seraient responsables en France de plus de 100000 décès évitables par accidents et par maladies, dont près de 40000 par cancers. Les conduites addictives interviennent ainsi dans environ 30%de la mortalité prématurée (soit avant 65 ans). Le D r Ève Gelsi est gastro-entérologue et médecin référent au sein de l’unité d’hospitalisation d’addictologie au CHU de Nice. L’abstinenceest-elle l’objectif de la prise en charge en addictologie ? Non, pas nécessairement. Parfois, il peut s’agir seulement d’un meilleur contrôle de la prise de produits ou une amélioration de la qualité de vie : reprise du travail… Pour l’alcool,on parle pourtant de tolérance zéro. L’arrêt total de la consommation est plutôt l’objectif d’associations comme les Alcooliques anonymes. Le nôtre est déjà une diminution. Atteignez-vous votre objectif ? Plus de 50% depatients pris en charge atteignent l’objectif fixé, arrêt ou diminution de la consommation. Pour certains, plusieurs tentatives,et des mois de suivipeuvent êtrenécessaires pour arriver à ces résultats. Pour Les femmes seraient de plus en plus nombreuses parmi la patientèle. (Photo Franz Chavaroche) d’autres, quelques semaines suffisent. « L’espoir existe toujours » Dr Ève Gelsi Faut-il toujours passer par la case hospitalisation ? Pasnécessairement. Sont surtout hospitalisés les patients qui présentent, en plus de leur addiction, d’autres pathologies somatiques,psychiatriques ou autres. Les autres patients sont pour la plupart suivis en ambulatoire. Quand plusieurs tentatives ont échoué, doit-on parler d’échec ? Il n’y a pas de fatalité, l’espoir existetoujours. Certaines personnes ont le déclic après 3, 4 ou 5démarches… Avant, ce n’était pas le bon moment, elles n’étaient pas prêtes dans leur vie personnelle,elles vivaient des problèmes familiaux, ou plus simplement, il n’y a pas encore de réelle prise de conscience d’une consommation abusive. Justement, quand peut-on parler d’abus,pour ce qui concerne l’alcool en particulier ? Lesrecommandations sont de ne pas excéder 14 verres par semaine pour une femme,21 pour un homme. Et pas plus de 4verres,par occasion. Les gens qui consomment tous les jours de l’alcool,comme un rituel, s’exposent au risque de déraper un jour. Au-delà des quantités absorbées,la façon de consommer est-elle déterminante ? Tout àfait. Si on s’aperçoit que l’on consomme pour de mauvaises raisons,parce qu’on a des problèmes,que l’on n’a pas le moral, qu’on est seul chez soi… il est intéressant de consulter. Avant d’aboutir àune consommation à problème ou abusive. L’alcool n’est pas un médicament ! Votre patientèle a-t-elle évolué ? On reçoit de plus en plus de femmes,et notamment des catégories socioprofessionnelles (« CSP + »), avec d’importantes responsabilités… Quels risques pour ces femmes qui souffrent d’addiction àl’alcool ? Du fait de fragilités génétiques, les femmes présentent, par rapportaux hommes,unrisque encore supérieur de développer un cancer.Une étude conduite à l’IGR(institut Gustave-Roussy) a montré qu’au-delà d’un verre par jour (soit 10 g d’alcool), il y avait une augmentation nettedu risque de développer un cancer, tous types confondus,et indépendammentdela consommation de tabac. Un mot sur le thaï chi ? Il est un outil très intéressant, au même titre que l’arthérapie,le « photolangage » … En addictologie,interviennent des équipes pluridisciplinaires. Et il est important d’envisager,enplus de la prise en charge classique, médicamenteuse,des approches diverses,le but étant dans tous les cas d’aider les patients à s’exprimer,àprendreconscience de leurs corps,à exprimer des émotions et se relaxer. Nous utilisons ici tous les dons de nos équipes ! PROPOS RECUEILLIS PAR NANCY CATTANncattan@nicematin.fr Unitéd’addictologie D1 de l’hôpital l’Archet II.Tél.04.92.03.94.61 Fax : 04.92.03.94.62. Public accueilli : personnes confrontées àune addiction avec ou sans produit (jeux, troubles alimentaires). Conditions d’admission : hospitalisations (d’une semaine à15 jours)orientées par les CSAPAoumédecins de ville. Pour connaîtreles centres de soins les plus proches de chezvous : http://www.anpaa.asso.fr/adressesutiles « Letaï chipermet aux patients de reprendrecontact avec leur corps,d’améliorer leur estime de soi… » Séance de taï chi, proposée par Delphine Tran (premier plan), aux patients hospitalisés dans le service d’addictologie. (Photos Franck Fernandes) nice-matin Samedi 5décembre 2015 L orsque le Pr Albert Tran, chef du service d’addictologie de l’hôpital l’Archet (Nice), a découvertdans le CV de Delphine Tran, nutritionniste dans ce service, son titre de championne d’Europe de taï chi, il a aussitôt compris que le talent de la jeune femme pouvait participer àenrichir la prise en charge des patients. Quels liens entrecet art martial et l’addiction ? Pour Delphine Tran, la réponse tient en un mot : équilibre. « Les personnes souffrant d’addiction sont souvent très excessives dans leur vie. Or,letaï chi est un art martial qui se pratique lentement, qui permet notamment d’améliorer les postures, la souplesse… Et surtout, dans tous les mouvements, il ya une recherche d’équilibre. Il aide à trouver le juste milieu ! » Basé sur un enchaînement de mouvements fluides, assouplissants, le taï chi développe aussi la conscience du corps, un autre atout majeur : « Généralement, les patients addicts n’aiment pas leur corps et ils ont une très mauvaise estime de soi.Letaï chi permet aux patients de reprendre contact avec leur corps, d’améliorer leur image de soi… », poursuit la jeune femme. Proposées aujourd’hui aux seuls patients hospitalisés (l’unité d’addictologie compte quinze lits), les séances de taï chi devraient bientôt s’ouvrir aux personnes prises en charge en ambulatoire. « Ces séances rencontrent un franc succès. Après avoir quitté l’hôpital, une majorité des personnes initiées au taï chi, décide de poursuivre la pratique de cet art martial en ville », se réjouit Stéphanie Tran. N.C. |