[s’engager] La sortie de votre livre (1) a été boycottée par certains médias. Vous attendiez-vous à ces réactions ? Je ne suis ni surpris ni désarçonné. La tauromachie est un business. Ils défendent leur fric, moi je continue ma route d’écrivain. Et l’on ne boycotte que les écrivains qui font leur métier d’écrivain. Les auteurs inoffensifs n’ont pas de souci avec les censeurs : on les laisse profiter et pulluler. Pourquoi cet assaut contre la corrida ? Parce que j’aime la beauté, la poésie, la solitude, les taureaux, les ours, la neige, le vent, la vie. Et la corrida pue la mort. Il faut en finir avec ce spectacle cruel qui arrache un animal à la paix paradisiaque des prairies et abaisse l’homme. Je suis contre la corrida parce que j’aime le taureau et parce que j’aime l’homme. Avez-vous, à travers la dureté des mots à l’égard du torero, voulu traduire la douleur du taureau ? Absolument ! Et, ce faisant, je n’ai fait que respecter les règles du pamphlet. Pas de pamphlet sans violence, outrance, ni insulte. Insulter signifie « faire assaut contre ». Ce livre est donc une charge contre le torero, Christian Laborde : un poète dans l’arène Parce ce que la protection de l’environnement passe aussi par la défense des animaux, Christian Laborde, dans « Corrida, basta ! », cogne le torero et les aficionados et rend hommage aux majestueux taureaux. Un texte saignant sur un sujet qui l’est tout autant… Propos recueillis par Stéphane Aitaissa tueur en série couvert par l’article 521-1 du code pénal. Vous allez plus loin que la cruauté de la corrida en dévoilant notamment l’origine de ce spectacle… Il y a la cruauté et il y a le cirque. La corrida, c’est le cirque du sang. Rien à voir avec l’Antiquité, la religion antique, comme le prétendent les aficionados. Dans l’Antiquité, on pouvait sacrifier un animal, mais pour s’attirer la clémence des dieux. Où sont les dieux dans la corrida ? Qui est Dieu dans l’arène : les gens assis sur les gradins ? Le divin n’est pas dans l’arène. Dans l’arène, il n’y a que la foule et la foule a toujours soif de lynchage et d’exécution. Que dites-vous à ceux qui pensent que la corrida est un spectacle haut en couleurs respectant une tradition ? Je leur dis que leur spectacle a le goût du sang et que leurs couleurs sont criardes. Je leur dis qu’ils sont vulgaires, ringards, que, sous couvert de tradition, ils s’appliquent à humilier, à torturer et à tuer un animal. Et la mort du taureau plonge la lune dans un chagrin immense. Car le taureau [14] est l’amant de la lune. J’oppose à leurs traditions poussiéreuses, sanglantes, le soleil inondant de la poésie. N’est-ce pas l’affaire des politiques que d’arrêter le massacre ? Oui. Il faudrait que le palais Bourbon supprime l’alinéa 7 de l’article 521-1 du code pénal. Un vrai combat. Il faut saluer ici la persévérance de Muriel Marland- Militello (députée des Alpes-Maritimes,ndlr), qui se bat pour que la loi change. Quel est alors l’avenir de la corrida ? Nous faisons tout pour qu’elle n’ait pas d’avenir. Bientôt les taureaux seront libres, libérés par une jeunesse espagnole qui, si j’en crois un sondage paru dans le quotidien El País tourne le dos à ce spectacle atroce, jeunesse espagnole que ne manquera pas d’imiter la jeunesse française. Quant aux aficionados, qui sont de plus en plus âgés, ils ne vont pas tarder à être atteints par la maladie d’Alzheimer. Oui, les jours de la corrida sont comptés. 1- « Corrida, basta ! », de Christian Laborde, éditions Robert Laffont, 16 euros. L’intégralité de l’interview sur www.neoplanete.fr |