Détente Rien de plus difficile que de décrire ses installations. Pourtant, on s’y sent bien, et sur le champ. Céleste Boursier- Mougenot ne propose pas des œuvres à proprement parler,mais des environnements. Des univers dont le visiteur se fait simultanément le témoin et le participant. C’est, souvent, un volume rempli de matériaux divers –parfois vivants –oùleson et les images sont en partie produits par nos déplacements. Ainsi en va-t-il de From Here To Ear,une création emblématique, évolutive. Il faut imaginer une vaste pièce aux murs immaculés (galerie, institution…), des guitares électriques disposées àl’horizontale et une nuée de mandarins en semiliberté. Les oiseaux, en sautillant sur les cordes, composent une mélodie aléatoire aux riffs éternellement réinventés. Différentes versions ont produit le même effet d’émerveillement àParis en 2008, àNew York plus récemment, àMontréal ces derniers jours. Bientôt, Nashville pourrait accueillir une autreconfiguration. From Here To Ear est un spectacle global et virevoltant qui génère immédiatement une sensation d’apaisement. Que l’on ne vienne pas faire lereproche àl’artiste de quelconques sévices aux animaux. Des rapaces, rappelle-t-il, bordent les voies ferrées sans sourciller lors du passage d’un TGV. Ce week-end, Céleste Boursier- Mougenot apporte sa contribution au festival d’art vidéo Ovni, à Nice, dans le prolongement de sa collaboration avec Stéphanie Marin. Tous deux se sont rencontrés il yadeux ans lors d’une exposition à Arles. La designer,dont on connaît les galets Livingstones, adéveloppé pour lui des blocs de mousse et de latex à l’apparence du béton. Ces Marches, modulables, figurent désormais dans toutes les installations de Céleste Boursier- Mougenot. Qui peut les utiliser dans un désordre calculé, àla façon des éléments d’une digue que l’on jette dans l’eau et qui finissent par se bloquer entreeux. C’était le cas cette année au Palais de Tokyo, àParis, où les visiteurs étaient invités à s’y reposer après la traversée –en barque ! –d’un bassin artificiel de 1200 m².Ilpeut aussi choisir de les agencer en gradins d’un amphithéâtre, ce que l’on a vu, déjà en 2015, dans le pavillon français de la Biennale de Venise où il avait été sélectionné pour représenter notre pays. ÀVenise, Boursier-Mougenot présentait surtout trois arbres se mouvant littéralement au rythme des montées de sève provoquées par l’alternance rapide d’une forte luminosité et d’une quasiobscurité. Expérience non-destructrice, àlaquelle les scientifiques se sont intéressés de près. Dans le nouveau studio de Stéphanie Marin, àNice, l’installation est plus simple, mais très symbolique du travail de Céleste Boursier-Mougenot. Des blocs, donc, où s’alanguir. Et la projection d’un larsen vidéo, avec le son produit par ce signal. Comme le bourdonnement d’un appareil électrique en panne. « Lasubversion n’est pas forcément dissonante », dit-il. Chacune de ses propositions consiste àfaire dela musique. « Je viens du spectacle vivant. Je ne suis pas déceptif. Quel que soit leur niveau d’instruction, j’aime que les visiteurs aient une expérience positive. » Selon une conception rafraîchissante, qui diffère de ce que l’on entend généralement, il observe SAMEDI 16 JANVIER 201130. CASINO DU PALAIS DE LA MÉDITERRANÉE, NICE ENFOS ET RÉSERVAlION5151JDCONCERTS.NET/04 93 45 98 00 & POINTS DE VENTE HABITUS ÀNice, vivrel’expérience CélesteBoursier-Mougenot Rencontre Cet artiste niçois areprésenté la France àladernière Biennale de Venise. Il propose aujourd’hui, puis sur rendez-vous, une nouvelle expérience sensorielle chez la designer Stéphanie Marin L’artistechezStéphanie Marin, dans le cadredufestival Ovni. Avec Enna Chaton, qui présentedans le studio de la designer et àl’hôtel Windsor, ses films autour du corps nu dans les installations de CélesteBoursier-Mougenot. (Photo Franck Fernandes) « Jenesuis pas déceptif.J’aime que les visiteurs aient une expérience positive. » r Corps accord Depuis 2009, Enna Chaton réalise des films d’artvidéo mettant en scène des individus se déplaçant dans l’espacecréé par les installations de CélesteBoursier-Mougenot. Ils sont quelques-uns,ou plus de vingt, et toujours nus. Pourquoi ? « Parce que l’on est différent, quand on est nu. Différentettous pareils,d’une certaine façon. » Parle prisme du mouvement, elle restitue une autrelecture possible du travail de Boursier-Mougenot. Cetteappropriation peut évoquer l’expériencedel’artisteaméricain James Turrell qui, au printemps,invitaitles amateurs àsedénuder pour visiterson exposition àla National Gallery de Canberra (Australie). Lesactions d’Enna Chatonfont partie des nombreuses propositions du festival d’artvidéo Ovni, organisé àNicepar l’hôtel Windsor,etqui rassemble, encorecedimanche,de 14 heures à18heures,quinze lieux, quaranteprogrammateurs et cent vingt films. J Àvoir Installation. Aujourd’hui, dimanche 6décembre, puis sur rendez-vous,dans le nouveau studio Marin, 14 ruelle du Ruisseau, àNice. Accès gratuit. Rens. 04.93.52.89.26 ou www.ovni-festival.fr e le avec étonnement « ladéviance des collectionneurs ». Pour lui, « il faut être fou pour vouloir posséder des objets ».Àl’écartduconsumérisme entretenu par les musées et les galeries (même si Paula Cooper àNew York, ou Renos Xippas àParis, lui sont fidèles), il n’aime rien tant que de « détourner les amateurs de leur itinéraire initial » en les transformant « par le partage ». Encore une fois, rien ne vaut l’expérience, à vivre ce dimanche. FRANCK LECLERC fleclerc@nicematin.fr |