6 Journal Métro Mercredi 12 janvier 2022 FRÉDÉRIC BÉRARD La part du réel Si j’avais un conseil à prodiguer à un ami souhaitant se diriger en politique, ce serait indubitablement celui-ci : sois fin, affable, et comique. Le reste ? Ça va bien aller. Parce que tant l’incompétence que le mensonge, sous le vernis de la bonhomie, seront protégés par le paratonnerre de l’approbation populaire. Celle-ci sera aussi, a contrario, inversement proportionnelle eu égard au politicien froid ou condescendant. Non ? Un test : si Gaétan Barrette avait occupé les mêmes fonctions que le Dr Arruda, avec bilan semblable ? Combien de temps avant que la foule ne réclame sa tête ? Deux mois ? Moins ? Un petit aveu : je n’ai absolument rien contre la personne d’Arruda, mais tout contre ce que je viens de décrire,i.e. l’appréciation à géométrie variable de l’excellence politicienne. Cette dernière, n’en déplaise, se veut au cœur de la déchéance de nos démocraties actuelles, débandade galvanisée par des médias sociaux valorisant la forme sur le fond, le sympathique sur le résultat. Symptomatique, il va sans dire, d’une société à la sauce téléréalité, de l’instantané et de l’influenceur à tout crin. Depuis hier soir, la question revient en boucle : a-t-il fait des trucs bien, Arruda, quand même ? Il serait, bien entendu, de bon aloi de lui trouver quelques bons coups. Le gars, après tout, s’est déchaîné comme une bête pendant 20 mois, le tout au profit espéré du bien commun. Comme j’ai beaucoup trop de défauts pour être en plus menteur, je refuse la tentation, forte, du racolage après coup. Plate à dire, mais mis à part un rôle de lubrifiant social assurant une meilleure adhésion aux mesures, son bilan relève d’un échec parsemé de mensonges ou demi-vérités. Encore ces derniers jours, il patinait afin de nous faire gober l’ingobable, soit la dangerosité des masques N95 et des purificateurs au motif d’un loufoque « faux sentiment de sécurité ». Comme si Xavier-Antonin, assis dans sa classe de primaire, allait se mettre soudainement Non, à la fermeture du comptoir postal sur Monk Laissez-moi vous raconter l’histoire de Madame F. Résidente du quartier, elle tient une boutique d’antiquités sur l’artère commerciale depuis plus de 20 ans. Le p’tit coin de paradis de Madame F. est propice à toute sorte de rencontres, que ce soit avec Monsieur j’passais par là ou M’dame cherche un truc rare. C’est l’endroit idéal pour dénicher un trésor et recevoir un sourire chaleureux. Et puis la pandémie a frappé. Les rencontres aléatoires à la boutique de Madame F. se sont transformées en visites restreintes avec rendez-vous. Mais Madame F. est résiliente, et il n’était pas question de mettre la clé sous la porte. C’est alors qu’elle s’est réinventée pour offrir la vente de ses antiquités en ligne. Maintenant, ce n’était plus seulement Élisabeth au coin de la rue qui pouvait recevoir un ensemble de vaisselle vintage, mais aussi Agniezska quelque part en Russie. Dans les derniers jours, les résidents du quartier ont appris que le comptoir postal situé au sein du Jean Coutu du boulevard Monk à Ville-Émard était appelé à disparaître. Sans ce comptoir postal, Madame F. ne peut pas faire ses envois sans tracas plusieurs fois par semaine. Elle devra se Le rapport de la coroner chargée de faire la lumière sur la débâcle des CHSLD risque, à son tour, d’éclabousser sévèrement l’ex-directeur. à respirer plus fort sachant le purificateur à ses côtés. Et les CHSLD Le rapport de la coroner chargée de faire la lumière sur la débâcle des CHSLD risque, à son tour, d’éclabousser sévèrement l’ex-directeur. Pourquoi ? Parce que les chiffres désastreux parlent déjà, en matière de morts, d’eux-mêmes. Parce qu’Arruda a lui-même admis ne pas avoir suivi les directives de la santé publique du Canada. Idem pour celles de la Dre Liu, laquelle l’implorait de séparer lesdits CHSLD en zones chaudes et froides. Interrogé dans le cadre de l’enquête, celui-ci a dû admettre « ne pas se souvenir » s’il avait, ou non, transmis une directive semblable au réseau. Ajoutons à ce qui précède le relâchement des mesures de novembre, irrépressible envie d’un petit karaoké oblige, alors même qu’Omicron était en déplacer dans un autre quartier. Mais Madame F. n’est pas seulement la brocante du coin ; c’est aussi la maman d’Aicha qui m’explique que c’est le projet de toute une vie de sa mère qui est en péril (un projet qui porte d’ailleurs son nom). Le bureau Postes Canada du boulevard Monk n’est pas seulement essentiel pour Madame F. Ce l’est aussi pour M me Tremblay qui récupère un colis envoyé par ses enfants pour Noël en provenance de la Gaspésie faute de pouvoir venir la visiter cette année. […] Le comptoir postal du boulevard Monk, c’est un service essentiel pour chaque résident.e de Ville-Émard. Petit train de faire flamber l’Occident. Des airs de déjà-vu, non ? Dixit Einstein : la définition de la folie est de répéter le même geste et de s’attendre, candidement, à des résultats distincts. Cette dernière illustration réfère, je crois bien, au fond du problème : l’obsession maladive du gouvernement Legault pour l’électoralisme. Au détriment, trop souvent, de la science. Quelle portion, en fait, de décisions directement issues du bureau d’Arruda ? Pourquoi cette mascarade de conférences de presse conjointes, style larrons en foire, alors que l’ensemble des autres provinces canadiennes, fédéral inclus, y vont plutôt de présentations imperméables ? Quelle indépendance, à vrai dire, de la part d’un directeur combinant simultanément les jobs antinomiques de sous-ministre adjoint et de directeur national de santé publique ? Qui, à vrai dire, est le réel fautif ? Arruda le scientifique ou Horacio le politicien, avalisant l’indéfendable ? Reste à voir si, une fois affranchi des chaînes gênantes de la servitude partisane, le docteur acceptera de livrer sa version des faits. Le cas échéant, de bien mauvais augure pour ceux l’ayant instrumentalisé, fallacieusement d’ailleurs, à titre de paravent scientifique et paratonnerre seyant. M — Frédéric Bérard est docteur en droit. Débats ou grand. Jeune ou moins jeune. Il est impensable de s’en départir ainsi si facilement. Et si vous voulez ajouter votre grain de sel à tout ça dans un élan solidaire, il y a une pétition à signer, scannez le code QR. — Vanessa Laflamme est résidente du quartier et employée sur le boulevard Monk. L’actualité vous fait réagir ? Écrivez-nous ! opinions@journalmetro.com |