8 Journal Métro Mercredi 15 décembre 2021 Débats FRÉDÉRIC BÉRARD Foutre la paix aux musulmans Dear Ms Fatemeh, I really miss you, you were a great teacher ! I like when you read books tous ! I actually think your hijab is awesome !!! Your the best teacher ever !!! From : Elin Wilson grade 3 **** Quelques heures après la publication de ce mot, touchant mais crève-cœur d’injustice, d’une enfant à sa prof déchue, notre traditionnel débat du samedi midi, à Radio Ville-Marie, rappelle le film-fleuve, interminable, en cours depuis la « crise » des accommodements raisonnables. — Faudrait pas oublier que plusieurs musulmanes de l’Algérie ont des griefs sérieux, envers le voile. L’argument, soulevé par mon (gentil, « C’est la loi » Le Rassemblement pour la laïcité (RPL) déplore la récupération médiatique et politique autour du retrait de l’enseignante Fatemeh Anvari d’une école primaire de la Commission scolaire Western Québec, pour nonrespect de la Loi sur la laïcité de l’État. Cette loi a été votée démocratiquement et s’applique sur tout le territoire du Québec. De la même façon que les enseignants ne peuvent afficher leurs préférences politiques par des macarons, ils ne peuvent afficher, pendant leur prestation de travail, leurs préférences religieuses par des signes religieux. C’est la loi. M me Anvari devait choisir entre le respect de la loi et le port d’un allumé et cultivé) contradicteur Lapointe, constitue, en fait, l’une des principales marottes de l’autre clan, celui des ambassadeurs de la défunte Charte des valeurs et de sa bambine, la loi 21. Même servie réchauffée, la référence fait encore sourire, sinon sacrer. Parce que dès lors qu’est soulevé l’acharnement politico-médiatique envers la condition musulmane, lesdits ambassadeurs s’empresseront de répliquer : — La loi 21 n’est pas discriminatoire envers l’islam, elle s’applique à TOU-TES les religions. Fausse assertion : la loi ne s’applique qu’à quelques religions, soit celles afférentes au port d’un signe religieux. T’es membre de l’Église de scientologie ou un raëlien de fin de semaine ? Dors tranquille. On, incluant l’État, ne s’intéresse pas à toi. Plutôt à l’islam. Uniquement et simplement. Qui ici pour prétendre que la genèse de la loi discutée se trouve ailleurs que dans le 11 septembre et ses suites délétères ? Qui pour nier aujourd’hui que la « crise » des accommodements, dont l’existence même fut démentie par Bouchard-Taylor, était essentiellement une chasse à anecdotes ou aux caricatures musulmanes ? Qui a déjà lu une chronique pro-21 portant sur les dangers de la kippa juive, de la croix catho ou du turban sikh ? Un long parcours À l’inverse, par contre, me souviens d’avoir entendu Bernard Drainville, alors ministre Qui a déjà lu une chronique pro-21 portant sur les dangers de la kippa juive, de la croix catho ou du turban sikh ? responsable de la Charte des valeurs, assurer qu’« on a un malaise, au Québec, avec le voile ». Me rappelle aussi avoir entendu son collègue Lisée plaider, de façon péremptoire, qu’« il y a des hijabs partout, ÇA SU-FF-IT ! » Le même collègue qui tweetait, le 7 avril 2014, jour d’élections : « Vous êtes soit avec nous (c.- à-d. le gouvernement Marois), soit avec les intégristes islamistes. » On tient également en souvenir la publicité du Bloc québécois comparant, sans honte, le niqab a un déversement de pétrole, pub retirée depuis. Reste que si l’Humanité s’y trouve encore, nos historiens du futur risquent de se gratter la noix, solidement à part ça, en tentant de saisir l’acharnement québécois : ils nous ont fait quoi, les musulmans, au juste, afin de mériter tel traitement ? Dixit (feu) Pierre Falardeau : « Ce qui me dérange, c’est cette fixation que les gens ont sur l’islam. Je suis allé en Algérie. J’ai des chums sénégalais qui m’ont amené au Sénégal… Ils prient. Ils ne m’ont jamais emmerdé, ne me cassent pas les couilles… Venons pas fous ! […] Moi, les Arabes que signe religieux manifeste pendant sa prestation de travail. Elle a privilégié ses croyances religieuses. De ce fait, elle a elle-même choisi de s’exclure de la profession d’enseignante. L’État a un devoir de neutralité religieuse dans son rapport avec les citoyens. Ce devoir est d’autant plus important à l’école lorsqu’on s’adresse à de jeunes enfants. Il est désolant de constater que certains politiciens et chroniqueurs continuent à semer la confusion en décrivant le hidjab comme un simple « foulard », ou même comme un symbole de liberté. C’est ignorer qu’il s’agit d’une pratique religieuse associée à une mouvance religieuse qui s’oppose farouchement à toute forme de liberté pour les femmes. C’est également ignorer que des citoyens provenant de pays musulmans ne demandent je connais, y sont fins. C’est du monde comme nous autres. » A-t-on, au fait, déjà recensé un cas de prosélytisme dans les écoles de la nation ? Non. Un cas d’abus de pouvoir par un policier, gardien de prison ou juge ? Non plus. Un acte terroriste impliquant des musulmans ? Un seul : Alexandre Bissonnette. De quoi s’étouffer d’ironie. Ce que l’on sait ou (plutôt) devrait savoir, par contre, est ceci : Que les musulmans sont les premières victimes, loin devant, des barbares sanguinaires de l’État islamique. Que selon les études du professeur Thomas Dee, les élèves de profs issus de minorités sont bénéficiaires de gains psychoéducatifs. Que selon celles du professeur Paul Eid, importer ici les traumatismes étrangers est malvenu, la situation québécoise étant distincte quant aux motifs, libres et volontaires, du port du voile. Qu’il y a plus de 300 façons de pratiquer l’islam et qu’il serait grotesque, par conséquent, de prétendre au bloc monolithique. *** Je ne connais pas Elin Wilson, enfant de huit ans. Mais son message, candide et puissant, l’envoie dans la poire de trop d’adultes hargneux, méfiants ou fomenteurs de haine. La poire du respect, de l’amour et de l’humanisme. Thank you, Elin. M — Frédéric Bérard est docteur en droit. qu’à s’intégrer et à envoyer leurs enfants dans des écoles exemptes de pressions religieuses. Les signes sont porteurs de messages et de sens et M me Anvari le reconnaît. Or l’école n’est pas le lieu de transmission de messages religieux, que ce soit à travers un enseignement ou à travers un affichage religieux. C’est plutôt un lieu où le respect de la liberté de conscience des enfants prime. — Nadia El-Mabrouk et Claude Kamal Codsi, pour le Rassemblement pour la laïcité (RPL) L’actualité vous fait réagir ? Écrivez-nous ! opinions@journalmetro.com |