12 Journal Métro Mercredi 1- décembre 2021 Pourquoi tout le monde quitte soudainement son emploi ? Début 2021, alors que l'économie reprenait tranquillement de la vigueur après une pause forcée, des millions d'Américains ont quitté leur travail. Le phénomène a alors été nommé la Grande Démission (The Great Resignation) et a depuis traversé la frontière. Au Canada, le nombre de départs a augmenté de 20% en 2020-2021 par rapport à l'année 2019, selon le Guide salarial 2022 de Robert Half. Et la tempête n'est pas près de s'essouffler. Selon les données du Centre canadien pour la mission de l'entreprise, 42% des Canadiens sont présentement en recherche d'emploi. Les priorités changent Marie-Hélène Chèvrefils, présidente et consultante principale chez Evô conseils, cabinet-conseil en ressources humaines, explique qu'il y a toujours eu un roulement de la main-d'oeuvre. Or, avec la pandémie et l'incertitude en découlant, cette rotation « normale » de personnel a été retardée. « Maintenant que l'économie va mieux, les gens peuvent mettre leur plan à exécution et quitter leur emploi. » La crise sanitaire a aussi été une période de remise en question. Isolés, les Des départs professionnels massifs sont présentement enregistrés au Québec, principalement du côté des millénariaux. Et ce n'est pas pour se pogner le beigne à la maison, mais plutôt pour tenter de trouver un sens à sa vie. Explication. millénariaux ont eu plus de temps pour réfléchir au sens de leur vie. Les gens se tournent vers des trucs plus concrets, plus créatifs ou plus manuels, témoigne Caroline Jost, cofondatrice de la boîte de coaching en ressources humaines iNNERSHiP. Certains sont retournés aux études, d'autres ont décidé de cumuler divers emplois à temps partiel pour cultiver leurs différentes passions. Selon un sondage mené dans le cadre du projet « Travaillons ensemble » du Regroupement des jeunes chambres de commerce du Québec, 43% de la relève d'affaires considère le bien-être ainsi que la santé mentale et physique comme LA valeur d'entreprise la plus importante. Et si l'entreprise n'accorde pas assez d'importance aux valeurs organisationnelles auxquelles ils adhèrent, 60% des répondants ont affirmé être prêts à démissionner. Un contexte avantageux Marie-Hélène Chèvrefils croit que le sentiment d'appartenance des employés à leur organisation s'est amoindri en raison notamment du télétravail. C'est désormais plus facile pour eux de quitter leur emploi. Le contexte économique est également facilitant pour les employés. VEINAGE Violaine Tétreault, Chez Veinage, botaniste et horticultrice, puis ébéniste, maroquinière et designer lance à l'automne 2010 sa marque d'accessoires de mode éco-responsable Veinage. Chaque création est faite à la main au Québec en petites séries à partir de matériaux nouveaux et récupérés (tissu, bois, cuir) 2177 rue Masson suite #203, Montréal Achetez en ligne www.veinage.ca\y -.. VEINAGE\yyl +IP I Jules Couturier jcouturier@journalmetro.com « La pénurie de main-d'oeuvre actuelle inverse le rapport de force. C'est maintenant les travailleurs plutôt que les employeurs qui ont le gros bout du bâton », indique Mme Chèvrefils. Cette pénurie de main-d'oeuvre est causée par les départs massifs à la retraite, le faible taux de natalité au Québec et le ralentissement de l'immigration découlant du contexte pandémique. Elle-même une millénariale, Caroline Jost indique que, dans certains domaines, la COVID-19 a créé plus de possibilités de travailler notamment pour des compagnies américaines offrant un salaire en dollars américains ainsi que la possibilité de rester à la maison. Un couteau à double tranchant Mais quelles seront les répercussions de ce phénomène ? L'experte en ressources humaines, Marjorie Desriac, y voit du positif. « La pression monte sur l'employeur qui doit investir dans ses responsabilités, dit-elle. Ça va accélérer l'avènement 80 D'après un sondage du Regroupement des jeunes chambres de commerce du Québec, 80% des millénariaux entendraient prioriser leur vie personnelle plutôt que leur carrière. de cultures d'entreprises bienveillantes. » Marie-Hélène Chèvrefils est du même avis : « Il faut revenir à la base : la proximité. Il faut être à l'écoute de ses employés. » Par contre, il n'y a pas que du beau qui en ressort. « La pression pour améliorer les conditions de travail engendre des coûts qui peuvent décourager des entrepreneurs. Pour les employés qui restent, c'est plus de pression sur leurs épaules, car la charge de travail, elle, ne diminue pas. » Si les entreprises ne s'adaptent pas rapidement, le phénomène risque de prendre encore plus d'ampleur. M Photo : iStock |