métr 1171/Ut journa1metro.com Mardi 7 septembre 2021 4 PERSPECTIVE L'enseignement à distancel une catastrophe pour les cegepiens Étude. En raison de la pandémie, les étudiants au collégial ont dû s'adapter aux cours à distance. Dans un texte du média La Conversation, la doctorante en neuropsychologie clinique à l'Université de Montréal, Émilie Delage, explique que la dernière année et demie d'enseignement à distance pourrait avoir des effets négatifs à long terme. FRANÇOIS LEMIEUX fiemieux@metromedia.ca Elle juge pertinent d'évaluer la motivation et la satisfaction des étudiants. En collaboration avec sa collègue Tania Tremblay, Ph.D. en neuropsychologie et chercheure-enseignante en psychologie au collégial, Mme Delage a réalisé au cours des derniers mois une étude pilote. Le but était d'enquêter sur les attitudes et les perceptions des étudiants par rapport aux cours en ligne. Dre Tremblay a sondé plus de 70 étudiants en sciences humaines âgés de 17 à 22 ans. Ceux-ci avaient reçu, à la session d'hiver 2021, des cours en présentiel et à distance. Ils étaient en moyenne à leur troisième session de cégep et suivaient une moyenne de quatre cours à distance de nature synchrone ou asynchrone ainsi que deux cours en présentiel. Devant des écrans On sait déjà que la surexposition aux écrans a des I Une enquête réalisée auprès de cégépiens révèle que l'enseignement en ligne qu'ils ont subi pendant un an et demi a eu de nombreuses conséquences négatives. OSTILL/123RF conséquences néfastes sur la santé physique et mentale, rappelle Mme Delage. En raison des cours virtuels, le temps que les étudiants passent devant un écran a explosé. Les étudiants sondés pour l'étude pilote passent en moyenne près de six heures devant leur écran chaque jour pour suivre des cours ou effectuer leurs travaux. Cela s'ajoute à près de cinq heures par jour passées à se divertir. C'est donc presque 70% de leur journée qui est passée en ligne, si on considère que les adolescents devraient dormir environ huit heures chaque nuit. Sédentarité, inattention et hyperactivité Si les jeunes étaient déjà moins actifs depuis le début de la pandémie, le temps d'écran accroitrait leur sédentarité. Celle-ci serait d'ailleurs liée à des problèmes de santé physique (maladies cardiovasculaires, diabète, hypertension) et psychologique (altération de l'humeur, hausse de la sensation de fatigue et de douleur). Toujours selon Mme Delage, l'exposition prolongée serait inhérente à des manifestations d'inattention et d'hyperactivité, à des symptômes dépressifs et anxieux ainsi qu'à une moins bonne efficacité des fonctions cognitives importantes pour la réussite académique, comme la mémoire de travail et les aptitudes d'organisation. « N'oublions pas les effets néfastes de la lumière bleue, particulièrement sur les yeux (hausse des risques de myopie) et sur le sommeil (affectant le nombre d'heures et la qualité de celui-ci) si l'exposition à la lumière bleue se fait en soirée. Et l'exposition prolongée aux écrans est associée à un niveau de bien-être plus faible des enfants et adolescents », affirme Mme Delage. Quelque 40% des étudiants La rentrée scolaire se fait majoritairement en personne, dans les cégeps. Mais les séquelles d'une année et demie de cours à distance se fera sentir longtemps. sondés auraient d'ailleurs vu leur niveau de détresse psychologique augmenter depuis la dernière session. Motivation à la baisse L'enseignement en ligne causerait serait également une baisse de la motivation scolaire. Une proportion importante d'entre eux, soit 68%, serait moins motivée à assister à leurs cours en ligne. L'étude révèle également que la motivation de poursuivre le parcours cégépien serait « nettement inférieure » si les prochaines sessions se donneraient uniquement à distance. Les besoins de compétence, d'autonomie et d'affiliation sociale, qui seraient largement sous-stimulés par l'enseignement virtuel, se trouveraient à la base de la motivation soutient Mme Delage. Si les étudiants doivent faire preuve de plus d'autonomie à distance, leur sentiment de compétence serait affecté négativement puisqu'ils obtiendraient moins de rétroactions, d'opportunités pour poser des questions et de ressources d'aide pédagogique. Leur besoin de socialisation serait également irrassasié, privés qu'ils sont d'interactions sociales véritables. Manque de concentration L'enseignement en ligne entraînerait également un nouveau défi cognitif : celui de demeurer concentré. Quelque 84% des étudiants de l'étude affirment être moins concentrés lors des cours en ligne. Ce ne sont pas tous les étudiants qui disposeraient d'un environnement calme et propice à l'enseignement. Et l'ensemble d'entre eux aurait accès à plus de distractions. Une proportion de 54% des étudiants sondés rapporterait aussi plus de fatigue, notamment la « fatigue zoom ». L'épuisement ressenti lors du travail en ligne s'expliquerait selon Mme Delage par l'adaptation du corps (yeux qui s'ajustent à la lumière bleue intense, position parfois inconfortable, sans chaise ni bureau ergonomiques), le manque de repères sociaux et communicationnels (peu d'indices non verbaux des interlocuteurs, délai de réponse parfois dérangeant) ainsi qu'aux distractions dans l'environnement personnel. Cette fatigue amènerait la majorité des étudiants (71%) à délaisser la prise de note, une habitude essentielle à la consolidation des informations données en classe. Cette consolidation on the spot serait « centrale » pour mieux comprendre la matière enseignée. Peu importe le mécanisme liant la motivation, la concentration et la fatigue, le résultat sur l'apprentissage serait « catastrophique », explique M Delage. « La majorité des étudiants (64%) rapporte en effet moins apprendre lorsque le cours est en ligne. Ils rapportent que les apprentissages sont plus théoriques, et moins axés sur la pratique. Il n'y a pas de manipulation de matériel, de laboratoire, d'échanges de vive voix », précise-t-elle. En outre, le manque de manipulation « réelle » de la matière rendrait l'apprentissage moins efficace. « Selon le concept de « cognition incarnée », l'apprentissage n'implique pas seulement la tête, mais aussi |