métr11 É.Lt journalmetro.com Mercredi 27 janvier 2021 4 PERSPECTIVE Un virage qui sème l’inquiétude Itinérance. La décision de l’Accueil Bonneau d’abolir des postes d’intervenants spécialisés tout en embauchant des agents de sécurité soulève l’inquiétude, tant du côté des bénéficiaires que du syndicat des employés. Doit-on craindre une dérive sécuritaire dans le traitement des itinérants ? ZACHARIE GOUDREAULT zgoudreault@journalmetro.com La semaine dernière, 11 intervenants spécialisés en itinérance apprennent que leur poste est aboli. Du nombre, six employés permanents œuvraient au centre de jour de l’Accueil Bonneau et cinq autres occupaient un poste temporaire à la halte-chaleur située sur le Grand Quai, dans le Vieux-Port de Montréal. En parallèle, l’Accueil Bonneau a ajouté des effectifs à la halte-chaleur du Vieux-Port, qui a ouvert ses portes en novembre, des surveillants employés par Garda World. Ils étaient d’ailleurs plusieurs à circuler régulièrement autour du bâtiment et à Joe « Tex » fréquente l’Accueil Bonneau et il déplore le départ des intervenants./ZACHARIE GOUDREAULT surveiller l’entrée de celui-ci lors du passage de Métro, il y a quelques jours. Ces agents de sécurité s’occupent de faire respecter les règles sanitaires sur le site. Grande perte pour les itinérants Chaque matin, de nombreux sans-abris montent dans une navette qui les dirige vers cette halte-chaleur, d’une capacité de 300 personnes, où ils peuvent notamment se reposer et manger. Plusieurs avaient aussi pris l’habitude de s’y rendre pour se confier aux quelques intervenants qui étaient toujours prêts à les écouter et à les soutenir. C’est donc avec consternation que plusieurs itinérants rencontrés sur place ont constaté le départ de ces employés dans les derniers jours. « Ce sont des hommes et des femmes qui passaient leurs journées à écouter les gens. Ils faisaient juste les écouter. […] Il y a beaucoup de personnes qui ont besoin de ça, ici », évoque Joe « Tex », qui a sombré dans l’itinérance en février dernier dont la situation financière a été aggravée par la pandémie. Depuis plusieurs semaines, il séjourne dans le refuge d’urgence mis en place à l’Hôtel Place Dupuis, au centre-ville de Montréal, et se rend régulièrement à la halte-chaleur du Vieux-Port. Santé mentale Alors que plusieurs itinérants souffrent de problèmes de IMF VOTRE COMMERCE EN LIGNE A BONDI ? BESOIN D’UN SERVICE DE LIVRAISON ? TransMet est un pionnier de l’industrie du transport dans le Grand Montréal depuis plus de 30 ans. « Un gardien Garda pour servir les sans-abris, ce n’est pas comme un intervenant terrain. » Jeff Begley, président de la Fédération de la santé et des services sociaux de la CSN santé mentale ou de toxicomanie, la présence d’intervenants dans la plus grande halte-chaleur de la métropole est primordiale, selon lui. Les employés mis à pied savaient « calmer » les personnes en crise, contrairement aux agents de sécurité, constate le sans-abri. « Il y en a qui se prennent pour des policiers, avec leur marche, leur regard et leur ton de voix. Ça ne nous rassure pas. Les intervenants, ils savent comment nous parler. Ils sont gentils, ils nous sourient. Souvent, il y a des gens qui s’énervent pour rien, mais les intervenants, ils savent comment leur parler », souligne également Achraf, qui vit dans la rue depuis 18 ans. Dans les derniers jours, il affirme avoir constaté un changement drastique dans « l’atmosphère » à la halte-chaleur du Vieux-Port. Elle serait beaucoup plus tendue maintenant. « Un agent de sécurité, il va provoquer plus, et c’est là que la chicane pogne », soulève l’homme d’origine arabe. Ce dernier craint aussi que des itinérants subissent du « profilage » des agents de sécurité présents sur le site, comme c’est le cas avec la police de Montréal. Le syndicat consterné Le syndicat local qui représente les intervenants mis à pied affirme avoir été informé des coupures le même jour de leur annonce, ce qui va « à l’encontre de la convention collective ». Les raisons fournies par l’employeur pour justifier ces mises à pied seraient d’ailleurs nébuleuses. Au Réseau d’aide aux personnes seules et itinérantes de Montréal (RAPSIM), on craint que le virage pris par l’Accueil Bonneau, en faveur de plus d’agents de sécurité, ne soit pas un cas isolé. « Il y a une grande dérive actuellement dans la manière dont on traite les personnes en situation d’itinérance […] L’approche de l’Accueil Bonneau s’approche du modèle carcéral et s’éloigne des principes de dignité dont on s’est doté dans la politique nationale de lutte à l’itinérance », déplore la directrice du RAPSIM, Annie Savage. Selon la direction de l’Accueil Bonneau, les principaux services offerts par l’organisme ne nécessitent pas un travail d’intervention. Elle affirme que certains des intervenants pourraient être réaffectés, s’ils le souhaitent. 1Transillet Solutions de livraison DEMANDEZ UNE SOUMISSION MAINTENANT 514 447-4100 poste 227 jseymour@transmet.ca |