métr L’EXCENTRIS : SILENCE, ON FERME... CHRONIQUE SYLVAIN MÉNARD ANIMATEUR AU 98,5 L’éclairage a été tamisé pour de bon dans les salles de l’Excentris. Pour ceux et celles qui désiraient garder un lien sur grand écran avec le cinéma d’auteur d’ici et d’ailleurs, la perte est cruelle. Depuis l’annonce de cette fermeture, les analyses fusent et je vais laisser aux experts en la matière le soin d’expliquer le contexte qui prévaut dans le milieu de la distribution de films. Sauf que, si vous le permettez, j’ajouterais qu’il n’y a pas que cela qui a cloché dans ce dossier au destin tordu. Mon gros problème avec Reflets métr tC)) journalmetro.com mardi 1 décembre 2015 Une feuille s’est collée à une fenêtre illuminée de lumières de Noël, hier, à Salina, au Kansas./TOM DORSEY/SALINA JOURNAL/AP l’Excentris, c’est qu’entre sa conception et sa triste fin, j’ai vainement attendu la concrétisation du rêve annoncé. La proposition de base, on s’en souvient tous, était plus que séduisante et ses trois salles – indiscutablement les meilleures en ville – seront éternellement chéries. Toutefois, pour ce qui devait devenir un incontournable centre de création bourdonnant d’activité, désolé de saboter ce moment de tendresse obligée alors que le cadavre est encore tiède, mais le constat sera sec : l’Excentris n’a pas livré la marchandise. Ouvert il y a une quinzaine d’années, l’Excentris était le monument tangible de la réussite en affaires de son fondateur Daniel Langlois. Un lieu construit sans l’aide de l’État. Une exception. Le voir être devenu, depuis, une autre insatiable pompe à financement public ne faisait aucun sens par rapport à sa mission originale, qui devait faire la preuve par mille que la culture pouvait et allait s’auto-suffire. Au final, on aura prouvé exactement le contraire. Et rien ne pouvait laisser croire qu’un jour, il en serait autrement. Il y a aussi l’implacable facteur de l’air du temps qui continue de faire des ravages. Ça compte, particulièrement dans ce cas-ci. Ce segment de la rue Saint-Laurent n’en finit plus de crever. De « très hot » dans les années 1990, il est passé à « zone sinistrée » 20 ans plus tard. Vous irez le Courrier des lecteurs Tricoter l’hospitalité Attentes déçues Mon gros problème avec l’Excentris, c’est qu’entre sa conception et sa triste fin, j’ai vainement attendu la concrétisation du rêve annoncé. Depuis deux semaines, à coup d’images, de reportages et de sondages, les médias entretiennent un climat de peur chez une large part de la population québécoise. De (trop) nombreux commentateurs et chroniqueurs alimentent cette rhétorique et en profitent pour se mettre en valeur. Les médias sociaux s’enflamment avec des opinions à l’emporte-pièce sur les réfugiés, les terroristes, les musulmans, etc. Et tout ce bavardage – qui bien souvent tourne au délire – est récupéré par une droite nationaliste, islamophobe ou conservatrice qui sévit dans l’espace public québécois et ne manque jamais une occasion de recycler ses ritournelles. Devant ces amalgames et ces discours de peur et de « choc des civilisations », que faire ? Des femmes (faut-il s’en étonner ?) ont compris que l’essentiel est ailleurs. Qu’il faut faire face au réel en abandonnant les discours abstraits sur la « sécurité », en sortant de la complaisance dans « l’opinion » et en mettant fin à la confrontation idéologique à coups de stupides pétitions « pour » ou « contre » les réfugiés. Qu’ont fait ces femmes ? Elles ont commencé à tricoter des tuques ! Sur le site 25 000 tuques, on peut lire : « L’idée est de fabriquer une tuque pour la remettre à un réfugié avec un petit mot d’accueil personnalisé glissé à l’intérieur par la tricoteuse ou le tricoteur. Un cadeau de bienvenue, de personne à personne. » À partir de Montréal, le mouvement s’est répandu ailleurs au Québec – notamment à un groupe Facebook à Victoriaville. constater par vous-même. Le monde change, les villes n’y échappent pas et les institutions, réelles ou annoncées peuvent elles aussi s’effondrer. Dans un ordre d’idées similaire, même le Spectrum – temple unanimement regretté s’il en est un – ne tiendrait probablement pas le coup dans le marché actuel. C’est tout dire... Ajoutez à cela que « l’expérience client » (ils disent ça dans les écoles de marketing...) n’a jamais été particulièrement vibrante en ces lieux. Pas pour moi en tout cas. Aussi bien l’avouer, j’ai toujours trouvé la place sans âme et frette comme le stainless de ses bécosses. Était-ce à cause de la programmation plus pointue ? De l’architecture néo-austère du bâtiment ? Peut-être même qu’au fond, je ne me suis jamais vraiment remis de l‘époque où on devait acheter ses billets en parlant à des hublots... En franchissant les portes de l’Excentris, j’ai toujours ressenti ce léger coup de vent qui m’empêchait de devenir un addict de la formule. J’étais pourtant libre et bien disposé à le devenir. Aujourd’hui, si je pleure la disparition de trois autres écrans au centre-ville de Montréal ainsi que la perte d’une trentaine de jobs, je pleure surtout ce rendezvous manqué sur lequel nous avions tant misé. Une séance de tricotage pour les 25 000 tuques destinées aux réfugiés s’est tenue hier, au Rose Café, dans Rosemont./JOSIE DESMARAIS/MÉTRO Comment sortir de la rhétorique de peur, de la psychose sécuritaire et de l’escalade de la méfiance ? En s’occupant de ce qu’il y a de plus concret : prendre soin du corps de l’autre, de son prochain. Tricoter une tuque, pour commencer déjà à tricoter des liens avec celles et ceux qui s’en viennent. Pour que l’autre, qui arrivera bientôt, puisse bien sûr se tenir au chaud mais, surtout, ressentir la chaleur humaine de l’accueil et de l’hospitalité. Pendant que plusieurs ergotent et déblatèrent du haut de leur tribune, prenant leur « beaux discours » pour Volume : 15 Numéro : 191 À Montréal, Métro est publié par Médias Transcontinental S.E.N.C. 1100, boul. René-Lévesque Ouest, 24e étage, Montréal H3B 4X9 Tél. : 514 286-1066 Téléc. : 514 286-9310 Imprimé par Imprimeries Transcontinental, 12 300 boul. Métropolitain est, Pointe-aux-Trembles Distribué par Metropolitan Media Services Éditeur : Nicolas Faucher Éditeur adjoint : Yves Bédard Directrice générale des ventes : Carole Dallaire Contrôleuse : Marie-Noëlle Bouchard Rédacteur en chef : Yannick Pinel Directrice de l’information : Rachelle McDuff Directrice du marketing : Laure Barnouin Directeurs stratégie média : Nathalie Godin, Laurent Grenier-Labrecque et Martin Déziel Directrice de la distribution : Danielle Tessier Chef de pupitre : Baptiste Barbe Équipe de rédaction Actualité en soirée : Maxime Huard, Marie-Lise Rousseau, Josie Desmarais Journaliste-pupitreur Monde : Sébastien Tanguay Vous avez une opinion à nous faire parvenir ? opinions@journalmetro.com Vous voulez annoncer dans nos pages ? publicite@journalmetro.com Vous avez une nouvelle à nous faire parvenir ? info@journalmetro.com. ISSN 1716-9895 Exclusif Sur le web L’amour au temps du numérique L’amour au temps du numérique, un documentaire de Sophie Lambert suit six jeunes de 18 à 24 ans et tente de comprendre de quelle manière la conception de l’amour a changé. Lorsque j’étais au primaire, nous glissions un petit papier dans la case de notre prétendant avec une question claire : Veux-tu sortir avec moi ? Les applications comme Tinder sont également sans équivoque : il suffit de glisser la photo de la personne vers la gauche si elle ne vous intéresse pas et de la glisser vers la droite si elle vous plaît. LES NOTIFICATIONS DE @MARIKAMTL PAR MARIKA LAFOREST SUR JOURNALMETRO.COM 18 une finalité, des Québécoises passent aux actes. Elles tricotent le lien social et le vivre-ensemble d’aujourd’hui et de demain. Elles posent un geste concret, très humble, d’apparence dérisoire et pourtant essentiel : s’occuper de la vie réelle, prendre soin des personnes dans le besoin et, ainsi, construire le corps social. Il n’y a pas d’autre base possible à la coexistence dans nos sociétés pluralistes et dans notre monde troublé. Ces tricoteuses de la solidarité font l’honneur du Québec ! En ces temps sombres, elles redonnent un peu espoir en l’humanité. Et, à mes yeux, elles redonnent une actualité nouvelle à ce passage d’un vieux livre au fondement de la culture québécoise, mais pourtant issu du Proche-Orient : « J’étais un étranger, et vous m’avez accueilli ; j’étais nu, et vous m’avez vêtu. » (Matthieu 25, 35-36) MARCO VEILLEUX L’actualité vous fait réagir ? Écrivez-nous ! opinions@ journalmetro.com MIXTE O Papier Issu de sources responsables FSC wowee.e. FSC. CO11825 |