74 Maze Novembre 2015 Littérature Fitz O’Brien le Poe celtique Sur l’étagère des auteurs méconnus se dresse la tranche d’un livre jauni interrogeant l’oeil du passant avec son titre intriguant : Qu’était-ce ?. Recueil de nouvelles de l’irlandais Fitz James O’Brien, il conte des histoires fantasmagoriques aussi terrifiantes qu’envoûtantes, histoires qui ont donné le surnom mérité du Poe celtique à son auteur. Qui était Fitz James O’Brien ? Né en 1828 à Cork, O’Brien fit des études de journalisme à Dublin avant d’oeuvrer à Londres, puis entreprit de créer son propre magazine littéraire à 21 ans, nommé The Parlour Magazine of the Literature of All Nations, après avoir perçu un héritage familial conséquent. Hélas, l’affaire périclite assez rapidement et Fitz se retrouve sans le sou. C’est à ce moment-ci qu’il décide de quitter l’Irlande pour s’expatrier à New-York, l’un des principaux centres névralgiques littéraires d’alors. Commence dans ce nouveau monde une vie de bohème favorisée par sa rencontre avec le journaliste et éditeur Henri Clapp, surnommé The King of Bohemian dont il devient l’un des favoris. De fait, Fitz fréquente et s’épanouit dans les milieux jugés révolutionnaires comme le Charles Pfaff’s beer cellar, traduisez en français « la cave à bière de Charles Pfaff », qui était connue pour être le berceau des bohémiens du village de Greenwich. Fitz y fera toutes sortes de rencontres, allant de celles littéraires à celles scientifiques -le nom de l’endroit Pfaff étant lui-même un clin d’oeil à un célèbre mathématicien de l’époque- ce qui ne manquera pas d’influer sur les textes qu’il publie pendant neuf ans dans le magazine culturel, littéraire et politique nommé le Harper’s new monthly magazine. Ses contributions à ce papier sont de l’ordre de 31 nouvelles et de 32 poèmes. A noter qu’en parallèle, O’Brien écrit de même régulièrement pour de nombreux papiers, publiés ou non, dont l’Atlantic Monthly ou bien le Saturday Press dirigé par son ami Clappet se voulant être une réponse au Monthly magazine. Un auteur fortement engagé Tout à cette frénésie littéraire, Fitz le bagarreur -il est en effet dit de lui qu’il n’hésitait pas à en venir aux poings lors des débats de lettres mouvementésse sentit tellement impliqué dans la vie de cette Amérique en plein bouleversement, qu’il décida de s’engager dans la guerre de Sécession dès que le soulèvement civil intervint en 1861. Souhaitant être envoyé au front, il se retrouve néanmoins à un poste de recruteur et tout en accomplissant avec distinction son devoir, il profite de cette place relativement sûre pour écrire des vers patriotiques, ce qui lui vaudra d’être récompensé pour sa bravoure en 1862. Ironie du sort, c’est lors d’un déplacement vers un champ de bataille qu’il se fait tirer dessus par un soldat confédéré quelques jours après sa distinction. Fait étrange, cette blessure avait été prédite par O’Brien lui-même comme en témoigne l’une des lettres d’Albert R. Waud, l’un de ses compagnons d’armes, à William Winter, le biographe non-officiel du cercle Claff, relatant ce que lui aurait confié une nuit le Poe Celtique : « One night I rode with him to the camp [...], where the evening passed pleasantly [...]. Some one sang the song, from ‘Don Caesar de Bazan,’then ‘Let me like a soldier die.’Next morning he (O’Brien) started, to join the General (Lander) at Harper’s Ferry. As we rode he kept repeating the words of the song ; said he appreciated it the more, as he had a presentiment |