40 Maze Novembre 2015 Art La douce reproductibilité de « Seul celui qui connait le désir » Ragnar Kjartansson au Palais de Tokyo L’artiste islandais Ragnar Kjartansson est accueilli pour la première fois en France au Palais de Tokyo pour présenter son exposition « Seul celui qui connaît le désir ». Tout en prenant une distance ironique sur son travail il se met en scène afin de déployer le motif de la répétition qui lui permet de questionner le monde occidental qu’il regarde de sa tour d’ivoire d’artiste islandais. Qu’est ce que l’art contemporain ? Est-ce encore de l’art ? Pratique élitiste créant une fracture socio-culturelle ? Tentons avec le projet de Ragnar Kjartansson de tirer le portrait à l’art contemporain. Dès 1955 les enjeux de l’art contemporain sont posés par Walter Benjamin qui voit dans L’œuvre d’art à l’époque de sa reproductibilité technique, l’avènement d’une nouvelle ère d’art manufacturé et reproductible pour la masse, tendu vers la déperdition de l’aura mystique de l’art où le mode de production l’emporte sur le produit. Cette reproductibilité bouleverse le rapport, la relation entre le spectateur et l’artiste. Du spectateur naît une incompréhension car il ne s’est jamais senti aussi proche de l’artiste, donnant ainsi naissance au rire ou au commentaire universel : « Ah ça j’aurais pu le faire ». Aussi, l’influence de l’artiste est décuplée (d’autant plus avec internet) ce qui favorise le développement d’un art socio-politique. Alors où se place Ragnar Kjartansson dans ce monde de l’art contemporain ? S’il ne travaille pas la reproductibilité de l’art à proprement parler comme le Pop Art, il s’intéresse néanmoins à la répétition qu’il va déployer de diverses façons ; plus que la répétition c’est l’adaptation offrant une infime marge de changement qui l’intéresse. Ce changement que l’on va chercher tout au long de l’exposition. Le titre « Seul celui qui connaît le désir » provient de l’adaptation de Sinatra d’un texte de Goethe sur une musique de Tchaïkovski, dans lequel il inverse le désir et la solitude. Voilà, tout est là. Une infime erreur sur un disque qui tourne indéfiniment. Ce qui, dans un certain cas révèle l’absurdité d’un monde occidental répétitif et universel comme dans Scenes from |