Ci-contre : le chef Mingoo Kang, du restaurant Mingles (une étoile Michelin), dans le quartier de Gangnam, est l'un des chefs de file de la nouvelle cuisine coréenne. L'un de ses plats. 112/AIR FRANCE MADAME « < pas "coréen". Pourtant, le chef jure n'avoir rien inventé. "Je n'ai pas cherché à ressusciter cette cuisine mais plutôt à exprimer ma voix autour de ce qui la définit le mieux : la richesse et la qualité de ses ingrédients, et la prise en compte des saisons." Humilité de la part de celui qui joue avec la complexité des techniques de fermentation, de cuisson et d'assaisonnement, sans parler de l'art de couper les aliments, un chapitre qui pourrait occuper une bibliothèque entière si l'on en croit les spécialistes. Il faut attendre 2016 et l'arrivée du Michelin à Séoul pour observer une métamorphose de la scène culinaire locale. Les esprits créatifs s'emparent enfin d'un potentiel trop longtemps resté à l'intérieur des frontières. "Jusque-là, la gastronomie était réservée aux cuisines françaises et italiennes", reconnaît Mingoo Kang. Femme d'exception à la tête de Gaon Society et propriétaire des restaurants Bicena et Gaon (l'une des deux seules tables avec trois étoiles Michelin à Séoul), Lucia Cho confirme : "Nous avons concentré une telle énergie à notre croissance rapide que nous avons oublié d'exprimer les choses à notre manière. Les Coréens sont très bons pour s'adapter au monde, mais je m'efforce d'inciter les chefs à sonder l'intérieur d'eux-mêmes et à affiner les raisons de leur motivation, pourquoi ils créent et dans quoi ils excellent. La seule manière de progresser est de prendre le temps de mieux se connaître." Le chef Kim Byun-jin, l'un des grands papes de la cuisine traditionnelle coréenne, à la tête des fourneaux de Gaon, apporte une dimension spirituelle inégalée dans ses préparations aux rituels soigneusement rodés. "La nourriture est un instrument visant à connecter la nature et les hommes, affirme-t-il. Ma passion vient de mon désir de comprendre ce qui peut rendre les gens heureux." Un bonheur lié également à l'apport médicinal des aliments, que l'on retrouve dans l'abondance d'herbes, épices et autres produits de la pharmacopée locale. Comme d'autres Coréens éduqués à l'étranger, Lucia Cho se sent investie d'une mission. "Maintenant que la vague K (de K-pop, la musique pop sud-coréenne,ndlr) a suscité la curiosité dans le monde, nous avons chacun la responsabilité de définir notre vision pour l'avenir. Que veut-on changer ? Comment rendre Séoul plus attractive aux yeux des étrangers mais aussi des Coréens ? " Ils sont nombreux à apporter leur contribution à cette tâche, qui inaugure une réinvention permanente de Séoul, bien plus subtile que le simple mariage des traditions et du moderne. |