C UL TURE P O RT RA IT « Une vie de kayakiste » Un polar dans le Grand Ouest américain, aux basques d’une détective pas comme les autres. Un roman à la fois haletant et contemplatif. Rencontre avec Peter Heller. Par Isabelle Potel D’ENTRÉE, ON LUI DIT qu’on a adoréce personnage de vieille dame wasp et excentrique, sculptrice à ses heures (tendance squelettes d’animaux revisités) et détective privée à rebours des clichés du genre, qui illumine de sa drôlerie et de sa bonté ce polar pas comme les autres. Peter Heller, qui vit à Denver, Colorado, sourit : « C’est ma mère ce personnage. Décédée il y a plus de quatre ans. Née à Paris en 1933. A 7 ans, vivant à New York, elle voyait partout des espions nazis. Son rêve était d’entrer à la CIA. Mais elle s’est mariée et je suis arrivé… Elle a obtenu son permis de port d’arme et elle est devenue détective. Moi je détestais la ville, je n’aimais que grimper, escalader… Mais mon père, authenti que « mad man », comme dans la série, me lisait beaucoup de poésie : à six ans je voulais être poète, puis à onze ans je suis tombé sur Les Aventures de Nick Adams, d’Hemingway, et j’ai su que je voulais aire ça, pêcher, vivre des aventures, et écrire ! » Après des études de littérature et de biologie (« pour apprendre la nature ») , Peter Heller prend la route à bord d’un pick-up truck et les boulots qui se présentent (bûcheron, livreur de pizza…) Sa passion pour le kayak traçant son destin, il devient guide de rivière, sans jamais cesser d’écrire pour lui, poésie, histoires courtes. Il participe à des expéditions partout dans le monde, commence à publier des reportages dans la presse, puis plusieurs livres de récit – comment il a survécu à la rivière Tsangpo au Tibet ou à deux mois passés sur un bateau de l’association de déense des baleines Sea Shepherd, ou encore pour raconter son voyage de noces avec Kim, sa emme encore à ce jour, lors duquel ils apprirent à sur- er en six mois, partant de Caliornie jusqu’à Mexico en longeant la côte. « Mais tout ce temps d’aventure, c’était une joyeuse diversion par rapport à l’écriture. Je ne savais pas écrire de fctions. Alors, à presque 50 ans, j’ai ait comme en kayak, quand on ne sait pas ce qu’on va trouver un peu plus loin. J’ai écrit une première phrase sans aucune idée de rien et je me suis retrouvé avec un roman post-apocalyp tique ! Je ne voulais surtout pas être comparé à Cormac McCarthy pourtant… » Ce sera La Constellation du chien, en 2012, suivi de Peindre, p êcher et laisser mourir, en 2014. Pour Céline, Peter Heller a laissé de côté une certaine virilité (souvent Kim, qui est sa première lectrice, lui dit : « Too much fshing ! ») , pour un roman tout en contemplation de la nature du Wyoming et du Montana, et nourri avant tout de la splendide complicité d’un vieux couple parti en camping-car sur les traces d’un photographe disparu vingt ans plus tôt. Car Peter Heller a aussi entraîné son beau-père (le compagnon de sa mère) dans le livre. « Ils aisaient ensemble ce boulot d’enquête, ils ont réuni ainsi une centaine de amilles. » Un personnage de mari taiseux et plein d’ironie, qui voue une admiration et une confance totales à sa emme détective. Un couple merveilleux d’estime partagée. Un roman d’amour, en somme. Céline, Peter Heller, éd. Actes Sud, 335 p., 22, 80 € . 84/A I R FRANCE M A DA M E S h o o t i n g t h e r a p i d s FROM NOV ELIST A ND OUT DOORSMA N PET ER HELLER, A W HIT EWAT ER- PACED T HRILLER STA RRING A N ATY PICA L WOMA N DET ECT IV E. The frst thing we told him was how much we loved the title character of Celine, an endearing 68-year-old eccentric who makes sculptures of animal skeletons when she’s not working as a private investigator. « That character is my mother, » Peter Heller says. « Born in Paris in 1933, she came to New York at age seven and saw Nazi spies everywhere. She dreamedof joining the CIA, and endedup becoming a detective. My father, a real ‘Mad Man,’used to read me poetry. At eleven years old, I came across a copy o Hemingway’s Nick Adams Stories and I knew what I wanted to do : go shing, have adventures and write ! » After completing his studies, Heller hit the road in a pickup truck, traveling and working odd jobs. He developed a passion or kayaking and became a river guide, joining expeditions around the world and publishing accounts of his adventures. « But I still didn’t know how to writection, » he says. « Then, in my late orties, I took of like in a kayak, not knowing what might lie ahead. I wrote an opening sen- tence with no other idea in mind and endedup with a novel. » That was The Dog Stars in 2012, followed two years later by The Painter. For Celine, he set the action in Wyoming and Montana, where the protagonist is looking for a photographer who disappeared 20 years earlier. She roams the American West in the company of her husband Pete, a taciturn but witty manlled with admiration or his detective wife. Making the thriller a love story after all. PRESSE PHOTOS |