C UL TURE P O RT R A IT « Mieux que des e-mails à ma mère » Sténo à la Maison-Blanche sous les mandats Obama, Rebecca Dorey -Stein transforme cette expérience en comédie, avec liaison dangereuse à la clé et naissance d’une écriv aine. Rencontre. Par Isabelle Potel ELLE PORTE SES RAVISSANTES BALLERINES ROSE FUCHSIA qui font plusieurs fois leur apparition dans le livre. Que Rebecca Dorey-Stein, pour la promo de celui-ci, mette les mêmes chaussures que lorsqu’elle était sténo à la Maison-Blanche, job qui fait l’objet de son récit, c’est à croquer. Comme elle. Leggings et tunique noirs font ressortir ses cheveux blonds, ses yeux clairs, sa bonne humeur. « C’est sûr que je n’ai pas été une sténo invisible, je parlais à tout le monde et c’était jouissif d’entendre : ‘Oh la sténo fait des blagues !’Mes parents (père psychologue et mère au foyer,ndlr) sont très drôles, et je suis l’enfant du milieu qui doit se surpasser pour se faire remarquer. En fait, je fais des blagues quand je ne suis pas sûre de moi, c’est-à-dire très souvent ! » Quand elle débarque à Washington à 26 ans pour un boulot temporaire de prof, elle déteste cette ville pleine de « créatures washingtoniennes », c’est-à-dire dévorées d’ambition et ne parlant que de politique. Désœuvrée, elle répond à une annonce qui l’amuse et c’est parti, la voilà propulsée dans la vie à cent mille à l’heure de POTUS (President of the United States), en l’occurrence Barack Obama, dont elle doit enregistrer puis retranscrire tous les discours, allocutions, déclarations… Voyageant aux quatre coins du monde, passant plus de temps embarquée sur Air Force One que sur le plancher des vaches, elle vit un rêve éveillé : « Mais en voyage, avec la fatigue, on est déstabilisé, et c’est là que j’ai commencé à prendre des notes pour saisir le comique de certaines situations. Puis j’ai compris que ça pouvait alimenter autre chose que des e-mails à ma mère. » Surtout quand elle tombe amoureuse du « wrong guy », un collègue de travail plus haut placé qu’elle dans la hiérarchie de la Maison-Blanche et par ailleurs séducteur patenté. Entre Bridget Jones et Ally McBeal, deux cousines bécassines pas si lointaines, la sténo sympa perd pied dans cette « relation toxique ». Outre les coulisses de la vie d’une administration en effervescence chronique, le récit devient journal d’une liaison dangereuse, analysée avec un humour et un sens de la métaphore décapants. Fini les mesdames de Tourvel qui en mouraient. Maintenant on encaisse, on en rigole et on écrit. Rebecca Dorey-Stein a bien sûr changé le nom du Don Juan, que personne n’a identifié : « Un journaliste a beaucoup cherché mais il a fait chou blanc… », dit-elle en riant. Depuis, la jeune femme a quitté Washington et vit à Philadelphie près de sa famille (elle a un frère et une sœur). Elle a commencé « un vrai roman », une fiction cette fois. « Je vais aussi me chercher un boulot de prof, car je suis très sociable, j’en ai besoin. » Et puis elle veut vivre dans « une maison au bord de la mer, avec chiens, chats et peut-être un cochon ». Ce que font toutes les filles drôles et lucides. Good Morning, Mr. Président ! Ma (f olle) vie de sténo à la Maison-Blanche d’Obama, Rebecca Dorey-Stein, éd. NiL, 460 p., 20 € . 7 2/A I R F R A N CE M A DA M E « M o r et h a n j u s t e - m ai l s t o m y m o m » A W HIT E HOUSE ST ENOGRA PHER FOR OBA MA T URNS T HE EX PERIENCE INTO A LIV ELY COMEDY- CUM- LOV E STORY GONE W RONG. When we meet Beck Dorey-Stein, she’s wearing the bright pink flats that figure prominently in her book. « I certainly wasn’t an invisible steno grapher, » she says. « I talked to everybody, and I loved it when people said, ‘Oh ! The steno cracks jokes !’Actually, I make jokes when I’m feeling unsure of myself—in other words, almost all the time ! » Looking for work in Washington, D.C., the young English teacher answered an ad that caught her eye, and soon found herself thrust into the life of a White House stenographer, recording and transcribing the speeches and public statements of then-president Barack Obama. Traveling the globe, spendin g nearly as much time on Air Force One as on terra firma, she felt as though she were living a dream. « Then I started taking notes, trying to find the funny side of certain situations, » she recounts, « and I realized that they could lead to something more than just e-mails to my mom ! » The result is From the Corner of the Oval— which also relates how she fell in love with « the wrong guy, » a higher-up in the Obama administration and a known womanizer. The amiable stenographer became embroiled in a toxic relationship, which she analyzes with humor and a trenchant sense of metaphor. Today Dorey-Stein lives in Philadelphia and is working on « a real novel. » And dreaming of « a house on the beach, with dogs, cats and maybe a pig. » What witty, percipient woman would refuse an opportunity like that ? DR A CKSO N – PHOTO LAWRENCE J |