DES TOMATES FRAÎCHES disposées sur un comptoir en bois, un plateau d’huîtres du jour, un tartare de crabe et un rosé bien frais. Derrière le bar très classique et élégant de Michael’s Genuine, des barmen préparent des cocktails vintage sur un air de Thelonious Monk. « Sans notes de jazz, on n’a pas goûté à 100% au restaurant, même si certains me haïssent pour ça ! », plaisante le chef Michael Schwartz, à propos de son établissement phare du Design District. Après la crise immobilière de 2008, l’épicentre du Miami cool et chic s’est déplacé dans des quartiers éloignés du décor de carte postale Art déco de Miami Beach, comme ce nouveau « neighborhood » dédié à la mode et au design haut de gamme, récemment aménagé par le promoteur et collectionneur d’art Craig Robins. Quand Michael Schwartz y a élu domicile, en 2007, Design District n’était encore qu’un spot hostile et sans âme dans la zone de Buena Vista. Au fl des ans, dans le sillage des prestigieuses foires de Art Basel Miami et Design Miami, une manne d’événements culturels, mêlant l’inséparable trio mode, art et design, a conquis un public grandissant au cœur de cette nouvelle destination de shopping de luxe. Pour le chef pionnier, qui gère désormais un petit empire de quatre restaurants dans le quartier, l’aventure a porté ses fruits. Son dernier opus, Cypress Tavern, revisite l’esprit « tradi » d’un pur American grill et bar à cocktails des années 1920, où l’on déguste sole meunière, ventre de porc croustillant et petits pots au chocolat sur des banquettes vert pastel. On oublie trop souvent le rôle de catalyseur joué par une poignée de chefs précurseurs comme Schwartz, dans ce paradis balnéaire bling situé aux portes de l’Amérique du Sud et des Caraïbes. Avec Michelle Bernstein – autre chef star également honorée du prestigieux James Beard Awards (les oscars de la gastronomie) –, Schwartz fut l’un des premiers à s’approvisionner auprès des producteurs locaux en légumes et fruits de saison. Trouver les bons ingrédients à la source et les laisser parler dans l’assiette : cette démarche pionnière, fondatrice de la formule « farm-to-table » (littéralement : de la ferme à la table), fut longtemps hors sujet dans une ville plutôt affairée à faire monter la température de ses nuits festives dans les hôtels alignés le long de Collins Avenue. Avant la décennie 2000, le touriste cantonné à Miami Beach n’avait d’autre choix que de faire le grand écart entre 222 3 1 2 le « burger tacos » aux saveurs latines et les menus gastronomiques signés de grandes toques mondiales, au cœur de la multitude de restaurants d’hôtels, étoilés et trop climatisés. Alors que les jeunes chefs boudaient Miami, les fermiers locaux, eux, prenaient l’habitude d’exporter leur production en dehors de la Floride. Au Design District, aiguiser son palais avec des produits frais, simples et authentiques chez Mandolin Aegean Bistro est devenu une affaire incontournable. Avec son houmous maison et ses aubergines grillées, ce petit morceau de Méditerranée, fondé en 2009 par un couple turco-grec, abrite depuis cette année un trésor : Anastasia Koutsioukis et Ahmet Erkaya ont désormais leur propre jardin bio, derrière le restaurant, qui leur fournit tomates, radis, fnes herbes, endives… ainsi que des fruits exotiques. La nature n’a pas de prix au cœur du béton. On fait la queue pour déguster les moules au vin blanc et la purée de fèves de ce petit paradis décoré de bleu, avec sa terrasse éclairée à la lanterne, le soir venu. Quand la jeune Dena Marino a ouvert MC Kitchen en 2010, elle a apporté ses racines culinaires italiennes dans le quartier. Son expérience chic et feutrée acquise dans le très chic Aspen, Colorado, s’est parfaitement fondue dans l’atmosphère du Design District. Fin 2016, ce sera au tour du chef Joël Robuchon d’apposer sa patte française ici, quand il dupliquera son iconique Atelier (ouvert en 2003 à Saint-Germain-des-Prés) sous le soleil de Floride. Son restaurant gastronomique se doublera d’un concept de café boulangerie « so French » … Les populaires « food trucks » de la ville ne sont pas près de remplacer les Jaguar, Porsche et « Lambo » dans les rues de Design District. M Sibylle Grandchamp PHOTOS DR - ROBIN HILL |