LIVRES U LT U RE L I V R E S CU LT U R E 86 Mise EN BOÎTE Une pochade drôle et tendre sur Arthur, critique rock qui héberge un clandestin. Instantané de notre époque. ÇA FAISAIT UN MOMENT qu’on n’avait pas ri autant. Ce petit roman dévale sa pente potache à 100 à l’heure sans un ralentissement, déployant un sens de la formule et de la métaphore particulièrement aiguisé pour capter ce truc insaisissable au possible : l’air du temps. Certes, l’humour potache fait très mauvais ménage avec la littérature qui, en grande dame hautaine, a besoin de se prendre au sérieux. Et pourtant, la plume de Marc Salbert démontre une capacité à stigmatiser notre modernité qui ne se croise pas tous les jours. Plutôt que de grands discours, quelques blagues raffnées parfois font aussi bien le job. Voilà donc Arthur, critique rock dans un quotidien, qui, parce que le minibar de sa chambre d’hôtel faisait un boucan infernal et par un enchaînement de faits pernicieux qui ne seront pas relatés ici, se retrouve muté aux « infos géné », et se prend un coup de matraque alors qu’il « couvre » l’évacuation musclée d’un campement de sans-papiers afghans square Clignancourt à Paris. Voilà notre obscur nightclubber transformé en martyr du journalisme de terrain, toujours accompagné de son pote et collègue Hassan, photographe et dragueur impénitent. On demande à Arthur d’écrire un bouquin, on lui demande aussi d’héberger Daoud, l’un des Afghans chassés par la police… Arthur est un pur rejeton de la société de consommation, incarnant une génération à la fois individualiste et passive, pour ne pas dire apathique. Autour de lui, une galerie de seconds rôles, fic, prof de lycée, éditeur, militant humanitaire, tous plutôt cyniques. Marc Salbert se moque des belles âmes de gauche dont l’altruisme proclamé se dégonfe face aux exigences concrètes de la réalité. Ainsi Arthur fait la tête quand il doit dépanner Daoud qu’il laisse d’ailleurs sans scrupules dormir par terre dans la cuisine… Daoud se révèle pourtant homme de ménage et cuisinier hors pair. Ce qui plonge un peu tardivement Arthur dans l’embarras quand débarque Marzia, la sœur de Daoud, médecin à Londres et belle à tomber. Salbert se fait plaisir en piétinant le cliché du pauvre immigré qui rase les murs. Ici, c’est l’irruption du Pachtoun qui sauve Arthur de sa médiocrité. Ce dernier tombe si follement amoureux de Marzia que toute sa vie en est transfgurée. L’amour, encore et toujours. Au passage, Salbert porte un regard plein de malice sur les différences culturelles, choisissant d’introduire une ironie tendre là où sévit en général l’esprit de sérieux. Mais avant tout, c’est ici la description dans ses multiples détails de notre environnement culturel et matériel qui se révèle très inspirée. Et puis l’amour du rock emporte tout, fabriquant un roman où tous les morceaux cultes qui ont scandé les trente dernières années se glissent entre les lignes, pour notre plus grand bonheur. M Isabelle Potel 13 PE laMi mi humaitai ié Club of man An affectionate yet sardonic send-up of a shallow idealist forced to confront harsh reality—and a telling snapshot of our times. WE HAVEN’T HAD such a good laugh in quite some time. In The Infuence of Minibar Throwing on Humanitarian Commitment (in French), author Marc Salbert’s fastpaced schoolboy humor may seem incompatible with any aspirations to true literature, but his narrative is saved by a rare capacity to encapsulate modern-day life—in trenchant punchlines rather than lofty pronouncements. Meet Arthur, a newspaper rock critic who, due to an unlikely chain of events beginning with a noisy hotel minibar, fnds himself transferred to « general news, » and endsup taking a nightstick to the head while covering the evacuation of a camp of homeless Afghan refugees. From scribbling nightclubber, he is transformedinto a journalistic martyr. He is asked to write a book—and to house Daoud, one of the Afghanis from the camp. Arthur is a pure product of consumer society, individualist yet passive to the point of apathy. Through him, Salbert skewers the stereotype of the leftist whose altruism melts away in the face of concrete reality. Arthur has no qualms about making Daoud sleep on his kitchen foor. Then the latter’s sister Marzia showsup : a doctor from London, and gorgeous besides. Arthur falls so madly in love with her that his entire life is transformed. Ultimately, the arrival of a « poor immigrant » is what saves Arthur from his mediocrity—giving Salbert a chance to cast a cynical eye on the perceptions of cultural differences, treating the subject with tender irony rather than the more habitual analytical gravity. But it is above all his detailed, insightful description of our cultural environment that evinces true inspiration, and makes this book such a pleasure to read. M « DE L’INFLUENCE DU LANCER DE MINIBAR SUR L’ENGAGEMENT HUMANITAIRE », de Marc Salbert, éd. Le Dilettante, 288 p., 17,50 €. PHOTOS DR |