8 LorraineMagazine Pourquoi avez-vous fait le choix de présenter une exposition sur l’époque napoléonienne ? Depuis quelques mois, l’équipe scientifique du Musée mène des recherches sur différentes productions patriotiques de la manufacture. L’an dernier, lors du Centenaire de la Grande Guerre, nous avons présenté les productions en liens avec la Première Guerre mondiale. Mais cette exposition sur l’époque napoléonienne est aussi née d’un concours de circonstances : je faisais des recherches aux archives nationales et j’ai découvert un dossier intitulé « Fabrique de poterie Sarreguemines, commandes. » Je me suis rendue compte qu’il contenait des trésors ! Nous avons pensé publier un article mais de fil en aiguille le projet a pris de l’ampleur. Nous avons finalement conçu cette exposition et rédigé une publication de 180 pages pour présenter cette production. Comment s’est effectué le travail de recherche pour cette exposition ? Quels documents ont été utiles ? Nous nous sommes donc basés sur ce dossier puis nous avons consulté d’autres sources d’archives. Nous nous sommes aussi appuyés sur les collections patrimoniales du Musée avec toutes ces assiettes produites au 19 e siècle. Le but de cette exposition n’est pas de retracer la vie des deux empereurs, Napoléon I er et Napoléon III, mais de déterminer et de comprendre ce qui a motivé cette incroyable production. Justement, cette production à l’effigie des deux empereurs a été très importante. Peut-on parler de propagande ? Oui, dans un sens nous pouvons parler de propagande. Il est impossible de quantifier le nombre d’assiettes qui a été produit durant cette période. Mais nous savons que ça a été une production très importante. Il y a eu plusieurs raisons à cela. Économiquement, la manufacture était certaine du succès que remporteraient ces assiettes auprès de sa clientèle. Il y a également eu une évolution technique vers 1830 avec l’apparition du transfert par impression sur les assiettes. De plus, entre 1830 et 1848, la France connaît un régime monarchique mais les courants bonapartistes restent très présents dans la population. Ces céramiques ravivent ainsi le souvenir de Napoléon Ier, en particulier lors de la prise de pouvoir de Louis Napoléon Bonaparte, futur Napoléon III. entretien avec Julie Kieffer - Directrice des Musées de Sarreguemines - Il y a un personnage clé lors de cette période : Alexandre de Geiger, directeur des Faïenceries de Sarreguemines. Il a été le directeur de 1836 à 1870, date à laquelle il cède la direction des affaires à son fils Paul. Alexandre de Geiger a l’esprit industriel. Avec lui, la manufacture connait une nouvelle ère : la faïencerie s’agrandit, il achète de nouvelles machines, s’associe avec Villeroy et Boch… Ce n’est pas encore l’âge d’or de la manufacture mais son rayonnement s’étend de plus en plus ! Alexandre de Geiger a aussi des ambitions politiques puisqu’il sera maire de Sarreguemines, député puis sénateur sous le Second Empire. Il est un fervent bonapartiste, il sera fidèle au régime jusqu’au bout, même dans les difficultés. Ses sentiments personnels et ses liens avec le régime ont forcément influencé cette production patriotique. Que pourront découvrir les visiteurs dans cette exposition ? Nous l’avons articulé autour de plusieurs thématiques en nous demandant pourquoi la manufacture avait produit ces pièces. Nous montrons comment la faïencerie présente cette nouvelle dynastie et l’arrivée au pouvoir des deux empereurs. Puis nous expliquons pourquoi les directeurs sont reconnaissants envers le pouvoir impérial qui a fait beaucoup pour la manufacture. Nous nous intéressons également à la commande de Napoléon de 1809 en exposant ces quatre vases majestueux. Puis nous nous arrêtons sur les sources d’inspiration des graveurs qui travaillent à partir de motifs existants (tableaux officiels ou lithographies) ou qui échangent les vignettes des assiettes avec d’autres manufactures. L’exposition est-elle adaptée au jeune public ? Toutes nos expositions, permanentes ou temporaires, sont accessibles aux enfants aux Musées de Sarreguemines. Les médiateurs ont travaillé sur un livret pédagogique qui permet aux plus jeunes de voir l’exposition à leur dimension. Nous ne considérons pas l’Histoire comme inaccessible. Cette exposition n’est pas un cours sur Napoléon mais elle montre la relation entre l’Histoire et la production de la faïencerie. Et nous espérons qu’elle intéressera le plus grand monde. ± Propos recueillis par Pauline Overney |