LES AS AU TRAVAIL 8 bis, rue de Bretonneau, Paris 20e. Derrière la belle façade de cet immeuble bourgeois, qui pourrait penser à l'existence d'une usine qui, en moins de quatre années, est devenue par l'importance de sa production le numéro deux français du train miniature ? Le pari fou d'une reconversion Pierre Adnot et René Sennedot se sont connus chez Panhard où ils travaillent, avenue d'Ivry à Paris 13', au bureau d'étude. Panhard et Levassor, doyenne mondiale des firmes automobiles... Pas un empire industriel, non, plutôt l'une de ces grandes entreprises françaises à caractère familial née au XIX'siècle, tournée vers l'avant-garde en matière de technique, mais trop prudente à investir pour bâtir un outil de production de taille internationale : des machines à bois réputées, des automobiles brillantes, des camions robustes, des moteurs d'avions originaux, aussi originaux que ceux que Panhard livre aux grandes compagnies de chemin de fer pour équiper les « michelines », certains autorails de Dietrich, Somua..., les autorails Verney à voie métrique pour lignes secondaires sans oublier le fameux diesel « 4 HL » des autorails FNC de la SNCF. Au début des années 60, la doyenne s'essouffle : l'intéressante automobile Dyna n'attire plus les foules ! Avant que la fusion de Panhard avec Citroën ne soit consommée, Pierre Adnot et René Sennedot quittent l'avenue d'Ivry pour ouvrir, le 1e, avril 1962, un bureau d'étude indépendant : la Société l'Emboutissage est née. Peu après, un petit atelier est joint à l'entreprise, qui se spécialise dans la conception d'outils d'emboutissage. Pour répondre à son développement, la société déménage, un peu plus tard, pour occuper l'usine actuelle du 8 bis rue de Bretonneau. Grandes firmes automobiles — Simca essentiellement, mais aussi Peugeot et Renault — constructeurs aéronautiques, producteurs d'appareils électroménagers sont les clients fidèles de l'Emboutissage. 1973 : premier choc pétrolier... Au cours des dix années qui suivent, l'industrie automobile française va connaître une mutation sans précédent : chaque regroupement de firmes laisse sur la touche un certain nombre de sous-traitants. L'Emboutissage va réagir suffisamment tôt en développant une courageuse opération de diversification. Modéliste ferroviaire membre du club de Villiers-le-Bel, grand collectionneur de tin-plate en général et de trains Jep en particulier, René Sennedot va profiter de ces bouleversements pour réaliser son rêve : construire des trains miniatures. En 1980, c'est chose faite avec la naissance d'une nouvelle marque : AS, département « modélisme ferroviaire » de l'Emboutissage. La production débute de manière originale avec une gamme de trains tin-plate à l'échelle zéro qui semble le mieux correspondre au potentiel industriel de la firme. Le milieu du modélisme ferroviaire, traditionnellement prudent, observe sceptique ces trains « rétro ». Un an plus tard, l'équipe de la rue Bretonneau annonce qu'elle va lancer une production — en grande série industrielle — de modèles HO. Là, les ténors du milieu ricanent dans leurs moustaches... Jouef, seule firme industrielle française spécialisée, vient justement de déposer son bilan en 1981 ! Et les « conseilleurs » — pas toujours désintéressés — prédisent que relancer une usine de petits trains en France sera désormais impossible, notamment en raison des coûts prohibitifs du moule et de l'outillage des modèles en plastique. Ces « conseilleurs » ont seulement oublié que les moules et l'outillage, c'est justement la spécialité de l'Emboutissage ! Reportage : J.H. LAVIE (Texte) et F. MARX (Photos) Tournant le dos aux sourires ironiques, les « AS » laissent dire et travaillent. En avril 1982, le premier autorail ABJ 4 en HO sort de chaîne. Oh, bien sûr, il n'est pas exempt de défauts, cet ABJ... Son embonpoint, ses petites vitres, ses gros phares, tous ces défauts que Loco-Revue souligna dans son test n'empêchent pas cet autorail d'obtenir le titre enviable de « modèle de l'année » décerné par les membres des clubs affiliés FFMF. Car, pour une large majorité d'amateurs, AS, c'est l'espoir d'avoir à nouveau une firme industrielle spécialisée dans notre pays. Rue de Bretonneau, on est satisfait des premiers résultats tout en mesurant l'ampleur des problèmes qu'il est impératif de surmonter. En priorité, l'amélioration de la finesse et du réalisme des prochains modèles, mais là, rien ne va plus, car les machines « gros calibre », habituées jusqu'ici à construire des matrices pour emboutir des pièces de calandres, de capots, de hayons d'automobiles à l'échelle 1/1, manquent de précision pour réaliser des moules à l'échelle 1/87. Et puis, rien n'est prévu pour la décoration des modèles qui est alors sous-traitée... Quant au personnel de l'usine, il doit entreprendre sa reconversion. LÉGENDES DES PHOTOS (Suite p.596) 1- Suivons le cheminement de la réalisation d'un modèle HO. Première étape le bureau du préparateur où un prototype à l'échelle 1/87 est réalisé dans la plus pure tradition de l'amateur (au sens noble du terme !) de modélisme ferroviaire. Le bureau d'étude se charge ensuite de faire la synthèse entre le modèle-maître réalisé, les plans officiels de l'engin réel correspondant et les techniques de fabrication à adopter.. Collection de dessins, maquette en volume, pièces prototypes sont ainsi confiées au département « fabrication » ; c'est le début de la réalisation concrète avec la construction du moule et de l'outillage. Ici, cette fraiseuse Huron NU 5 a été transformée par les techniciens de l'Emboutissage en fraiseuse à reproduire. Cette machine 592 loco revue 7/8/84 ri° 462 |