8 À la une les défis du cea février 2011 Membrane de micropile à combustible à faible chargement en platine. » > MATIÈRES PREMIÈRES catalyseurs plus simples, plus stables et bon marché », explique Vincent Artero, qui dirige le projet. L’équipe élabore ainsi plusieurs générations de catalyseurs, d’abord avec un atome de cobalt ou avec un couple d’atomes nickel/ruthénium, enfin avec un couple fer/nickel. D’autres équipes dans le monde poursuivent alors le même but, comme celle de Dan DuBois au Pacific Northwest National Laboratory, aux États-Unis. En 2008, dans le cadre du programme transverse Nanosciences du CEA, l’institut grenoblois s’allie avec une équipe du CEA-Iramis 2 à Saclay. Mission : réussir à greffer ces catalyseurs bio-inspirés sur des électrodes à base de nano- LE « RISQUE MÉTAUX » Le cours élevé du platine s’explique par son extrême rareté sur Terre. Il s’en produit 200 à 300 tonnes par an, essentiellement en Afrique du Sud et en Russie. Aujourd’hui, les pots d’échappement catalytiques des automobiles en absorbent à eux seuls plus de la moitié, la joaillerie un cinquième et diverses technologies de pointe le reste. La généralisation d’électrolyseurs et de Pac utilisant du platine mènerait donc à une impasse, la demande excédant la production. Et le platine n’est pas le seul dans ce cas… En 2008, la Commission européenne demandait à un groupe d’experts d’examiner 41 minéraux économiquement importants. Dans leur rapport, rendu en juin 2010, ceux-ci distinguent 14 éléments « critiques » combinant la rareté, P.-F. Grosjean/CEA Le principe de fonctionnement des catalyseurs bio-inspirés s’appuie sur celui des hydrogénases. l’importance économique, en particulier pour les technologies émergentes, et la fragilité des approvisionnements (monopoles de production, instabilité politique…). On y trouve le platine et les métaux de sa famille, mais aussi le lithium (batteries), le gallium (panneaux photovoltaïques, diodes électroluminescentes, circuits intégrés), le germanium (fibres optiques), les « terres rares » (diverses technologies, extraites exclusivement en Chine), etc. Pour neuf d’entre eux, dont le platine, il apparaît qu’en 2030 la demande des seules technologies de pointe excédera la production totale ! C’est ce que les économistes appellent le « risque métaux », un problème moins médiatisé mais tout aussi préoccupant – et encore plus pressant – qu’une éventuelle pénurie de pétrole. tubes de carbone (NTCs) intégrables dans une Pac. Les catalyseurs synthétisés à Grenoble demandant encore un peu de mise au point, les deux équipes se tournent alors vers ceux de Dan DuBois, plus faciles à modifier. Un matériau insensible aux polluants Rappelons ici que chaque élément d’une Pac est formé de deux électrodes séparées par une membrane de Nafion , un polymère conducteur de protons. L’hydrogène gazeux (H 2) est oxydé à l’anode, ce qui produit des protons (H +) et des électrons. Ces derniers passent par un circuit extérieur, où ils créent le courant électrique fourni à l’utilisateur, et rejoignent la cathode. Là, ils se combinent à l’oxygène gazeux (O 2) et aux protons qui ont traversé la membrane centrale pour former de l’eau (H 2 O). Pour produire de l’hydrogène à partir de l’eau dans un électrolyseur, c’est la réaction opposée qui se produit : on apporte un courant électrique qui permet de « casser » la molécule d’eau en oxygène à l’anode et en hydrogène à la cathode. Le matériau obtenu par les chercheurs du CEA, dûment breveté, s’est montré capable de catalyser tout aussi bien la production d’hydrogène à la cathode d’un électrolyseur que son oxydation à l’anode d’une Pac 3. De plus, il se révèle insensible à la présence de polluants comme le notes : 2. Voir rubrique « Ils ont contribué… », p.3. 3. Le Goff A., Artero V., Jousselme B., Tran P.D., Guillet N., Metaye R., Fihri A., Palacin S., Fontecave M., 2009, Science, vol. 326,pp. 1384-1387. Le platine est un métal rare dont seules 200 à 300 tonnes sont produites par an, ce qui explique son coût très élevé. Biosphoto |