LA MATIÈRE IMPOSABLE — Eh bien, dit le roi Hector à son fidèle ministre Sosthènes, m'apportes-tu de l'argent ? — Votre Majesté est bien dépensière, fit Sosthènes sans répondre directement à la question qui lui était posée. Je n'ai que faire de tes observations, répondit le roi... Je t'ai pris, non pas pour me conseiller, mais pour me payer... C'est pourquoi je te répète : m'apportes-tu de l'argent ?... — Si je trouvais de l'argent, sire, je commencerais par me verser à moi-même mon traitement des deux derniers trimestres, que Votre Majesté, jusqu'à présent, a différé de me régler... — Soit, dit le roi..., j'ai compris le marché que tu me proposes, coquin... Et je t'autorise à prélever ce qui t'est dû sur la somme que tu nie verseras... Car je suis bien certain que tu as déjà une combinaison toute prête... — On ne peut rien cacher à Votre Majesté... — Et, dis-moi, combien ça fera-t-il ?... — C'est selon, sire... Probablement un assez gros chiffre... Il est assez difficile de l'évaluer, car il s'agit d'un impôt... — Un impôt ! s'écria le roi Hector... Tu as réussi à trouver un nouvel impôt !... — Dame, sire, en cherchant bien... — Sosthènes, tu es un grand homme !... Je ne croyais pas qu'il fût possible de trouver un nouvel impôt...ll semblait que nous eussions, dans le royaume, la collection d'impôts la plus complète... Le fait d'en avoir découvert un qui n'existait pas encore est la marque du génie... Mais ton impôt, mon cher Sosthènes, est-ce qu'on le payera ?... Avec une ponctualité remarquable et sans nul retard... — Et quel est-il ce mirifique impôt ? demanda le roi... — Un impôt sur les nuits de noces, sire... — Allons donc !... — Mais oui, sire... Le mari ne pourra plus pénétrer dans la chambre nuptiale avant d'en avoir acquitté le montant... — Théoriquement, c'est admirable... mais, pratiquement, devrons-nous placer des collecteurs pour garder la porte de. UN BEAU PARTI\\L.- Mais elle est bossue, la jeune fille que vous voulez me faire éponser Vous pouvez parler plus haut : elle est sourde aussi ! Dessin de R. CHANCEL. L'Exposition est ouverte. HOTEL DE LA GARE ne LYON LA REVANCHE — V'là les provinciaux qui arrivent ! Dessin d'Arsène BRIVOT. toutes les jeunes épousées et ne l'ouvrir aux maris que moyennant un droit de péage ?... Ce serait aussi voyant que coûteux... Il sera beaucoup plus facile, sire, de faire verser ce droit au moment de la célébration du mariage contre un reçu en règle sous forme d'acte de l'état civil... Les hommes dépensent assez d'argent pour coucher avec les femmes des autres ou les femmes de tout le monde... Ils trouveront tout naturel de payer beaucoup moins à l'État pour coucher avec leur propre épouse... — Tu es un grand financier, Sôsthènes, dit le roi, parce que tués un grand psychologue... Votre Majesté est bien indulgente..., niais il ne faut abuser ni de la finance ni de la psychologie, sous peine de les mettre finalement en défaut... Et je crois que la limite est tout près d'être atteinte... — Bah ! on verra bien ! s'écria le roi avec insouciance... Ne songeons qu'au plus pressé, qui est de nous joyeusement divertir avec l'argent des maris... ** Le roi Hector, naturellement, ne fit qu'une bouchée des subsides ainsi créés par l'ingéniosité du ministre Sosthènes. Car, trouvant les rentrées quotidiennes insuffisantes, il avait capitalisé pour dix ans, grâce au concours des grandes banques, tous les revenus du nouvel impôt. |