Tu sais, mon chéri : la mode va revenir aux cheveux longs ! Dessin de% GAN. PAQUITA Pierre Boulonnier aimait les femmes ; niais il aimait par dessus tout son indépendance. Aussi ses liaisons étaient-elles de brève durée. Quand ses amis s'étonnaient de la facilité avec laquelle il se délivrait des plus redoutables crampons, il leur répondait avec un sourire mystérieux : — J'ai mon truc. Mais il refusait de s'expliquer. En septembre dernier, il venait de rompre avec une Russe ardente et voluptueuse qui avait juré de s'attacher à lui pour la vie. — Celle-là, tu ne t'en débarrasseras jamais ! lui dit-on dans son entourage. — Je la liquiderai avec la fin de l'année, répliqua-t-il. En effet, à la stupeur générale, au début de novembre, sans tapage, la Russe lui rendait sa liberté. I1 ne tarda pas à l'utiliser. Quelque temps après la rupture, étant entré par hasard dans un magasin de machines à écrire où l'on se chargeait de travaux de copie, il y distinguait une blonde dactylo, dont la grâce et l'espièglerie le charmèrent : il décida immédiatement qu'elle succèderait à la Russe ; L'affaire ne traîna point ; comme par hasard, Pierre déjeunait le lendemain dans le petit restaurant du voisinage, Gît la jeune personne prenait ses repas ; comme par hasard, il engagea la conversation et, comme par hasard, il se trouva porteur d'un bitlet de théâtre, dont'Germaine Cantepie, ainsi se nommait la gentille dactylo, — se montra disposée à profiter ; comme par hasard, ils allèrent souper de compagnie après le spectacle, en cabinet particulier, et il me faut, comme par hasard, arrivé à ce moment de mon récit, tracer, pour la décence, une ligne de points. Trois mois se sont passés. Germaine a quitté sa machine et aussi sa pension de famille. Pierre lui a meublé mi coquet appartement, ù il lui rend de fréquentes visites, car il n'habite pas avec elle, par crainte de s'enchaîner définitivement. L'amour est pour lui\un provisoire, mais un provisoire qui ne dure pas. — Eh ! eh ! lui dit un de ses amis qui le rencontre, il semble bien que celle-là sache te tenir. Pierre, piqué au vif, riposte : — Je me dispose, précisément, à la Ça te sera difficile. — Tu verras. L'heure de Germaine avait sonné ! Le surlendemain, quand il va chez versée ; elle l'apostrophe : semer. elle, il la trouve boule- — Tu ne m'avais pas dit q- » e tu étais marié ! Pierre proteste, mais mollement. — Tu nies ? s'écrie Germaine. Voici la preuve. Elle lui montre une lettre datée de Soulac, dans la Gironde, et ainsi libellée Mademoiselle, j'apprends que vous ëtes la maîtresse de M. Pierre Boulonnier. Je suis, moi, sa femme légitime et je vous invite à cesser toutes relations avec lui. » JC'eait signé : « Paquita Boulonnier. » Pierre baisse la tête et avoue que, naguère, il a épousé à Bordeaux cette Paquita, une danseuse espagnole dont il s'était follement épris. Mais il n'a pas tardé.à regretter son imprudence. La vie avec Paquita était intolérable. Ii a voulu la quitter, ; elle l'a menacé de mort, s'il demandait le divorce. Finalement, elle a accepté de se retirer à Soulac, moyennant le paiement d'une rente. — Jusqu'à présent, conclut Pierre, elle m'a laissé tranquille. Mais elle parait bien décidée à nous persécuter. Tu as tout à redouter d'elle. Combien je déplore, ma chérie, de t'avoir exposée à un semblable péril. Séparons-nôus. C'est le parti.le plus sage. Jamais ! a riposté Germaine avec véhémence. Ta Paquita, je m'en fiche ! Je te garde ! Et elle ne démord pas de cette résolution énergique. Alors, rentré -chez lui, Pierre rédige, -en imitant une écriture féminine, une nouvelle lettre, car la première était de lui également : Paquita, eu effet, n'existait pas ; Paquita c'était son truc, un personnage inventé par lui uniquement pour se débarrasser de ses maîtresses. Quand par hasard elles ne capitulaient pas après deux let- - Nous voudrions un service de vingt-quatre couverts ; celui de douz que vous nous avez vendu hier, n'était vraiment pas suffisant ! Dessin de Raymond PALLIER. |