A moins qu'il ue soit fat, il n'existe rien de plus odieux pour un artiste que d'être traîné, commue une bête curieuse, dans les salons mondains. Le grand musicien dont je veux parler était alors dans toute sa gloire et, bien que dédaignant ces exhibitions qui l'importunaient, on le voyait, parfois, accepter certaines invitations, soit par faiblesse, soit par grande amitié, soit par humanité. C'est ainsi qu'un jour, une dame de la haute société parisienne le décida à assister à un bal masqué où il n'avait aucune envie de figurer. — Et sous quel déguisement viendrez-vous, crier maître ? lui demanda-t-elle. Je ne le répéterai pas, et cela me fera tant plaisir, à votre entrée, d'être la seule à vous reconnaître. — Madame, répondit le maître ennuyé, vous me prenez au dépourvu. — Oh ! vous avez bien une idée... — Pas la moindre ! Et la dame de Sc mettre alors à lui proposer des costumes, comme si elle craignait qu'il n'eût point, en effet, l'esprit d'en inventer un ! Pendant dix minutes, elle fit défiler devant lui, en imagination, des Assyriens, des bergers phrygiens, des sénateurs romains, des Francs, des Gaulois, des gentilshommes du quinzième siècle, etc., etc... — Arrêtez, madame, arrêtez ! s'écria enfin le maître impatienté par tant de banalités... J'ai trouvé... je mue déguiserai en fromage de roquefort. En roquefort ? — Oui, poursuivit le maître sérieusement, et polir cela j'enroulerai tout simplement autour de moi des feuilles de papier d'étain... — Et puis ? demanda encore la dame qui ne trouvait pas du tout cela amusant. — Et puis ?... Et puis, termina le maître excédé... elm bien, mon Dieu ! madame... je nie mettrai à puer. *** M. Durand fut un jour interpellé par un garnement qui lui demanda fort poliment l'heure qu'il était. Sur la réponse qu'il était deux heures et demie, le gamin prit la fuite en criant AU THÉATRE SARAH- BERNHARDT M" SERVIÈRES dans le rôle de l'Aiglon où elle remporte actuellement un grand succès. Dessin de VuRTÉs. — Merci, à trois heures juste, vous pourrez baiser monc... !. Indigné, M. Durand se mit à la poursuite du gavroche,. quand soudain, au tournant de la rue, il se heurta à son ami Dupont : — Tiens, vieux farceur, cria celui-ci, où cours-tu donc ainsi ? Furieux et essoufflé, le pauvre M. Durand lui rapporta l'insulte qu'il venait de subir : — Il n'y a point lieu de te presser, mon ami, dit tranquillement Dupont. Ji n'est que deux heures trente-cinq : tu as plus de vingt minutes pour te rendre à l'invitation ! ** Depuis de longues années, Abraham et Duchnok travaillent au même bureau et ils sont devenus inséparables. Duchnok est bossu, mais il n'aime pas qu'on fasse allusion à son infirmité ; aussi son ami ne lui en a-t-il jamais parlé. Un jour, Abraham, en veine de confidences, dit à Duchnok : — Mon vieux, je vais t'avouer une chose que j'aurais sans doute dû te dire depuis longtemps déjà, et qui va, sans doute, bien t'étonner. Figure-toi que je suis juif. — Confidence pour confidence, répondit Duchnok. Figure-toi que, moi, je suis bossu. ** M. le curé est invité au château. Mais, les chambres à coucher étant rares, le saint homme a dû se contenter de partager celle du petit Toto. Au milieu de la nuit, les entrailles en émoi, M. le curé cherche vainement les W.-C., ou tout au moins l'accessoire de porcelaine indispensable en pareille occurrence. Au moment où il est sur le point d'atteindre les dernières limites de la résistance, une idée admirable vient le sauver : il dépose Toto tout endormi sur sa propre couche et se glisse un instant dans le lit de l'enfant. Puis, léger et serein, il vu reprendre Toto, afin de rétablir l'ordre normal des places. Horreur ! Dans les draps bien blancs de M. le curé. le gosse s'est soulagé du plus abondant besoin... |