— Tiens, tiens, le foulard se portera encore cet hiver ! LE RAPIDE ET L'OMNIBUS — Oh allez-vous donc, monsieur Maigrelet ? — A Bordeaux, cher monsieur Michard. — Quel jour partez-vous ? — Vendredi prochain. — Moi aussi. — Pour vos affaires ? — Pour mes affaires. — Nous ferons route ensemble. — Avec plaisir. — Eh bien, cher ami, je prends le rapide de 17h. i6 qui me niet à Bordeaux à oh. 22. — Impossible, cher ami, je prends le train omnibus de 16h. i6. — Mais il ne vous met à Bordeaux qu'à 7 heures du matin. — Oui. — Pourquoi prenez-vous celui-là' ? — Parce qu'il y a des troisièmes. — Ah ! — Je ne puis pas me payer de trains.de luxe, moi ! — Tant pis pour vous ! — Je ne gagne pas autant d'argent que vous, moi. — Aussi vous arriverez sept heures après moi. — Mais je partirai une heure avant. Tous les plaisirs, quoi ! — Au revoir, dit M. Maigrelet en souriant. — Au revoir, à Bordeaux, dit M. Mi -chard d'un air pincé. ** Roland, le mécanicien de l'omnibus Paris-Bordeaux, est sur sa machine ; il }bavarde avec son chauffeur. Dans dix minutes l'omnibus doit partir. — Eh bien, Roland, tu es content ? — Oui. — Tu vas voir ta femme, hein ? — Dame ! — Ça te fait plaisir ? — 11 n'y a qu'un mois que je suis marié. — On arrive demain matin à sept heures. — Oui. — Eh bien, mon vieux si tu étais mé- Dessin deL. KERN. canicien du rapide, au lieu d'être mécanicien de l'omnibus, tu arriverais à minuit à Bordeaux, et tu pourrais passer la nuit avec ta femme. — Farceur, va. Tu devrais demander à permuter. — Ça me suffit, j'y serai demain matin. Préparons-nous, dans cinq minutes on s'en va. A ce moment, un homme d'équipe surgit, affairé. ELLE. - C'est à vous dégoûter d'être honnête, quand on voit des drôlesses parées comme des châsses ! LUI. — Mais toi, tu peux marcher au moins la tête haute ! ELLE. — La tête haute ?... Avec un chapeau qui date de trois mois ? Dessin de SOUPAULT. — Vous avez égorgé votre femme. Qu'avez-vous à dire ? — Je demande l'indulgence : c'était avec un rasoir de sûreté. Dessin de LINEKY. lié ! Roland, voici une lettre qu'on vient de me remettre pour toi. — Pour moi — Oui. — Donne. Roland lit la lettre, il devient pâle, serre les poings, et la tend à son chauffeur. Pauvre poire, pendant que tu seras cette nuit sur ta machine ta femme bien tranquille te fera cocu. Elle passera la nuit dans les bras de son amant, qui filera au petit jour, avant l'arrivée du train omnibus. a UN A1%'iI. » — Nom d'une pipe ! — Eh bien ?... Le sifflet du chef de gare venait de se faire entendre : l'omnibus partit. *** — Eh bien, Roland, qu'est-ce qu'il y a ? — Pourquoi ? —'l'u ne t'arrêtes pas à Etampes ? — Non. — Ce que tu vas vite ! — Je n'arrêterai à aucune station avant Bordeaux. — Tu es fou. — Je veux être à Bordeaux cette nuit, pour pincer la coupable. Et brûlant toutes les gares, devant les chefs degare stupéfaits, pendant que retentissaient les tintements des sonnettes d'alarme, et que les têtes effarées des gens qui devaient descendre à (les stations diverses surgissaient à la portière, l'omnibus Il 28 filait à toute allure vers Bordeaux. ** M. Maigrelet est dans le rapide de 17h. i6. Comme ce rapide va lentement Le train omnibus, jouant le rôle de rapide, c'est le rapide qui est obligé de jouer le rôle du train omnibus ; il ne faut pas d'accident, et le rapide s'arrête à toutes les gares. Et, sans y comprendre un mot, M. Michard, qui a pris le train omnibus, est à Bordeaux à minuit, pendant que M. Maigrelet, qui a pris le rapide, y arrive à sept heures du matin. Georges DOLLEY. Pour faire plaisir, offrez CHOCOLATS 4, Faubourg comme cadeau de Noël E T st du Nouvel An les BONBONS Saint-Honoré |