Kitchener, comme chacun sait, était un célibataire endurci. Lorsqu'il était en Egypte, un de ses officiers lui demanda la permission de rentrer en Angleterre pour se marier. Kitchener l'écouta et lui dit : — Les nécessités du service exigent que vous restiez encore un an ici. Si, ensuite, vous désirez toujours vous marier, je vous accorderai votre permission. L'année passa et l'officier présenta à nouveau sa requête. Comment, dit Kitchener, après avoir pensé au mariage pendant un an, vous désirez encore vous marier ? — Oui, monsieur. — Très bien, vous aurez votre permission, mais vraiment, mon ami, vous donnez là un bel exemple de constance masculine. L'officier marcha vers la porte, puis se retournant comme il l'ouvrait pour partir : — Merci, monsieur, mais ce n'est pas avec la même femme. *** Moïse a la guigne noire : il ne parvient pas à trouver les quelques sous qui lui permettraient de faire l'acquisition du superbe magasin de mercerie qu'il convoite. L'ami de Moïse, Jacob, au contraire, mène une vie qui parait large et va au cercle où il a connu le marquis deC..., qui lui a fait certaines confidences. Un jour, Jacob rencontre Moise : — Bonjour, Moïse ! Et les affaires ? — Pas brillantes, Jacob ! Mais si tu voulais, tu... — Parlons de choses sérieuses, Moïse... 9 — Sais-tu que ta femme te trompe ? — Rebecca ? Tu plaisantes ! — Si, et je sais même avec qui. — Dis voir. — Avec le marquis deC..., un ami de cercle dont tu m'as souvent entendu parler. — Où habite-t-il ? De ce pas, je vais le tuer, Jacob. — Ne fais pas de bêtises, Moïse ! DeC... est très riche et ta femme lui plaît. Je suis sûr que lui voudrait bien... Tu sais, pour l'argent dont... — Tu ne me connais pas, Jacob ! Je ne peux souffrir pareil affront. Si tu ne veux pas me la donner, prête-moi son adresse, car il me tarde d'être en face de ce goujat Trois mois après. Moïse a acheté le superbe magasin de mercerie. Les affaires vont bien ainsi que Rebecca, qui, plus que jamais, s'accroche au marquis deC..., lequel ne s'est jamais aussi bien porté. Et Moïse rencontre à nouveau Jacob. Ce dernier, avec un sourire malicieux, le félicite de sa bonne mine et de la prospérité de ses affaires. Puis, voyant l'embarras de Moïse, il lui serre la main et se dispose à s'éloigner. Mais Moïse s'est vite ressaisi. Et, sur un ton confidentiel, il dit à l'oreille de Jacob : — Tu sais, deC... ? Eh bien, je me venge terriblement... Au moins trois fois par semaine, je couche avec sa maîtresse ! ** Un jour, un courtisan dit au bouffon du roi : — Si tu continues à me railler, je te pourfends avec mon épée. Effrayé, le bouffon s'en va trouver le roi : Sire, on en veut à ma vie. N'aie aucune crainte, dit le souverain. Si quelqu'un te tue, je l'exécuterai moi -même cinq minutes après ! — Oh ! Sire, repartit le bouffon, Votre Majesté ne pourraitelle le faire cinq minutes avant ? Figurez-vous qu'avec les Dupont, nous avons des amis communs. - Ça se voit. ! Dessin de Pierre FAL E. |