Nos lecteurs continuent à répondre avec empressement à l'appel que nous leur avons adressé pour notre rubrique Les Bonnes Histoires. Certains d'entre eux pourtant s'étonnent que nous ne leur accusions pas réception de leurs envois. qu'ils soient bien persuadés que, malgré toute notre bonne volonte et en raison du grand nombre de nos correspondants, cela nous est matériellement impossible, de mcéme que nous ne pouvons en aucune façon retourner les manuscrits non insérés, ce qui, d'ailleurs, est la règle. A titre d'indication, nous leur signalons que nous accordons la préférence aux anecdotes qui sont relativement peu connues, et que nous éliminons d'abord toutes celles dont le sujet est par trop scabreux. Nous rappelons, d'autre part, à nos lecteurs qu'ils ne doivent écrire que d'un seul côté de la feuille et qu'il est absolument nécessaire qu'ils répètent leur nom et leur adresse au bas de chaque histoire. Celles qui paraissent dans nos colonnes sont rémunérées à raison de vingt-cinq francs, quelle qu'en soit la longueur. De plus, une prime de cent francs est attribuée, chaque mois, à l'auteur de la meilleure histoire publiée. Dans notre prochain numéro, nous donnerons les noms des bénéficiaires pour les anecdotes parues dans le courant de mai. *** Ce vieux général, resté toute sa vie célibataire, n'était pas du tout mondain. Pourtant, lorsque sa nièce devint orpheline, il fallut bien qu'il la recueillît et la menât un peu dans le monde. C'est ainsi qu'il fut un jour convié avec elle à la table d'un de nos ministres. Le grade de général, son grand âge et sa poitrine constellée de décorations lui avaient valu une place d'honneur presque en face de la maîtresse de maison. Le potage avalé, on enlève, naturellement, les assiettes creuses. En ce moment le général est très occupé à raconter à sa voisine de droite sa campagne de Madagascar. Machinalement il prend sa serviette et fait le geste du vieux garçon qui, au restaurant, essuie son assiette. Aussitôt un valet se précipite, enlève l'assiette, en met une autre... Une autre que le général essuie aussitôt tout en continuant son histoire. Nouvel échange et nouveau geste machinal du vieux guerrier. Une fois de plus le larbin avance le bras pour desservir ; mais, cette fois, le général a vu son geste ; il happe le bras au passage et se tournant vers la maîtresse du logis : — Sapristi ! madame, s'écrie-t-il, est-ce que cet imbécile va finir, ou faut-il que j'essuie toute la vaisselle de la maison ? Un décret de décembre 1854 avait créé le quatrième régiment de zouaves, celui de la garde impériale. La princesse Mathilde, qui venait d'abandonner son prince Demidoff, aidait son impérial cousin à achever l'organisation de la nouvelle Cour. Et, rêveuse, elle ne se tenait pas de joie, en admirant les beaux hommes qui composaient ce corps d'élite. — Oui ; mais, soupirait-elle un jour, voilà !... Ces polissons, avec leurs coquines de culottes bouffantes, on ne sait jamais ce qu'ils pensent ! ** Le navire, pris dans la tempête, n'a échappé au naufrage que par miracle. Equipage et passagers, tout étonnés de se retrouver vivants, sont encore sur le pont. — Nous autres marins, dit le capitaine, pensons que, selon le vieux dicton, nul n'est maître à son bord qu'après Dieu. Nous venons d'être sauvés contre tout espoir. Nous allons donc, tandis que nous sommes encore réunis, remercier la Providence et prier en commun. Que chacun se mette à genoux ! Un passager, un seul, Kahn, reste debout. — Je suis Israélite, dit-il, et n'ai donc pas à m'agenouiller. - C'est juste, répond le capitaine. Observez votre religion comme vous l'entendrez. Mais priez avec nous. Il me faut un acte religieux. — Ah !... un acte religieux ?... Un instant, Kahn reste songeur. Puis il se découvre doucement et, sa casquette à la main, parcourt à pas feutrés les rangs des fidèles en prière : — C'est bien, dit-il. Je vais faire la quête. Ma peinture ne se vend pas... de t'assure pourtant bien que le modèle ne manque pas d'amateurs Dessin de H. GERBAULT. |