20 Métropoles & trous jolis - le Ravi n°64 juin 2009 - la grande tchatche Jean-Luc Bennahmias Le Sancho Panza de Bayrou Depuis bientôt trois ans que l’émission la Grande Tchatche existe, personne n’avait jamais eu l’immense honneur d’être invité une deuxième fois. Voilà qui est fait ! Mais en 2007 tout a changé pour Jean-Luc Bennahmias. Comme Paul Claudel, debout près du deuxième pilier de Notre Dame de Paris, touché au cœur par le doigt de Dieu, comme François Truffaut, scientifique ufologue dans Rencontres du 3ème type, entrant enfin en contact avec les aliens, un événement a bouleversé le cours de sa vie politique. IL l’a accueilli dans son premier cercle tout auréolé d’orange. Lui-même ! François René Jean-Lucien Bayrou. L’homme qui murmure à l’oreille des pur-sang et de la France profonde. Ce pays qui, un jour ou l’autre, finira bien par lui confier son destin. Fini les prises de têtes à la lecture d’obscurs essais de la radicalité écologiste, le livre de chevet de Bennahmias est désormais la biographie d’Henri IV, « le roi libre », signée bien entendu par le baron des Pyrénées-Atlantiques. Fini ses dérives adolescentes, la vie en communauté, les canards alternatifs, le PSU, les Amis de la Terre, le voilà désormais adepte de la défense des PME, du petit commerce et du bon sens. Bref ! Le porte drapeau de l’exaltante aventure du Modem : ni droite, ni gauche. Cap au centre ! C’est après les élections présidentielles qu’il a claqué la porte des Verts, dont il a été, il y a bien longtemps, le 1er secrétaire. Il faut dire que les urnes ont été sans appel : Bayrou, 18,57% ; Voynet, 1,57%. Le voilà désormais vice-président national et membre du bureau exécutif du Modem. Et ensuite ? Le quotidien reprend vite son cours. Tête de liste dans le Sud Est aux Européennes pour les Verts en 2004, il l’est à nouveau pour le Modem en 2009. Il a changé d’étiquette mais siége toujours au Conseil régional dans la majorité du socialiste Michel Vauzelle. Le Modem s’est rangé sous la bannière de Jean-Noël Guérini et d’Eugène Caselli, le président PS de la communauté urbaine de Marseille où il a aussi un strapontin. Viceprésident du Mouvement démocrate dans les Bouches-du-Rhône, Jean- Luc Bennahmias a retrouvé une famille avec l’intensité, virile et « fraternelle », des débats politiques qui a toujours fait le sel des assemblées écologistes. Mais qu’importe ! Là n’est pas l’essentiel. Le député-Don quichotte du Béarnest en route pour la bataille de 2012. Jean-Luc Bennahmias sera avec enthousiasme son Sancho Panza. M.G. Propos recueillis par Rafi Hamal, Michel Gairaud. Retranscris par Eric Besatti. Comment expliquez-vous l’indifférence des citoyens à l’égard des élections européennes ? C’est pas nouveau. J’aurais aimé qu’on parle pendant l’ensemble de la mandature du travail du parlement européen. Dès que les choses marchent mal, c’est Bruxelles. Dès que ça fonctionne bien, c’est grâce aux hommes politiques des états nations. Mais c’est vrai, il y aussi des décisions stupides prises par la Commission européenne. La dernière en date c’est celle sur le rosé mélangeant du rouge et du blanc. Ça coupe vraiment les pattes des électeurs. L’activité des députés européens questionne également. Dans les divers classements (critères : présence, questions posées, rapports, produits, propositions de résolution), vous êtes à peu près en milieu de peloton des élus français, euxmême pas très bien classés. C’est très moyen, non ? J’ai bien joué, vous avez vu : bien au milieu, invisible. Centriste quoi ! Non non non ! Ces classements sont assez justes sur un point : le taux de présence. 90% des députés européens siègent dans plus de 80% des assemblée auxquelles ils doivent participer. C’est énorme. La désaffection de l’électorat, est-elle un indicateur des limites de cette Europe à 27 ? Oui. L’élargissement à 27 sans qu’il y ait les structures politiques qui permettent de prendre des décisions réelles, d’être plus proches de nos concitoyens, n’est pas une bonne chose. Bientôt on sera 28, 29, 30... Clairement personne n’y comprend rien. La solution c’est quoi ? Un noyau dur qui gère ? Est ce vraiment compatible avec une démocratie à l’européenne ? C’est même indispensable si on a envie d’arriver à autre chose que des compromis à minima ! Il faut trouver des solutions d’harmonisation sociale, fiscale, environnementale par le haut et ça n’est pas possible à 27. Aujourd’hui si un seul pays dit non, rien ne se fait. Le Modem comme le PS ou l’UMP est pour le traité de Lisbonne. Où est la différence ? La différence c’est qu’on a pas envie que l’union européenne ne soit que des compromis à minima entre chefs d’états et de gouvernement. Prenons un exemple : 27 états nations, 27 plans de relance parfois complémentaires, souvent contradictoires. Alors que ce qu’il faut à l’UE c’est un plan de relance européen, avec de grandes infrastructures : des transports collectifs, ferroviaires, un grand plan d’énergie renouvelable... Il y a deux ans (une éternité en politique !) vous plaidiez avec beaucoup de vigueur pour l’union de tous les écologistes. Avec Europe écologie, d’autres ont fait cette « biosynthèse » à votre place. Des regrets ? J’ai quasiment des larmes aux yeux. Non je n’ai aucun regret. Ça ne vous pas échappé qu’il y a une autre liste écologiste avec un grand chanteur... Francis Lalanne. Autour d’Europe écologie je retrouve 95% des verts que je connais déjà. D’accord, quelques personnalités tout a fait sympathiques et de renom les ont rejoints, Eva Joly, José Bové... Ecoutez en permanence l’intégralité de cet entretien avec Jean-Luc Bennahmias, enregistré le 18/05/2009, sur le www.leravi.org. Et retrouvez en direct la Grande Tchatche sur le 88.8 FM, tous les 4èmes samedis du mois à 11 heures. Prochain rendez-vous : samedi 27 juin. Attendez, arrêtez ! Dany (Ndlr Daniel Cohn-Bendit) est très fort d’avoir fait croire à une recomposition générale. Elle n’existe pas ! Vous êtes pourtant toujours affilié vert au parlement européen... Oui parce qu’au parlement européen on ne change pas de groupe comme de chaussettes. Je n’avais pas de raison de quitter le groupe Vert pour les emmerder alors que je m’entends bien avec 90% d’entre eux. Les écolos européens jouent un rôle tout à fait fondamental sur le fond des problèmes politiques mais ne pèsent pas assez pour avoir un rôle actif afin de favoriser une alternative politique. J’aspire, dans la prochaine mandature, qu’il y ait une discussion entre des écolos, des démocrates sociaux, des sociaux démocrates et quelques autres pour dire : on va faire ensemble un groupe puissant à 150 ou 200 députés. François Bayrou se pose comme un recours face à Nicolas Sarkozy. Le problème c’est que le Modem seul ne peut rien ! On est d’accord. Donc il vous faudra à chaque rendez-vous électoral soit être avec l’UMP, soit être avec le PS. N’est-ce pas un résumé de l’éternelle impasse des centristes ? Non, non ! Qu’est ce que vous racontez ! ? Le mouvement démocrate n’est pas centriste, mais cherche à devenir le mouvement central de la vie politique française. La politique est une question de rapport de force. On ne discute pas, par exemple, avec le parti socialiste sans rapport de force. J’en sais quelque chose ! Et bien on verra en temps voulu si le PS sera d’accord pour discuter avec nous. Mais pas l’inverse... Avez-vous encore le cœur à gauche ? Ça n’a plus vraiment de sens au regard de l’histoire politique des dernières années. Après, au regard des libertés et de la solidarité, ça pourrait avoir une signification qui est totalement à reconstruire. Quand il y avait 13 gouvernements européens sur 15 à gauche en Europe, avez-vous vu un changement structurel par rapport à l’ultra libéralisme mené par la commission européenne ? Moi non. Aux régionales de 2010 en Paca, allez- vous attendre le second tour pour déterminer quel sera votre allié ? Allez-vous mettre en concurrence le PS et l’UMP, probablement Vauzelle et peut-être Falco ? Falco candidat ? Il y a une ambiance très conviviale dans l’UMP en Paca. Ces gens- là s’aiment énormément, on sent vraiment entre eux une grande unité... Sérieusement, le Modem sera candidat au premier tour. Au second, il y aura deux solutions. Soit on se maintient au second tour parce qu’on le peut, soit on fusionne. Dans ce cas, on en discutera nationalement, avec Francois Bayrou, et l’ensemble des 22 têtes de liste des différentes régions. C’est plutôt avec la social démocratie qu’on a envie de discuter... Jean Noël Guérini, votre allié socialiste à la communauté urbaine de Marseille, partisan d’un tournant social-démocrate au PS, incarne-t-il à vos yeux une nouvelle façon de faire de la politique ? (Rire) Comme vous y allez ! Avec Jean Noël Guérini, les choses sont discutables de façon extrêmement pratique, on n’est pas dans la théorie. En politique il n’y a que ça qui compte. Globalement les accords que nous avons eus avec lui sur les répartitions des pouvoirs et sur un certain nombre de positions fondamentales se sont vérifiés après. En dehors du moratoire sur l’incinérateur. Justement, le dossier de l’incinérateur a été déterminant pour le Modem marseillais au moment de choisir Guérini plutôt que l’UMP Gaudin. Vous êtes cocu dans l’histoire ? Qui est cocu dans l’affaire ? Les habitants de Fos-sur-Mer. Qu’est ce qu’on a fait, nous, les élus modem ? On a voté contre et on l’a exprimé plusieurs fois. Qu’est ce que vous voulez qu’on fasse de plus ? Démissionner ? Nous défendions un moratoire. Il n’y a plus de moratoire, on a voté contre. Voilà. Vous siégez encore au conseil régional ? Je n’ai plus beaucoup de temps. Et je ne me représenterai pas l’an prochain. Qui va porter alors les couleurs du Modem aux élections régionales ? Sans doute Francois-Xavier De Peretti qui a fait un score brillant sur Aix, non pas 5,5% comme moi à Marseille, mais 20%. C’est pas mal ! |