L'homme devant la science L'homme devant la science La « table ronde des prix Nobel La « table ronde » des prix Nobel Novembre 1958 : sous les immenses draperies de béton armé de la grande salle des conférences de l'Unesco, la « table ronde » était occupée par huit hommes comptant parmi les plus grands savants du monde, et parmi eux, cinq prix Nobel. Présentant ses collègues en tant que Président de la Commission nationale française pour l'Unesco, M. Gaston Berger put dire : « Il y a des choses que nous savons importantes mais qui prennent un relief particulier quand elles sont dites par certains hommes. » Novembre 1958 : sous les immenses draperies de béton armé de la grande salle des conférences de l'Unesco, la « table ronde » était occupée par huit hommes comptant parmi les plus grands savants du monde, et parmi eux, cinq prix Nobel. Présentant ses collègues en tant que Président de la Commission nationale française pour l'Unesco, M. Gaston Berger put dire : « Il y a des choses que nous savons importantes mais qui prennent un relief particulier quand elles sont dites par certains hommes. » Bernardo Alberto Houssay (Argentine) Prix Nobel de physiologie et de médecine, 1947. Bernardo Alberto Houssay (Argentine) Prix Nobel de physiologie et de médecine, 1947. IL n'y a pas deux sortes de sciences, il y a la science et les applications de cette science. Le public et les gouvernements croient que la science dite appliquée est la seule utile. C'est une erreur profonde. Il faut que les populations sachent que c'est la science que l'on appelle théorique ou pure qui crée toutes les connaissances qui sont à la base de la science appliquée. Quand les sciences théoriques sont freinées ou s'appauvrissent, les applications languissent ou s'arrêtent. Je voudrais, à ce sujet, citer une pensée de Pasteur : « Ce ne sont pas les dicussions politiques, si longues et si complexes, que l'on peut lire dans les journaux, qui font progresser l'humanité, mais seulement les grandes découvertes scientifiques, les découvertes de la pensée humaine et leurs applications. » IL n'y a pas deux sortes de sciences, il y a la science et les applications de cette scien¬ ce. Le public et les gouvernements croient que la science dite appliquée est la seule utile. C'est une erreur profonde. Il faut que les populations sachent que c'est la science que l'on appelle théorique ou pure qui crée toutes les connaissances qui sont à la base de la science appliquée. Quand les sciences théo¬ riques sont freinées ou s'appauvrissent, les applications languissent ou s'arrêtent. Je voudrais, à ce sujet, citer une pensée de Pasteur : « Ce ne sont pas les dicussions politiques, si longues et si complexes, que l'on peut lire dans les journaux, qui font progres¬ ser l'humanité, mais seulement les grandes découvertes scientifiques, les découvertes de la pensée humaine et leurs applications. » P.M.S. Blackett (Royaume-Uni) Prix Nobel de physique, 1948. P.M.S. Blackett (Royaume-Uni) Prix Nobel de physique, 1948. BIEN que la science ait abouti à des résultats remarquables, il faut bien se dire qu'elle n'est pas une baguette magique dont il suffirait de toucher un pays pauvre pour le transformer en un pays riche. Les manuels scientifiques sont bon marché ; il est relativement peu coûteux de former des hommes de science ; mais il faut des sommes énormes pour donner aux connaissances scientifiques la forme concrète d'usines, d'aciéries, de réseaux de transport, d'usines électriques, de mines et de fabriques de prosuits chimiques. Toutes ces installations exigent de très gros capitaux, que les pays pauvres ont beaucoup de peine à trouver. Telle est la raison économique toute simple pour laquelle la science est si inégalement appliquée, à l'heure actuelle, à la surface du globe. Sans doute la chose importante pour l'humanité est-elle de ne pas se faire sauter. Mais je suis curieusement optimiste à ce sujet... Si nous admettons donc que nous ne nous ferons pas sauter, quel est le problème qui vient immédiatement après par ordre d'urgence ? A mon avis, il s'agit de réduire l'écart qui va s'élargissant entre les pays riches et les pays pauvres, les premiers ayant réussi à donner une application pratique aux découvertes scientifiques et à en retirer de grands avantages, tandis que les seconds n'y sont pas parvenus. Si nous ne faisons rien, à cet égard, il se pourrait fort bien que, dans quelques dizaines d'années, à supposer que le niveau de vie des pays occidentaux continue à s'élever au rythme actuel, une grande partie du globe continue à croupir dans la misère, où elle est depuis des siècles, tandis que les pays avancés d'Occident bénéficieraient (mais ce ne serait peut-être pas tout bénéfice) de cinq jours de congé sur sept. BIEN que la science ait abouti à des résultats remarquables, il faut bien se dire qu'elle n'est pas une baguette magique dont il suffirait de toucher un pays pauvre pour le transformer en un pays riche. Les manuels scientifiques sont bon marché ; il est relativement peu coûteux de former des hommes de science ; mais il faut des sommes énormes pour donner aux connaissances scientifiques la forme concrète d'usines, d'a¬ ciéries, de réseaux de transport, d'usines électriques, de mines et de fabriques de prosuits chimiques. Toutes ces installations exi¬ gent de très gros capitaux, que les pays pauvres ont beaucoup de peine à trouver. Telle est la raison économique toute simple pour laquelle la science est si inégalement appliquée, à l'heure actuelle, à la surface du globe. Sans doute la chose importante pour l'hu¬ manité est-elle de ne pas se faire sauter. Mais je suis curieusement optimiste à ce sujet... Si nous admettons donc que nous ne nous fe¬ rons pas sauter, quel est le problème qui vient immédiatement après par ordre d'urgence ? A mon avis, il s'agit de réduire l'écart qui va s'élargissant entre les pays riches et les pays pauvres, les premiers ayant réussi à donner une application pratique aux découvertes scientifiques et à en retirer de grands avanta¬ ges, tandis que les seconds n'y sont pas parvenus. Si nous ne faisons rien, à cet égard, il se pourrait fort bien que, dans quelques dizaines d'années, à supposer que le niveau de vie des pays occidentaux continue à s'éle¬ ver au rythme actuel, une grande partie du globe continue à croupir dans la misère, où elle est depuis des siècles, tandis que les pays avancés d'Occident bénéficieraient (mais ce ne serait peut-être pas tout bénéfice) de cinq jours de congé sur sept. qam-Utibil 36 36 |