Le Courrier de l'Unesco n°1986-5 mai/jun
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L'homme devant la science L'homme devant la science La « table ronde des prix Nobel La « table ronde » des prix Nobel Novembre 1958 : sous les immenses draperies de béton armé de la grande salle des conférences de l'Unesco, la « table ronde » était occupée par huit hommes comptant parmi les plus grands savants du monde, et parmi eux, cinq prix Nobel. Présentant ses collègues en tant que Président de la Commission nationale française pour l'Unesco, M. Gaston Berger put dire : « Il y a des choses que nous savons importantes mais qui prennent un relief particulier quand elles sont dites par certains hommes. » Novembre 1958 : sous les immenses draperies de béton armé de la grande salle des conférences de l'Unesco, la « table ronde » était occupée par huit hommes comptant parmi les plus grands savants du monde, et parmi eux, cinq prix Nobel. Présentant ses collègues en tant que Président de la Commission nationale française pour l'Unesco, M. Gaston Berger put dire : « Il y a des choses que nous savons importantes mais qui prennent un relief particulier quand elles sont dites par certains hommes. » Bernardo Alberto Houssay (Argentine) Prix Nobel de physiologie et de médecine, 1947. Bernardo Alberto Houssay (Argentine) Prix Nobel de physiologie et de médecine, 1947. IL n'y a pas deux sortes de sciences, il y a la science et les applications de cette science. Le public et les gouvernements croient que la science dite appliquée est la seule utile. C'est une erreur profonde. Il faut que les populations sachent que c'est la science que l'on appelle théorique ou pure qui crée toutes les connaissances qui sont à la base de la science appliquée. Quand les sciences théoriques sont freinées ou s'appauvrissent, les applications languissent ou s'arrêtent. Je voudrais, à ce sujet, citer une pensée de Pasteur : « Ce ne sont pas les dicussions politiques, si longues et si complexes, que l'on peut lire dans les journaux, qui font progresser l'humanité, mais seulement les grandes découvertes scientifiques, les découvertes de la pensée humaine et leurs applications. » IL n'y a pas deux sortes de sciences, il y a la science et les applications de cette scien¬ ce. Le public et les gouvernements croient que la science dite appliquée est la seule utile. C'est une erreur profonde. Il faut que les populations sachent que c'est la science que l'on appelle théorique ou pure qui crée toutes les connaissances qui sont à la base de la science appliquée. Quand les sciences théo¬ riques sont freinées ou s'appauvrissent, les applications languissent ou s'arrêtent. Je voudrais, à ce sujet, citer une pensée de Pasteur : « Ce ne sont pas les dicussions politiques, si longues et si complexes, que l'on peut lire dans les journaux, qui font progres¬ ser l'humanité, mais seulement les grandes découvertes scientifiques, les découvertes de la pensée humaine et leurs applications. » P.M.S. Blackett (Royaume-Uni) Prix Nobel de physique, 1948. P.M.S. Blackett (Royaume-Uni) Prix Nobel de physique, 1948. BIEN que la science ait abouti à des résultats remarquables, il faut bien se dire qu'elle n'est pas une baguette magique dont il suffirait de toucher un pays pauvre pour le transformer en un pays riche. Les manuels scientifiques sont bon marché ; il est relativement peu coûteux de former des hommes de science ; mais il faut des sommes énormes pour donner aux connaissances scientifiques la forme concrète d'usines, d'aciéries, de réseaux de transport, d'usines électriques, de mines et de fabriques de prosuits chimiques. Toutes ces installations exigent de très gros capitaux, que les pays pauvres ont beaucoup de peine à trouver. Telle est la raison économique toute simple pour laquelle la science est si inégalement appliquée, à l'heure actuelle, à la surface du globe. Sans doute la chose importante pour l'humanité est-elle de ne pas se faire sauter. Mais je suis curieusement optimiste à ce sujet... Si nous admettons donc que nous ne nous ferons pas sauter, quel est le problème qui vient immédiatement après par ordre d'urgence ? A mon avis, il s'agit de réduire l'écart qui va s'élargissant entre les pays riches et les pays pauvres, les premiers ayant réussi à donner une application pratique aux découvertes scientifiques et à en retirer de grands avantages, tandis que les seconds n'y sont pas parvenus. Si nous ne faisons rien, à cet égard, il se pourrait fort bien que, dans quelques dizaines d'années, à supposer que le niveau de vie des pays occidentaux continue à s'élever au rythme actuel, une grande partie du globe continue à croupir dans la misère, où elle est depuis des siècles, tandis que les pays avancés d'Occident bénéficieraient (mais ce ne serait peut-être pas tout bénéfice) de cinq jours de congé sur sept. BIEN que la science ait abouti à des résultats remarquables, il faut bien se dire qu'elle n'est pas une baguette magique dont il suffirait de toucher un pays pauvre pour le transformer en un pays riche. Les manuels scientifiques sont bon marché ; il est relativement peu coûteux de former des hommes de science ; mais il faut des sommes énormes pour donner aux connaissances scientifiques la forme concrète d'usines, d'a¬ ciéries, de réseaux de transport, d'usines électriques, de mines et de fabriques de prosuits chimiques. Toutes ces installations exi¬ gent de très gros capitaux, que les pays pauvres ont beaucoup de peine à trouver. Telle est la raison économique toute simple pour laquelle la science est si inégalement appliquée, à l'heure actuelle, à la surface du globe. Sans doute la chose importante pour l'hu¬ manité est-elle de ne pas se faire sauter. Mais je suis curieusement optimiste à ce sujet... Si nous admettons donc que nous ne nous fe¬ rons pas sauter, quel est le problème qui vient immédiatement après par ordre d'urgence ? A mon avis, il s'agit de réduire l'écart qui va s'élargissant entre les pays riches et les pays pauvres, les premiers ayant réussi à donner une application pratique aux découvertes scientifiques et à en retirer de grands avanta¬ ges, tandis que les seconds n'y sont pas parvenus. Si nous ne faisons rien, à cet égard, il se pourrait fort bien que, dans quelques dizaines d'années, à supposer que le niveau de vie des pays occidentaux continue à s'éle¬ ver au rythme actuel, une grande partie du globe continue à croupir dans la misère, où elle est depuis des siècles, tandis que les pays avancés d'Occident bénéficieraient (mais ce ne serait peut-être pas tout bénéfice) de cinq jours de congé sur sept. qam-Utibil 36 36
Photos Fondation Nobel John Boyd Orr (Royaume-Uni) Prix JohnNobel Boyd de Orr la (Royaume-Uni) paix, 1949. Prix Nobel de la paix, 1949. LE progrès de la science, qui a créé la LEtechnologie progrès de et la donné science, naissance qui a crééaux la technologie idées nouvelles, et donné a guidé naissance d'un bout aux à l'autre idées l'évolution nouvelles, de notre a guidé civilisation. d'un bout à l'autre l'évolution de notre civilisation. Cependant, un problème nouveau se pose Cependant, : au cours de unotre. problème génération, nouveau la science se po¬ a se progressé : au cours à un de notre rythme génération, accéléré. laDepuis science50 a ans progressé ses progrès à un ont rythme été plus accéléré. importants Depuis qu'au 50 cours ans sesdes progrès 2 000 ontannées été plus précédentes importants qu'au et cours l'homme desen 2a 000 retiré années une puissance précédentes énorme. et l'homme Par le passé, en a retiré la faim une et la puissance maladie limitaient énorme. l'augmentation Par le passé, de la faim la population. et maladie Aujourd'hui limitaient la l'augmentation faim peut être de éliminée, la population. maladie Aujourd'hui est la rapidement faim peutvaincue être éliminée, et nous assistons la maladieà une est augmentation rapidement vaincue prodigieuse et nousde assistons la population. à une C'est augmentation l'un des problèmes prodigieuseque de nous la population. aurons à C'est résoudre. l'un Ainsi, des problèmes le progrès que de la nous science aurons nous à a résoudre. conduits Ainsi, vers leune progrès ère nouvelle de la science — où nous la a conduits vers une ère nouvelle où la guerre est impossible. C'est la plus grande guerre révolution est de impossible. l'histoire. C'est la plus grande révolution de l'histoire. Pouvons-nous nous adapter à ces bouleversements Pouvons-nous ? Certains nous adapter croient àque cesnon. boule¬ Je crois versements que nous ? Certains le pouvons. croient Mais que cela non. dépend Je de crois l'humanité que noustout le pouvons. entière : Mais la question cela dépend est de savoir de l'humanité si les peuples tout entière se rendent : la question compte est du de savoir problème si les qui peuples se pose, ses'ils rendent veulent compte donner duà problème nos gouvernements qui se pose, la possibilité s'ils veulent de nous donner guider nos vers gouvernements un nouvel âge la possibilité d'or. de nous gui¬ à der vers un nouvel âge d'or. ^^s^j^i NikolaT Semenov (URSS) Prix Nikolaî Nobel Semenov de chimie, (URSS) 1956. Prix Nobel de chimie, 1956. EN présence de quelle situation nous ENtrouvons-nous présence de ? quelle D'une part, situation la science nous trouvons-nous peut rendre l'homme ? D'une part, heureux... la science D'autre peut part, il rendre suffirait l'homme d'une guerre heureux... qui, dans les D'autre conditions part, il actuelles, suffirait d'une pourrait guerre qui, être dans qu'atomique, les conditions pour actuelles, que le sort nede pourrait l'homme êtredevînt qu'a¬ vraiment tomique, pour effroyable, que plus sort effroyable de l'hommequ'il devînt n'a jamais vraiment été. effroyable, Les souffrances plus effroyable du passé qu'il seraient n'a jamais peu de été. choses Les souffrances à côté de celles du passé de l'avenir. seraient peu En de fait, choses c'est de à côté notre de bonne celles volonté, de l'avenir. de nos efforts, En fait, de c'est notre defermeté, notre bonne que dépend volonté, la deréali- sation efforts, del'une notrede fermeté, ces deux queéventualités. dépend la réali¬ On nos sation de l'une de ces deux éventualités. On doit et on peut dès a présent interdire les expériences doit et on peut atomiques, dès a présent y mettre interdire un terme les expériences une fois pour atomiques, toutes. Cette y mettre question un terme n'est certes une fois pas pour la plus toutes. grave, Cette mais elle question tout n'est de certes même fort pas importante, la plus grave, car mais pareille elleinterdiction est tout de empêcherait même fort importante, tout d'abord carle pareille perfectionnement interdiction des empêcherait terribles tout armes d'abord atomiques, le perfectionnement ouvrirait la voie des terribles au rétablissement armes atomiques, de la confiance ouvrirait internationale, ferait disparaître dans une large la voie au rétablissement de la confiance inter¬ nationale, mesure la ferait dépression disparaître morale dans actuelle une large des peuples, mesure la provoquée dépression parla morale guerre actuelle froide ; cette des peuples, mesure permettrait provoquée dans par laun guerre très proche froide ; cette avenir, mesure et le permettrait plus tôt sera dans le mieux, un très proche de passer ave¬ à l'étape nir, et le décisive plus tôt : l'interdiction sera le mieux, des dearmes passer atomiques l'étape décisive et de leur : l'interdiction fabrication, des la destruction armes ato¬ à complète miques etdes stocks leur fabrication, de ces armes, la destruction le désarmement général des stocks et la de renonciation ces armes, à la le désar¬ guerre complète en mement tant que général moyen et lade renonciation règlement àdes la guerre différends tant internationaux. que moyen de règlement des diffé¬ rends internationaux. ¿¿C^¿c^^y Daniel Bovet (Italie) Prix Daniel Nobel Bovet de (Italie) physiologie et de médecine, 1957. Prix Nobel de physiologie et de médecine, 1957. IL importe de ne pas appauvrir l'enseigne- importe universitaire, de ne pasl'enseignement appauvrir l'enseigne¬ huma- ILment niste. ment universitaire, Il importe de l'enseignement ne pas laisser s'opérer huma¬ le transfert niste. Il importe de l'autorité, de neen pasmatière laisserscientifi- que, le transfert de l'université de l'autorité, à la en politique matière et scientifi¬ de ne s'opérer jamais que, denous l'université prêter à la à la militarisation politique et denos ne jamais efforts. nous prêter à la militarisation de nos efforts. A propos de toutes ces armes, de toutes ces A guerres, propos deon toutes a parfois ces armes, mis en de cause toutes la ces responsabilité guerres, ondu asavant. parfoisJe mis voudrais en cause ici — la cela responsabilité m'est d'autant du savant. plus facile Je voudrais que je ne ici suis cela pas physicien m'est d'autant — prendre plus facile sa défense. que je ne suis pas La physicien science est innocente prendre sa des défense. maux dont on La science est innocente des maux dont on l'accuse et dont est seule responsable une société l'accuse insuffisamment et dont est seule pénétrée responsable de son une esprit. société insuffisamment pénétrée de son esprit..t. - 3o.1 as "Ci 0. « n\JuB O



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